téléconsultation médicale

De plus en plus de complémentaires santé proposent en inclusion dans leurs garanties la possibilité à leurs adhérents de consulter un médecin généraliste ou spécialiste à distance. Nous avons interrogé six acteurs parmi les plus actifs du secteur.

Dopée par l’engouement des complémentaires santé ou de certaines grandes sociétés, les plateformes de médecins assurant un service de téléconsultation à distance ont le vent en poupe. Certains acteurs revendiquent déjà plusieurs millions d’utilisateurs potentiels de leurs services de télémédecine. Nous avons interrogé 6 sociétés (Epiderm, H4D, Medaviz, Medecin Direct, Medicitus et MesDocteurs) parmi les plus importantes œuvrant dans le secteur de la téléconsultation et/ou du téléconseil médical (deux démarches différentes, lire ci-dessous), afin de comprendre dans le détail leur offre ainsi que leur modèle de fonctionnement.

Des millions de Français peuvent déjà accéder à ce service de téléconsultation médicale

Les acteurs interrogés témoignent de concert de la forte appétence des assurés vis-à-vis de la consultation médicale à distance. Opérationnel depuis septembre 2016, Medecin Direct, qui annonce 10 millions de bénéficiaires pour le mois de juin 2018, affiche un nombre de consultations en croissance constante. « On traite environ 2000 dossiers par mois », estime François Lescure co-fondateur en 2010 de la société. Medaviz, 2 millions d’utilisateurs potentiels au compteur, en serait à 400 consultations par mois.

Du côté de MesDocteurs dont les services bénéficieront dès janvier prochain à quelque 10 millions d’assurés, on vise à terme plusieurs dizaines de milliers de téléconsultations chaque mois. Pour l’ensemble des plateformes, c’est d’abord la désertification médicale et les difficultés d’accès aux médecins en découlant qui expliquent cette explosion à la fois de l’offre et de la demande. La possibilité de consulter un médecin à distance, y compris le week-end, est par ailleurs perçue par certains employeurs comme un outil intéressant à exploiter afin de réduire l’absentéisme.

« Un salarié qui tombe malade le week-end doit attendre le début de semaine pour consulter, explique l’un des protagonistes interrogés. L’arrêt de travail qui s’ensuit éventuellement se traduit au final par plusieurs jours d’absence. Si le salarié peut démarrer le traitement plus rapidement, c’est autant de temps de gagner à la fois pour lui mais aussi pour l’entreprise ». Le point en questions sur ce qu’il faut savoir des services de téléconsultation proposés aux assurés français.

Qui se trouve derrière l’écran (ou à l’autre bout du fil) ?

Ces consultations virtuelles sont assurées par de véritables médecins inscrits à l’ordre, le plus souvent libéraux de leur état. Ils sont plus ou moins nombreux selon la plateforme. La plupart des acteurs du secteur travaillent à la fois avec des généralistes et des spécialistes. Certains proposent aussi le recours à des professionnels non médecins. C’est le cas par exemple de la société Medaviz qui comptent 55 médecins dont 30 généralistes ainsi qu’une trentaine de paramédicaux (infirmières, ostéos, pharmaciens, etc.).

A noter le cas particulier de la société Epiderm dont le service est ciblé, comme son nom l’indique, sur des questions de dermatologie. « Plus d’une dizaine de spécialistes, explique Antoine Bohuon, l’un des cofondateurs de la société, répondent quotidiennement aux questions que se posent les internautes. Près d’un appel sur 4 concerne des personnes inquiètes de l’évolution morphologique d’un grain de beauté et du risque de mélanome associé. Pour établir leurs conseils, nos dermatos s’appuient à la fois sur l’échange avec le patient et sur les clichés que celui-ci leur fait parvenir via le web ».

Quels sont les jalons encadrant la téléconsultation ?

Cette pratique est encadrée par le décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine. D’après ce texte, « la téléconsultation a pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient ». Les sociétés qui souhaitent se lancer sur ce marché sont tenues, au préalable, d’obtenir une autorisation de l’Agence régionale de Santé. Le service doit également passer entre les fourches caudines de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Précisons, s’il est besoin, que les données générées lors de ce colloque singulier 2.0 sont soumises au secret médical comme lors d’une consultation physique.

Important également : ces données personnelles de santé doivent obligatoirement être stockées par un hébergeur agréé par les pouvoirs publics. En pratique, la téléconsultation peut aboutir à un diagnostic et à la prescription de médicaments (hors stupéfiants) ou d’examens cliniques complémentaires. Cette prescription peut-être télétransmise directement à la pharmacie que le patient à l’habitude de fréquenter. Précisons enfin que les ARS imposent aux acteurs un reste à charge nul sur la téléconsultation. Conséquence : les sociétés ne peuvent commercialiser leurs services directement aux assurés et doivent passer par les complémentaires santé ou les entreprises intéressées qui prennent à leur charge les coûts du service.

Quelle différence avec le téléconseil ?

Plusieurs acteurs parmi les 6 que nous avons interrogés proposent un service de téléconseil en plus, ou à la place, de la téléconsultation. Ce service ne nécessite pas d’autorisation de la part de l’ARS. Il ne peut donner lieu à l’établissement d’un diagnostic et encore moins à une prescription médicale. Epiderm est la seule société de notre échantillon à privilégier exclusivement cette pratique. La spécificité de la demande semble raccord avec l’offre, si l’on se fie aux dires d’Antoine Bohuon : « Dans 80% des cas, les dermatologues de notre plateforme sont en mesure de donner un avis éclairé à l’internaute qui peut ensuite décider de la marche à suivre à la lumière des informations qui lui ont été communiquées ».

Contrairement à la téléconsultation, les plateformes de téléconseil sont autorisées à facturer ce service directement aux consommateurs. Pour accéder aux téléconseils d’Epiderm, par exemple, il en coûte 29 € pour une période d’échanges (illimités) par messagerie pendant 7 jours. Parmi les acteurs que nous avons sollicités, Medaviz, Medecin Direct et MesDocteurs proposent également (en plus de la consultation dématérialisée) un service de téléconseil. Chez ce dernier, la question est facturée 5,90 €. Comptez 1,90 € la minute pour une conversation audio ou vidéo avec un généraliste ou un spécialiste. Selon le cas de figure, l’échange permettra au médecin de rassurer l’internaute inquiet ou de l’aiguiller vers une consultation physique, voire vers un service d’urgence. Mais en aucun cas, on l’a dit, de poser un diagnostic.

Comment fonctionne la téléconsultation en pratique ?

« Dans un premier temps, explique Eric Roussin fondateur de Medicitus, le patient s’inscrit au service et renseigne sur la plateforme d’échange en ligne un questionnaire de santé. Son dossier médical sera ensuite incrémenté des informations générées lors des différentes téléconsultations ». Chez Medicitus, environ 60% des téléconsultations aboutissent à une prescription médicale. Les autres plateformes communiquent sur un taux de prescription en général plus faible. A noter qu’un compte rendu peut être envoyé au médecin traitant à l’issue de la téléconsultation si le patient le souhaite.

DES TÉLÉCONSULTATIONS EN CABINE
C’est une cabine équipée d’un système de visioconférence dans laquelle le patient s’installe pour son rendez-vous virtuel. A l’autre bout de la webcam : un médecin généraliste. Cet espace clos est muni de nombreux capteurs qui permettent aux patients d’enregistrer un certain nombre de constantes (pouls, tension, glycémie, taux de cholestérol, etc.) transmises en temps réel au médecin qui peut, à l’issue de la consultation, délivrer une ordonnance pour un traitement ou des examens complémentaires. Le service a été lancé l’année dernière. Une quarantaine de cabines sont à ce jour en fonction à travers l’Hexagone, principalement en région parisienne. C’est ainsi que la LMDE et la Smerep, deux mutuelles étudiantes, mettent à disposition de leurs adhérents une de ces cabines dans leur principal centre à Paris. Les adhérents à la mutuelle Interiale ont aussi accès à ce dispositif de même que les salariés des sociétés Icade et Vinci. Le passage en cabine n’est pas facturé au patient. Il l’est en revanche à l’entité qui souhaite proposer le service. La cabine de la société H4D se loue 3 000 € par mois.

Les services auxquels nous nous sommes intéressés sont accessibles pour certains 24h/24 et 7 jours sur 7 (Medaviz, Medecin Direct et MesDocteurs). D’autres ne le sont qu’aux heures ouvrables et pendant le week-end. Les modes d’échange avec le médecin ou le professionnel de santé varient également selon l’opérateur. Certaines plateformes proposent plusieurs options à leurs utilisateurs (téléphone, visioconférence, tchat ou messagerie), d’autres ont choisi de n’opter que pour l’une d’entre elles. Les motifs de consultation les plus souvent rapportés relèvent de la médecine générale, de la dermatologie, de la gynécologie, de l’accompagnement  psychologique ou encore de la sexologie. « Nos médecins sont également assez souvent sollicités pour interpréter des résultats d’analyses biologiques », pointe François Lescure.

La téléconsultation bientôt remboursée ?

C’est effectivement au programme. L’article 36 du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 adopté en dernière lecture tout récemment prévoit la prise en charge de la téléconsultation par l’Assurance maladie afin de favoriser son développement. Charge à la Caisse nationale d’Assurance maladie, en concertation avec les syndicats de médecins, de définir le tarif de remboursement et les modalités de réalisation de la téléconsultation. Ces discussions devraient démarrer dès janvier prochain. A noter, cela a son importance, que l’article 36 du PLFSS dispose que seuls les actes de téléconsultation effectués par vidéotransmission peuvent prétendre à une prise en charge par la solidarité nationale.

3 commentaires

  • Chedhomme dit :

    Lettre ouverte à toutes les bonnes volontés.
    Bonjour, juste mon dernier petit cri, pour vous présenter ma colère du jour ;
    Je suis privé de dessert, étant diabétique depuis des dizaines d’années, et mon médecin traitant vient de partir en retraite avec la médaille de ma mairie, donc en mon nom, mais sans s’occuper de sa succession, ma mairie qui fait tout ce qu’elle peut, elle a même créé une maison de santé, ma CPAM de l’Oise, qui m’expédie à ce sujet de nombreux SMS afin de me motiver sur l’importance du médecin traitant, mais j’ai depuis plusieurs mois déjà, commencé ma recherche auprès de tous les médecins à 25 / 30 km autour de Formerie (50 à 60 km aller retour) et oui même dans l’Oise â 100 km de Paris, je recherche sur deux départements (60 & 76) soit aujourd’hui, plus de 50 refus, mais je continue toujours et mon espoir s’amenuise, de jour en jour.
    Mon ordonnance d’insuline étant à renouveler semestriellement, je vais tomber en panne dans deux mois.
    Que faire ???
    Qui Attaquer pour non assistance à personne en danger ?
    – le ministre de la santé
    – l’ordre des médecins
    – la CPAM
    – mordre mon pharmacien afin qu’il prolonge mon ordonnance
    – aller comme tout le monde aux urgences de l’hôpital.
    – Donc privé de dessert, mais pas de désert médical.
    La galère, car moi je suis un septuagénaire encore un peu dynamique, mais pensez à ceux qui sont paniqués devant ce mur brutal d’incompréhension.
    Et merggggre …,
    Vive l’amour et la tolérance, relisez f. Kafka et vous comprendrez les méandres de notre administration, et le monstrueux travail de réorganisation qui vous attend.

    Amicalement votre
    Christian ..

  • Ddn dit :

    Article très interressant mais qui ne dit rien sur la qualité du réseau internet dont il faut disposer. Quel débit est nécessaire pour supporter les outils de télé Consultation? Merci.

    • PiluleRose dit :

       @DDN : la quantité de débit du réseau numérique est effectivement essentielle pour une vidéotransmission de qualité. Le médecin doit connaître le niveau du débit de son ordinateur dans le lieu où il exerce. Il existe de nombreux sites internet qui mesurent le débit instantané, descendant (internet vers l’ordinateur) et montant (ordinateur vers internet). A titre d’exemple, il y a le site http://www.speedtest.net pour tester le débit numérique de son ordinateur. La plupart des débits numériques sont aujourd’hui en ADSL, c’est-à-dire avec des débits descendants élevés et des débits montants plus faibles, donc asymétriques. Lorsqu’il s’agit d’un très haut débit (THD), notamment avec la fibre optique, cette asymétrie n’a pas d’importance pour la qualité de la vidéotransmission. Dans une maison médicale dotée d’une box wifi, il faudra cependant vérifier que le débit numérique est correct dans chaque bureau médical. Par ailleurs, le patient devra avoir une connexion internet de qualité. Pour cela, le médecin devra connaître la situation numérique au domicile de son patient (avez-vous une box wifi ? avez-vous été connecté à la fibre optique ? Avez-vous un ordinateur, une tablette ? faites-vous déjà des visioconférences ? etc.). A noter que selon l’ARCEP (Autorité de régulation des communication électroniques et des Postes), en 2017, 8 millions de Français n’avaient pas encore accès à Internet. Pour que la téléconsultation soit accessible à tous, quelque soit leur situation géographique et leur possibilité d’accès au réseau numérique, différentes solutions existent (dans une pharmacie équipée, par exemple).

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