Repas de famille et longue maladie (diabète,cancer...)

Repas de famille et longue maladie…

Que l’on souffre d’une maladie chronique pour laquelle l’alimentation joue une grande part comme le diabète ou qu’une lourde maladie et ses traitements bouleversent les habitudes alimentaires, les repas de famille, et particulièrement ceux des fêtes de fin d’années où l’on a envie de se faire plaisir, peuvent être difficiles à aborder pour les malades.

Voici les témoignages d’Anne-Marie, Claude et Sarah, 3 patients gourmands, qui nous expliquent comment ils ont appris à aborder ces repas de fêtes plus ou moins sereinement avec les années et comment ils gèrent les regards et les remarques de leurs proches.

Anne-Marie – retraitée – En rémission d’un cancer de l’ovaire – Région Rhône-Alpes

Après six années de traitements chirurgicaux et de chimiothérapie, cette année est la première où Anne-Marie va vivre des fêtes de fin d’année sans être sous traitement curatif.

Durant ces six années, de nombreux aphtes très récurrents et extrêmement douloureux, dus à la maladie et au stress, lui ont parfois littéralement coupé l’appétit et l’ont également obligé à modifier ses habitudes alimentaires. En outre, les jours qui ont suivi chaque cure de chimiothérapie étaient également très éprouvants. Les nausées et l’épuisement l’empêchaient alors de manger.

« Pendant les repas de famille, mes proches étaient discrets et ne me faisaient aucune réflexion. Leur attitude a été plutôt bienveillante de ce point de vue. Mon mari a pu être parfois inquiet quand il voyait que je ne mangeais rien mais je le rassurais en lui disant que c’était simplement momentané pendant 2 ou 3 jours.

Bien évidemment durant ces dernières années de traitement, on ne choisit pas toujours ses dates de chimio et certaines sont tombées pendant des fêtes de famille. Sans compter les aphtes qui se manifestaient très souvent. Dans ces cas-là, je mangeais de toutes petites proportions.

Lorsqu’il y avait des repas de famille, on a continué à les préparer tous ensemble, comme avant. Je ne veux pas que l’on tienne compte de ce que je peux ou ne peux pas manger. On prépare en général une volaille, un gratin de pommes de terre et quelques extras festifs comme du foie gras ou des fruits de mer. J’évite tout simplement de manger certains aliments sur la table. Mais à vrai dire, cela ne me manque pas puisque je ne les supporte plus. J’ai appris à manger autrement. A cause des aphtes, j’ai éliminé de nombreux fruits trop acides, les plats épicés et les produits laitiers que je ne digère plus de toute façon, car les traitements ont également beaucoup perturbé ma digestion.

Si je devais donner quelques conseils pour aborder les fêtes de famille sereinement, je dirais qu’il faut éviter de se renfermer, même si je sais qu’avec la fatigue et la mauvaise mine, on est tenté de rester au fond du lit. Au contraire, il est bon de s’entourer le plus possible de ses proches.

Le jour de la fête, il faut essayer de se laisser vivre, de lâcher prise et de faire juste ce que l’on peut tant que cela reste un plaisir.

De mon côté, à chaque Noël, à mon rythme, j’ai continué à dresser une jolie table de Noël. Pour le reste, comme le sapin, j’ai demandé à ma famille de s’en occuper. En ce qui me concerne, j’ai apprécié que mes proches fassent comme si de rien n’était, même si par moments je m’éclipsais pour me reposer. Oublier un peu la maladie, c’était mon objectif, aussi je prenais soin de moi, je me maquillais, je coiffais bien ma perruque, je mettais une belle robe. Les compliments de mon mari me faisaient toujours du bien.

Si je pouvais aussi donner un conseil aux proches d’une personne malade, ce serait de prendre le relais pour faire ce qui était prévu lorsqu’ils sentent que la fatigue survient, et éviter de nous dire d’aller nous reposer parce qu’on a mauvaise mine. Moi, cela me sape le moral ce genre de remarque. On peut aussi proposer de faire une pause tous ensemble en famille avant de reprendre les préparatifs ou de continuer le repas. Et si une crise de larmes arrive, il faut la laisser passer doucement, l’accepter, car il ne faut pas se mentir, c’est dur, et c’est pour ça qu’il faut s’entourer et ne pas se renfermer selon moi. »

Claude Chaumeil – Président de l’association française des diabétiques de Paris et secrétaire national de la Fédération française des Diabétiques – Diabétique de type 2 – Région Ile-de-France.

Claude est diabétique de type 2 depuis 15 ans et insulino-requérant, c’est-à-dire passé aux injections d’insuline il y a 10 ans.

« En fait, les premières années où j’étais sous médicaments oraux, surveiller mon régime alimentaire était finalement plus contraignant. Avec l’insuline de ce point de vue, c’est un peu plus facile, car on peut réguler la dose d’insuline à s’injecter par rapport à ce que l’on désire manger.

Pour être honnête, je suis un bon vivant et ma philosophie est de ne jamais laisser le dernier mot à mon diabète. Par conséquent, on s’est pas mal chamaillé moi et ma maladie et il est possible que le manque de rigueur porté à mon alimentation lors des premières années ait entrainé le passage aux injections quotidiennes. C’est quelque chose qui est assez difficile à évaluer, mais c’est possible.

Le diabète de type 2 est très stigmatisant. Le message concernant le diabète de type 2 est souvent assez culpabilisateur concernant les habitudes alimentaires. Il m’est arrivé que l’on me fasse comprendre des choses du genre : "Tu l’as bien cherché quand même". Il est arrivé lors de repas que l’on propose des desserts à tout le monde sauf à moi. C’est même plus que stigmatisant, c’est parfois vexant. Au début, j’avoue que dans ce genre de situations où mes proches surveillaient mon alimentation, cela me mettait en colère, mais c’était également ma colère contre le diabète. Aujourd’hui je prends les choses avec plus de philosophie, j’en profite pour faire un peu de pédagogie sur la maladie.

Les fêtes de famille, pour ma part, ont un côté frustrant car je me retiens évidemment de me laisser aller. Désormais quand j’aborde un repas, je me dis qu’il faudrait que je prenne le temps de faire un dextro(1) avant de manger et quand je vois les mets sur la table, je ne me dis pas forcément que ça a l’air bon mais je me demande combien d’unités d’insuline il faut que je m’injecte si je décide de manger tel ou tel plat.

J’essaye de me rassasier et de me faire plaisir en privilégiant les protéines plutôt que les glucides. Par exemple, je vais éviter le pain et privilégier des légumes verts plutôt que des féculents, mais j’avoue que dans ces moments de fêtes, j’ai tendance à me servir deux fois plutôt qu’une. Je fais au mieux mais je ne suis pas dans le contrôle total.

Côté préparatif, ce n’est pas moi qui cuisine. Au début de ma maladie, ma famille prévoyait des plats par rapport à mon régime alimentaire. Ils voulaient prendre soin de moi et me préparer quelque chose de spécifique. Aujourd’hui c’est moins vrai, en tout cas c’est moins ostensible qu’au début où j’avais quasiment un menu spécial pour moi. Maintenant je m’adapte en fonction de ce qui est préparé.

Avec le recul, je crois que plutôt que de m’imposer des plats spéciaux pour mon diabète, même si je sais que c’était parce qu’ils étaient inquiets, j’aurais préféré que mes proches me demandent de quoi j’avais envie, qu’on en parle. Le pire, c’est que je me rends compte qu’ils devaient passer du temps à chercher des informations sur internet pour préparer des plats « sains » mais moi j’étais assez vexé au fond. J’avais le sentiment que ma famille me faisait comprendre que je ne savais pas gérer ma maladie et qu’ils savaient mieux que moi ce qui me convenait. »

  1.  (1) Un dextro consiste à se piquer le bout du doigt pour obtenir une goutte de sang à partir de laquelle on mesure en quelques secondes, à l’aide d’un petit appareil portable, le taux de glucose dans le sang.

 

Sarah – Consultante en communication – Diabétique de type 1 – Région Ile-de-France

Sarah a découvert son diabète à l’âge de 28 ans et est passée alors du jour au lendemain à 5 injections d’insuline quotidiennes.

« Avec les années, les injections sont devenues une routine. Ce qui me rappelle ma maladie au quotidien ce sont plutôt les hypo et les hyperglycémies, or elles apparaissent surtout quand je modifie mes habitudes alimentaires, que je mange des plats pour lesquels j’ai du mal à évaluer la dose d’insuline que je dois m’injecter et évidemment cela arrive particulièrement quand je mange à l’extérieur de chez moi.

Pendant les fêtes, quand je suis invitée à manger dans ma famille, on me demande toujours à l’avance ce que j’aimerais manger. J’avoue que je ne leur facilite pas la tâche car je suis végétarienne en plus d’être diabétique. Quand il s’agit de ma maman, c’est facile car nous sommes très proches et je n’hésite pas à lui dire ce qui me ferait plaisir, mais le reste du temps, en réalité je suis assez gênée. Dans l’ensemble, je préfère que l’on ne fasse rien de particulier pour moi et je m’adapte en fonction de ce qu’il y a.

Côté tentations, malheureusement pour mon diabète, j’ai la dent sucrée. J’adore le pain et les desserts. Pris en quantité raisonnable, je gère bien ma glycémie, mais quand je craque et que je mange beaucoup de glucides, les heures qui suivent sont très instables. Plus rien n’est rationnel entre mes doses d’insuline et la quantité de glucide avalé. Mon corps n’arrive plus à suivre, j’ai l’impression. Mon taux de sucre dans le sang peut monter très haut puis descendre trop bas car je me serais injectée trop d’insuline et je suis alors extrêmement fatiguée durant 1 ou 2 jours. Je me suis donc fixée une règle qui est de ne craquer que pour des desserts exceptionnels, faits maison ou préparés par de grands pâtissiers, et de ne pas toucher par exemple aux friandises industrielles. Ça limite quand même les dégâts en cas de dérapage.

Le regard des proches durant les repas de famille ne sont pas toujours évidents à supporter, surtout quand il s’agit des proches que l’on voit peu souvent et qui ne connaissent pas la maladie. J’avoue que je déteste quand on scrute mon assiette pour analyser ce que je mange. Quand ce n’est pas une tante qui me dit que si j’arrêtais de manger des gâteaux, je n’aurais plus besoin de me piquer, c’est un oncle qui fait des blagues sur le cri de la carotte quand il se rend compte que je suis végétarienne.

A vrai dire, au moment des fêtes de famille, et dans un contexte où j’ai une maladie qui se rappelle à moi à chaque fois que je me mets à table, j’aimerais oublier que je suis malade et que personne ne m’en parle, même si je comprends que les proches que je vois peu veuillent prendre des nouvelles de ma santé… »

 

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