Alimentation, activités physiques et maladies cardio-vasculaires

Ne pas fumer, manger sainement, bouger souvent, prendre garde à ne pas trop prendre de poids… Ces conseils maintes fois répétés pour éviter les risques de maladies cardio-vasculaires ne semblent malheureusement pas toujours faire leur chemin puisque les maladies cardiovasculaires ou cardio-neurovasculaires sont la première cause de mortalité dans le monde. La France n’échappe pas à cette règle puisque ces maladies sont la première cause de mortalité chez les femmes et la deuxième chez les hommes, juste après les cancers.

Pour Brigitte Bonnefoy, diététicienne-nutritionniste, les gens ont tendance à croire que cela n’arrive qu’aux autres. Les habitudes alimentaires qu’elle nous rappelle sont pourtant finalement assez simples à appliquer mais la « malbouffe » continue de gagner du terrain. Nous verrons également qu’il faut absolument combattre la sédentarité avec deux animateurs sportifs du Club Cœur Santé de Montluçon, qui met en œuvre de nombreuses d’actions pour faire bouger les personnes présentant un risque de maladies ou d’accidents cardio-vasculaires.

INTERVIEW DE BRIGITTE BONNEFOY, DIÉTÉTICIENNE-NUTRITIONNISTE À MONTLUÇON

Brigitte Bonnefoy regrette de ne voir que trop peu de personnes en prévention, afin de travailler sur des rééquilibrages alimentaires pour éviter les maladies cardio-vasculaires. Cela arrive rarement, notamment quand une personne a des antécédents familiaux de maladies cardiaques. Elle voit également certains patients avant qu’ils aient des problèmes de santé sérieux, c’est surtout parce qu’ils veulent perdre du poids dans un souci esthétique. Dans de tels cas, ils évoquent rarement par exemple qu’ils sont essoufflés parce que la graisse comprime leurs poumons par exemple. Pourtant, c’est exactement ce qui arrive si l’on n’y prend pas garde…

66 Millions d’IMpatients : L’obésité représente-t-elle un risque important sur les maladies cardio-vasculaires ?

Brigitte Bonnefoy : Parmi les plus gros risques d’accidents et de maladies cardiaques, on a tendance à oublier que la sédentarité est, en premier lieu, un facteur extrêmement aggravant. Vient ensuite l’obésité, mais finalement l’un entraîne l’autre, car plus on prend de poids moins on bouge et moins on bouge et plus on prend de poids. C’est un cercle vicieux.

Cela dit, l’impact du surpoids sur les maladies cardio-vasculaires est très variable. C’est surtout l’obésité abdominale qui est problématique. Il vaut mieux mesurer le périmètre abdominal que le poids général.

L’IMC (Indice de masse corporelle) n’est pas suffisant pour évaluer le risque potentiel de maladies cardio-vasculaires. On peut avoir un IMC important mais une obésité qui sera plutôt localisée au niveau du bas-ventre, de la culotte de cheval ou des jambes et le risque sera moindre car les viscères ne sont pas autant emprisonnés dans la graisse que lorsque l’obésité est abdominale. En effet, on imagine alors facilement que les organes digestifs comme le pancréas, le foie, mais aussi le cœur et les poumons sont entourés de graisse et n’ont plus la capacité de fonctionner sainement.

COMMENT MESURER SON IMC

COMMENT MESURER SON PÉRIMÈTRE ABDOMINAL

ATTENTION : il ne s’agit pas de mesurer le tour de taille.

La mesure du périmètre abdominal se fait suivant une ligne située entre la crête iliaque (les os qui ressortent de chaque côté du bassin lorsque l’on est allongé sur le dos) et la dernière côte. Du fait que certaines personnes peuvent avoir un « tablier abdominal », on ne peut pas se fier à l’endroit où est placé le nombril.
Côté mesure, il y a des échelles qui diffèrent un peu entre les Anglais et les Français. En France, on considère qu’il ne faut pas dépasser 80 cm pour les femmes et 94 cm pour les hommes.

De manière générale, même si l’on est en bonne santé, faut-il réduire sa consommation de sel pour éviter les risques cardio-vasculaires ?

S’il n’y a pas de prédispositions familiales aux risques cardio-vasculaires, si l’on ne fume pas, que l’on a une activité physique régulière et pas de surcharge pondérale, ce n’est pas forcément une priorité de réduire sa consommation de sel, sauf si l’on mange des plats préparés tous les jours à chaque repas.

En revanche, si au moins l’un des facteurs cités est vrai et que la personne a tendance à manger très salé (notamment en consommant souvent des plats industriels, du fromage, de la charcuterie), alors il est bon d’être vigilant sur le sel.

Cependant, il ne faut pas éliminer totalement le sel, même pour les personnes qui ont eu de lourds accidents cardio-vasculaires ou qui traversent de graves maladies cardiaques. Il faut alors bien sûr éviter les plats transformés et limiter la charcuterie et les fromages. Mais supprimer totalement le sel expose à des effets secondaires comme des problèmes de contraction musculaire et de perte d’appétit.

Il faut aussi se méfier des eaux pétillantes qui sont parfois très salées et éviter de consommer celles qui dépassent 10 mg de sel/litre. On peut par exemple boire la Perrier, la Salvetat ou la Cristalline. Il est également bon de rappeler que l’eau est la seule boisson indispensable. Il est urgent de limiter les sodas, les jus de fruits et les sirops et, bien entendu, l’alcool. Ces boissons très sucrées favorisent les triglycérides et le surpoids.

Quelles sont les bonnes habitudes à prendre pour éviter les maladies cardio-vasculaires ?

Voici les règles d’or qui deviennent vraiment incontournables si une première alerte cardio-vasculaires a déjà eu lieu :

  • Adapter les apports alimentaires aux réels besoins énergétiques de la personne
  • Limiter le sel, particulièrement en évitant les plats transformés industriels (voir notre article sur le sujet).
  • Eviter ce que l’on appelle les « mauvaises graisses » que l’on trouve notamment dans les plats industriels comme ceux des fast-food ou les plats transformés de supermarché. Il faut également limiter la charcuterie, le fromage et la viande rouge pour consommer :
    – De la charcuterie 1 fois par semaine (hors jambon blanc qui est peu gras)
    – De la viande rouge 1 à 2 fois par semaine
  • Penser aux bonnes graisses telles que :
    – Les huiles végétales, comme l’huile d’olive que l’on peut consommer crue et cuite. L’huile d’olive est riche en oméga 6 et c’est idéal de l’alterner avec de l’huile de noix ou de colza qui sont riches en oméga 3 mais doivent être consommées crues.
    – Le beurre n’est pas à proscrire mais à consommer cru sur une tartine. Il n’est pas sain de le cuire. A noter que la margarine n’est pas naturelle et n’a aucun intérêt, sauf pour quelques personnes avec des problèmes de cholestérol qui pourraient trouver un bénéfice dans les margarines enrichies en oméga 3.
  • Favoriser sa consommation de fibres, principalement grâce aux légumes et aux fruits. Attention toutefois à ne pas faire d’excès avec les fruits car ils sont très riches en sucre.

En France, le suivi diététique des personnes qui souffrent de troubles cardio-vasculaires est-il satisfaisant ?

Trop de patients qui en souffrent ou ont traversé des troubles cardio-vasculaires ne sont pas suivis sur le plan diététique. Au mieux, selon leur parcours, ils ont pu bénéficier d’un peu de rééducation alimentaire suite à une hospitalisation par exemple, mais dans l’ensemble ils sont peu sensibilisés au problème, et même après cette éventuelle rééducation, il n’y a pas de suivi, sauf si leur médecin l’inclut dans les soins. Ce constat est également valable pour l’activité physique.

Le problème est également que le suivi diététique représente un coût à la charge du patient puisqu’il n’y a aucun remboursement prévu par l’Assurance maladie.

L’idéal est de se rapprocher d’associations de patients locales qui proposent souvent des actions gratuites ou au moins pas trop chères.

Si vraiment on manque de temps ou que l’on est très isolé, on peut trouver de bons conseils en ligne sur le site du PPNS (Programme National Nutrition Santé).

Les médecins traitants peuvent également prodiguer de bons conseils alimentaires mais tous ne sont pas forcément sensibilisés à cette problématique et malheureusement, souvent, ils manquent de temps.

Quand c’est possible financièrement, on peut passer par des services de livraison de repas à domicile, qui prennent en compte les indications en cas de régime alimentaire particulier. On peut se faire livrer un seul plat, une fois par jour ou l’ensemble des repas toute la semaine. C’est cuisiné à base de produits frais, c’est donc sain et diversifié.

INTERVIEW DE CARINE PEYRARD, ANIMATRICE SPORTIVE DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE SPORT POUR TOUS. INTERVENANTE À LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DE CARDIOLOGIE ET AU CLUB CŒUR SANTÉ DE MONTLUÇON COMME ANIMATRICE EN GYM DOUCE « ADAPTÉE »

66 Millions d’IMpatients : Pourquoi l’activité physique est-elle particulièrement importante pour prévenir l’apparition ou la récidive des maladies cardio-vasculaires ?

Carine Peyrard : La sédentarité et le surpoids étant, avec le tabagisme, parmi les plus importants facteurs de risque dans les maladies cardio-vasculaires, il est essentiel de pratiquer une activité physique régulièrement et ces cours de gym douce sont là pour aider les patients à se motiver.

Il faut bien savoir que quel que soit le stade de la maladie cardiaque, il est important de trouver une activité physique adaptée à son cas, ne serait-ce que de marcher un peu tous les jours, même quand on sort d’une lourde opération. D’ailleurs dans de tels cas, l’opération sera suivie d’une rééducation qui favorisera la reprise progressive d’activités physiques et de continuer à bouger de retour chez eux, avec des cours du type de ceux que j’anime par exemple. C’est très important pour éviter une récidive.

Vous accueillez des patients qui présentent diverses pathologies cardiaques en gym douce ?

Oui, et dans l’ensemble, il y a deux types de patients qui viennent à ces séances de gym douce. Il y a des patients qui ont eu des accidents cardio-pulmonaires, dont certains ont même déjà subi une opération, et d’autres patients « à risque » qui viennent pour prévenir l’accident cardiaque, souvent sur recommandation, voire prescription de leur médecin traitant ou de leur cardiologue.

On peut venir à tout âge. La plus jeune a 36 ans, le plus âgé a 89 ans.

Tous se retrouvent dans un seul et même cours ou y a-t-il différents niveaux de pratique ?

En premier lieu, tous les adhérents passent des tests pour évaluer leur condition physique en début de saison. Ces tests nous permettent de répartir les participants par rapport à leurs antécédents, à leurs possibilités. Il y a des cours très doux où la gym se déroule en restant assis et d’autres un peu plus dynamiques pour les gens qui viennent depuis plusieurs années ou sont plus jeunes. Bien entendu, dans tous les cas, on ne montera jamais très haut en cardio, même dans les cours dynamiques.

Comment se déroulent les cours de gym douce ?

Dans ces cours, nous travaillons la coordination, la mémoire, le renforcement musculaire et également la relaxation car la maladie induit bien souvent un stress. Il y a également des exercices pour améliorer l’équilibre qui permettent en outre de prévenir le risque de chutes qui augmente avec l’âge (voir notre article sur le sujet).

On peut venir plusieurs fois par semaine, c’est évidemment bénéfique pour la santé de suivre plusieurs cours hebdomadaires si le médecin l’autorise bien entendu. D’ailleurs le Club Cœur santé propose des activités physiques diverses pour plaire au plus grand nombre et varier l’offre pour que les participants ne s’ennuient pas.

Quels sont les bénéfices concrets pour les patients qui participent ?

Les patients qui viennent régulièrement gagnent vraiment en mobilité, en qualité de vie, retrouvent un meilleur sommeil, un meilleur moral. Cela est vrai même si l’on ne vient qu’une seule fois par semaine. En outre, on échange beaucoup pendant les cours. Dans ce genre de séances d’activités physiques, les animateurs en « sport-santé » donnent également des conseils diététiques, de posture, des astuces pour bouger davantage à la maison, etc… En réalité, même en ne pratiquant qu’une heure de gym par semaine, on repart avec plein d’informations à appliquer à la maison le reste du temps.

Enfin, certains participants vivent seuls et c’est une bonne occasion de voir du monde, de se faire des amis, d’oublier ses soucis !

Vos cours ont lieu au sein du centre hospitalier de Montluçon. Est-ce rassurant pour les adhérents ?

Effectivement, les cours de gym douce ont lieu dans une petite salle au sein du centre hospitalier. Cela rassure un certain nombre d’adhérents, notamment ceux qui ont eu un accident cardiaque au cours d’un effort. Ils ont alors souvent une appréhension à l’idée de faire une activité physique et nous devons leur apprendre à décorréler l’accident cardiaque et le fait de faire un effort.

Ceci dit, on donne aussi des cours d’activités physiques dans des petits villages alentours pour toucher les personnes isolées qui n’ont pas de voiture, ont du mal à se déplacer et ont vraiment besoin que l’on vienne jusqu’à elles.

LE TAI-CHI AVEC BRUNO BULF, ENSEIGNANT D’UN COURS DE TAI-CHI POUR LE CLUB CŒUR ET SANTÉ DE MONTLUÇON

Il y a des pratiques martiales dans le tai-chi qui n’intéressent pas forcément les patients du club Cœur-santé, et j’adapte donc ce cours pour l’orienter davantage sur du Qi Gong et de la gymnastique taoïste qui vont davantage mettre en avant les bénéfices possibles sur la santé. On n’est alors pas du tout sur du travail musculaire mais plutôt sur un travail de posture, de conscience du corps. Il y a quand même parfois une sollicitation cardiaque lorsque l’on amène notamment les bras au dessus de la tête pour certaines postures mais on ne monte pas en intensité sur du cardio. Ce sont des séances douces, progressives où on ne fait pas de gestes brusques, c’est donc tout à fait adapté aux patients qui souffrent de problèmes cardio-vasculaires. Il faut avoir un certificat médical pour venir pratiquer mais les médecins eux-mêmes encouragent leurs patients à venir pratiquer et ils les suivent sur le plan médical bien entendu en parallèle, quand c’est nécessaire.

Parmi les pratiquants, j’ai notamment des patients qui viennent suite à un AVC, souffrent de tremblements, et ont des soucis d’équilibre. Je vois qu’ils font des progrès et eux me confirment que la pratique du tai-chi leur fait du bien.

On travaille sur la structure du squelette à travers les postures et particulièrement focalisée sur la colonne vertébrale. Le but est de bien se positionner justement pour parvenir à un relâchement musculaire. Même dans les exercices un peu compliqués, il n’y a pas de tensions musculaires qui solliciteraient trop le cœur. C’est une pratique santé globale pour retrouver de l’énergie.

TÉMOIGNAGE DE MARC RESCHE, 69 ANS, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION FRANÇAISE DES MALADES ET OPÉRÉS CARDIO-VASCULAIRES (AFDOC)

En mars 2012, à 63 ans, j’ai été opéré pour une valvuloplastie et double pontage coronarien. C’est lors d’un bilan cardiaque, alors que j’avais 50 ans, que l’on avait décelé un souffle au cœur qui était traité et stabilisé. Mais environ 1 an avant  l’opération, un problème d’essoufflement m’a alerté. On a alors découvert une forte apnée du sommeil et surtout un problème au niveau de la valve mitrale qu’il était nécessaire d’opérer. Aujourd’hui tout va bien !

Avant ces soucis de santé, j’avais plutôt une vie saine, je ne faisais pas particulièrement attention à mon alimentation mais je ne faisais pas d’abus. J’avais un poste que l’on pourrait qualifier « à responsabilités », donc sans doute un peu de stress. Je faisais chez moi, chaque semaine, de la gym d’entretien, un peu de marche et du ski à l’occasion. En revanche, j’avais beaucoup fumé et j’avais commencé très jeune, en pension, à l’âge de 13 ans, mais je ne fumais plus depuis 25 ans.

Suite à l’opération, je n’ai pas particulièrement changé mes habitudes alimentaires. Je n’ai pas de cholestérol et une glycémie un peu haute mais très bien stabilisée. En revanche, 6 mois après l’opération, je me suis engagé dans un club Cœur et Santé de la Fédération française de cardiologie où je pratique plusieurs des activités physiques proposées, en l’occurrence du renforcement musculaire et du badminton. L’accès aux activités du club coûte 300€ par an. Aujourd’hui, plus de 5 ans après, j’y vais toujours et je n’ai pas particulièrement envie de changer pour m’inscrire dans un club de sport classique alors que médicalement il n’y a pas de contre-indication à ce que je le fasse, mais j’apprécie l’ambiance du club, l’échange avec les autres adhérents.

Dans mon cas, j’ai l’impression qu’une fois passées les suites immédiates de l’opération, j’ai senti un mieux-être progressif petit à petit jusqu’à me sentir même mieux qu’avant l’opération. J’ai vraiment le sentiment d’avoir été « réparé » même si l’entretien demande de la maîtrise et de la responsabilité.

 

 

Jenny Hill

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