Dans un rapport publié en mars dernier, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) alerte une nouvelle fois sur les risques de dérives sectaires associés aux médecines alternatives et complémentaires.
Le processus de mise sous emprise suit en général le même chemin, selon la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) dans son rapport d’activité portant sur l’année 2016 et la première moitié de 2017 publié en mars dernier : « Valoriser la victime pour mieux asseoir l’emprise du gourou thérapeute. Il s’agira de convaincre l’adepte qu’il est exceptionnel et que pour aller mieux et retrouver son énergie, sa joie de vivre et tout son potentiel, il devra se séparer de son conjoint, se couper de ses amis, et surtout suivre des stages, généralement coûteux, mais nécessaires pour accéder au bien-être ».
Les dérives très fréquentes en santé
En 2016, la Miviludes a été saisie d’environ 1 500 signalements liés à des dérives de nature sectaire qui mentionnent explicitement des inquiétudes sur une méthode, un thérapeute ou un groupe. Le domaine de la santé concentre près de la moitié des cas soumis à l’organisme (42 % au 1er semestre 2017). « Cette part est en augmentation puisqu’elle était de 40% en 2014, et de 39% en 2015 », pointe la Miviludes.
A elles seules, les thérapies alternatives ont généré environ 400 signalements soit deux fois plus que l’année précédente. « L’année 2016 et le 1er semestre 2017 ont confirmé les inquiétudes sur les nombreuses offres potentiellement sectaires dans le domaine de la santé, du bien-être et du développement personnel ».
Médecines alternatives, complémentaires, douces ou encore naturelles, les pratiques médicales ou pseudo-médicales non conventionnelles connaissent un développement croissant. Déjà en 2015, la Miviludes soulignait que « la santé est un terrain propice au développement de l’emprise mentale, que l’on soit dans un contexte sectaire classique, en raison du pouvoir que le gourou peut exercer sur la santé de l’adepte, ou que l’on se trouve dans le cadre de pratiques de soins douteuses ».
Des conséquences parfois dramatiques
Dans une enquête publiée cette même année, nous rapportions l’exemple de Cerise*, une femme aujourd’hui âgée de 39 ans qui est restée pendant six ans sous l’emprise d’une « thérapeute » sans scrupules qui l’a incitée à couper les liens avec ses parents et ses amis et lui a siphonné des milliers d’euros.
« Tout a commencé alors que j’étais sous traitement antidépresseur et anxiolytique, suite à une rupture amoureuse. De nouveaux « amis » m’ont encouragée à me libérer de ma dépendance aux médicaments et fait part de leur expérience très positive avec une sorte de psy. J’ai pris rendez-vous. » Reiki, kinésiologie, sophrologie, reprogrammation ADN ou encore communication avec les esprits, le piège s’est progressivement refermé sur la jeune femme. C’est sa mère qui l’aidera à se sortir de cette emprise. Si elle coule aujourd’hui des jours heureux, « les séquelles psychologiques ont été longues à s’effacer, témoignait-elle alors. J’ai dû me réadapter à la vie en société et au monde réel ».
Autre exemple, celui de Jacqueline Starck, une femme de nationalité belge atteinte d’un cancer du sein tombée entre les mains de trois illuminés adeptes de la biologie totale qui l’ont découragée de se tourner vers la médecine traditionnelle. « Ivre de douleurs, Jacqueline Starck s’est quand même décidée, un an et demi après avoir ressenti sa tumeur, à se rendre en clinique. Elle décédera quelques semaines plus tard, en juin 2007 ». Sa fille Nathalie de Reuck témoigne de ce calvaire dans un ouvrage publié en 2010.
La kinésiologie et le reiki dans le viseur
Le récent rapport de la Miviludes pointe plus particulièrement deux pratiques susceptibles de donner lieu à des dérives sectaires : la kinésiologie et le Reiki. « Les victimes sont souvent confrontées à des fragilités psychologiques dues à des difficultés en lien avec leur vie personnelle ou professionnelle. Elles se mettent en quête de bien-être ou de guérison et trouvent en face d’elles des offres pléthoriques : des milliers de thérapeutes auto-proclamés, des stages d’initiation à ces méthodes, des formations, etc. »
L’absence de reconnaissance par l’Etat de formations et de diplômes, aussi bien pour le reiki que pour la kinésiologie, peut induire un amateurisme de la part de certains pseudo-thérapeutes. D’autant que n’importe qui peut se déclarer « kinésiologue » ou « maître reiki » et enseigner ces techniques.
Le mieux, pour se prémunir des risques que présentent ces charlatans, est encore de les voir venir. On l’a dit, le processus d’embrigadement emprunte souvent les mêmes étapes quelle que soit la discipline dont il est question. On vous survalorise ? On vous promet une guérison miracle ? On tente de vous dissuader de recourir à la médecine conventionnelle ? Vos proches sont désignés comme les grands responsables de vos maux et on vous invite à couper les ponts ? Vous êtes soumis à des exigences financières de plus en plus exorbitantes ? Fuyez sans vous retourner.
Comment identifier le risque de dérive ?
La Miviludes a élaboré différents critères sur la base du travail accompli par plusieurs commissions d’enquêtes parlementaires afin d’établir un faisceau d’indices facilitant la caractérisation d’un risque de dérive sectaire. « Ces critères peuvent aider des victimes, des proches de victimes, des acteurs institutionnels, professionnels ou associatifs, à déceler un risque de dérive sectaire. Plusieurs d’entre eux sont nécessaires pour caractériser une telle situation ».
Si le thérapeute est un professionnel de santé et que ses pratiques paraissent douteuses (ce qui peut arriver), n’hésitez pas à alerter le conseil de l’ordre dont il dépend. Sur son site, la Miviludes fournit également les coordonnées de l’ensemble des organismes susceptibles de venir en aide aux personnes qui se trouveraient confrontées aux abus d’un charlatan ainsi qu’à leurs proches. A consulter au moindre doute…
* Le prénom a été changé
Notre dossier sur les médecines alternatives et complémentaire (MAC) :
- Introduction dossier :
Médecines alternatives et complémentaires : les patients montent au créneau - Les pratiques :
De quoi les médecines complémentaires et alternatives sont-elles le nom ?
Les médecines complémentaires à l’hôpital
La méditation pleine conscience appliquée au champ médical - Coût et prise en charge financière :
Comment sont prises en charge les médecines complémentaires ou alternatives ?
Médecines alternatives et complémentaires : quand la facture dérape - Les risques de dérives :
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