« CHU Leaks » : stop au bashing du CHU de Toulouse !

La presse locale ainsi que l’émission Envoyé Spécial de France 2 ont apporté un écho alarmiste en mésinterprétant la fuite d’informations confidentielles concernant les événements indésirables ayant été recensés au CHU de Toulouse au cours des 4 dernières années. Une information qui a provoqué, en Occitanie et au-delà, un émoi à priori compréhensible mais qu’il s’agit d’apaiser en rappelant que la déclaration de ces effets indésirables s’inscrit d’abord et avant tout dans une démarche d’identification des risques et points sensibles dans la prise en charge pour en améliorer en continue la qualité des soins. C’est d’abord et avant tout avec ce prisme qu’il faut interpréter les 26 000 événements indésirables déclarés en 4 ans pour un établissement de 3 000 lits. Une déclaration trop faible des événements indésirables, qu’il s’agit de réduire en nombre mais surtout en gravité, serait en fait plus inquiétante puisqu’elle témoignerait d’une absence de mise en place d’une politique d’amélioration de la qualité des soins. C’est en ce sens que Catherine Simonin, Présidente de France Assos Santé Occitanie, souhaite réagir.

Pourquoi je tiens à réagir en tant que présidente de France Assos Santé Occitanie ?

France Assos Santé créé par la loi santé de 2016 regroupe sur tout le territoire national près de 80 associations de santé issues de tous les domaines (Pathologies, Handicap, Précarité, Retraités, Consommateurs, Familles, Qualité des Soins) qui comptent elles-mêmes plus de 3,5 millions d’adhérents. Nous sommes une organisation dont la seule préoccupation est l’intérêt des usagers du système de santé. A ce titre, nous disposons de 15 000 représentants au sein des hôpitaux et cliniques, mais aussi en CPAM, sans oublier les agences sanitaires.

Que penser de la fuite des événements indésirables graves ?

Les établissements demandent à leurs professionnels de santé de déclarer toutes les anomalies rencontrées dans les services. Les déclarations sont classées en fonction de leur gravité. Il ne s’agit pas de délation mais d’une pratique normale de gestion des risques. Ce recueil est indispensable à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.

En effet, comme dans l’aviation, secteur d’activité particulièrement à risque, toute anomalie doit faire l’objet d’une déclaration pour pouvoir être analysée afin d’éviter un éventuel crash. Les représentants des usagers affirment que tous les établissements de soins doivent initier ce travail de recueil et d’analyse afin de réduire les risques pour les patients.

Le nombre d’événements indésirables associés aux soins de 26 000 paraît-il anormalement élevé ?

Le CHU de Toulouse a été pionnier dans le recueil des incidents avant que cette mesure ne soit rendue obligatoire. Le CHU a enregistré entre septembre 2013 et mars 2017, 26 000 événements indésirables alors qu’il compte 3 000 lits. Une étude de la Haute Autorité de Santé montre qu’un événement indésirable grave se produit tous les cinq jours pour un service de 30 lits, ce qui ferait pour le CHU de Toulouse 7 300 déclarations par an (1).

Ce chiffre de 26 000 incidents sur une période de près de 4 ans (44 mois), correspond en moyenne à 7 100 événements déclarés par an pour le CHU de Toulouse.

Des chiffres qui prouvent donc surtout que l’établissement a bien mis en œuvre une politique d’amélioration de la sécurité des soins, et nous souhaitons que cette politique soit poursuivie pour encore baisser le nombre des incidents graves.

Un établissement qui ne déclarerait aucun incident avouerait ainsi une absence totale de politique de gestion des risques.

Quel rôle jouent les représentants des usagers dans la gestion des risques ?

Les représentants des usagers siègeant dans la Commission des usagers analysent, en toute indépendance, les plaintes et réclamations qu’écrivent les personnes hospitalisées à la direction de l’établissement. Cette disposition récente renforce la politique menée dans les établissements publics et privés sur l’amélioration de la qualité et de la sécurité. Un établissement qui ne transmet pas les plaintes et réclamations aux représentants des usagers qui siègent en son sein témoigne ainsi de son absence de transparence et de son manque de volonté de mettre en œuvre les mesures correctives que les malades et familles attendent après un accident médical grave. Les représentants des usagers sont force de propositions dans l’amélioration des parcours de soins et sont soumis à une obligation totale de confidentialité. Ils sont officiellement nommés par l’Agence Régionale de Santé sur proposition de leur association.

Pour conclure, il est essentiel de toujours rappeler que toute hospitalisation peut comporter un risque associé aux soins.

La personne malade doit être informée des risques qu’elle encourt afin d’accepter les soins qui lui sont proposés. Il s’agit d’une obligation légale. L’analyse bénéfices/risques doit être réalisée par les médecins en toute transparence avec le patient, pour une décision partagée et assumée.

En cas de difficulté ou d’incident grave rencontré dans sa prise en charge, la personne malade doit s’adresser à la direction de l’établissement où l’incident s’est produit afin qu’une enquête soit ouverte et conduite par le médiateur de l’établissement. Ses conclusions seront remises au plaignant ainsi qu’à la Commission des Usagers. Cette commission, dans laquelle siègent plusieurs représentants associatifs, doit s’assurer que les mesures correctives ont bien été mises en œuvre afin que les difficultés rencontrées ne puissent pas se reproduire.  Ces démarches contribuent efficacement à l’amélioration des parcours de soins.

On comprend donc qu’on a tout intérêt à ce que les évènements indésirables rencontrés par les personnes malades soient identifiés et analysés plutôt que de rester cachés dans les services : c’est ainsi que la sécurité des patients peut être améliorée. Il devrait plutôt être relayé comme une information réconfortante pour les usagers le fait que le CHU de Toulouse applique les recommandations de la Haute Autorité de Santé et se mobilise afin que les patients et professionnels de santé signalent les incidents qu’ils rencontrent.

Il me paraît inadmissible que cette démarche vertueuse soit aujourd’hui instrumentalisée pour participer au « bashing » en cours du CHU de Toulouse. On ne gagne jamais rien à tout confondre !


(1) Enquête nationale sur les événements indésirables graves associés aux soins (ENEIS), 2009, rééditée par la Drees

5 commentaires

  • bijiaoui dit :

     excellente analyse….et tout à fait d’accord avec la conclusion….une seule remarque additionnelle….3000 lits…. et combien de RU ?
    La réponse à cette question montrera l’axe de mes inquiétudes…

  • Alfred RAYMOND dit :

    Un grand merci à Madame la Présidente de France Assos Santé Occitanie pour ses propos tout à fait justes et d’une grande clarté qui, tout en rétablissant la vérité sur les démarches réellement mises en œuvre par le CHU de Toulouse dans le cadre de l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, contribuent à rassurer les patients et leur entourage sur la qualité de prise en charge du CHU.

    Il est en effet inadmissible que des médias, qu’ils soient locaux ou d’une grande chaîne publique, diffusent des informations d’une telle gravité en ignorant volontairement les engagements auxquels sont soumis les établissements de santé publique.

    Pour cette catégorie de médias la désinformation est le moyen d’augmenter le tirage de leur journal ou l’audimat de leur chaîne. C’est triste !

  • Loi¨c Tanguy dit :

     Mme la présidente, il me semble que vous avez commis une erreur. Un événement indésirable tous les 5 jours pour un service de 30 lits, ça me parait énorme et ça fait froid dans le dos. L’enquête à laquelle vous faites référence ne concerne, à ma connaissance, que les événements indésirables graves et fait état de 6,2 EIG pour 1000 jours d’hospitalisation. Ce n’est pas la même
    chose…

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