Internet, chatbots, univers du digital et questions de santé

Et si internet répondait à toutes nos questions santé ?

Internet a bouleversé notre rapport à la recherche d’informations. On trouve désormais de plus en plus vite la réponse à nos questions et nous nous accommodons mal de devoir attendre. Le revers de la médaille est que pour certaines questions, le nombre de réponses est tel, entre celles des professionnels, des marques, des forums, des encyclopédies collaboratives, etc… que nous avons du mal à nous y retrouver et à trier les informations les plus pertinentes. Or lorsqu’il s’agit de questions de santé, le temps qui nous sépare de la réponse et la justesse de celle-ci peut être très important pour les patients ou leurs proches.

De plus en plus d’acteurs du monde de la santé et de l’univers du digital développent des interfaces simples, intuitives, rapides, efficaces qui permettent de résoudre cette problématique de la prise en charge des questions de santé en ligne.

66 Millions d’IMpatients a rencontré trois de ces acteurs qui planchent sur le sujet et dont les solutions se croisent, se complètent… au point qu’en imaginant qu’elles fusionnent, dans un futur assez proche, elles pourraient devenir des outils incontournables de la santé 2.0.

Des bibliothécaires et documentalistes en santé au service des citoyens…

Au sein de la Cité des sciences et de l’industrie à Paris, la Cité de la santé a ouvert en 2008 un service de réponses en ligne.

Soutenu par des médecins, des associations ou des réseaux de santé, les bibliothécaires et documentalistes de la Cité de la santé répondent en 72 heures, du mardi au samedi, aux questions qui leur sont posées en ligne sur le thème de la santé. Ils sont ainsi 4 à 5 personnes à s’occuper de ce service totalement gratuit et les réponses renvoient sur des ressources (lieux, sites, associations,…) évaluées par l’équipe.. Une rigueur qui leur a permis, après un audit, d’obtenir le Label Aide en santé de l’INPES, un label soutenant les dispositifs de prévention et d’aide à distance en santé.

« On ne donne pas notre avis, encore moins de diagnostic, notre travail est d’informer ou de réorienter vers des professionnels de santé, des associations de patients, etc… Notre but est que ces informations permettent d’enrichir le dialogue avec le médecin. Il n’est pas question de remplacer le médecin, mais cela arrive à tout le monde, une fois rentré à la maison, que les questions se bousculent et que l’on aille chercher des compléments d’informations sur internet. Beaucoup de gens qui nous posent des questions ont déjà fait des recherches sur le web mais se sentent perdus face à la masse de données qu’ils peuvent trouver en ligne. On donne des éléments, des sources validées, pour que chacun puisse se faire son avis et devienne acteur de sa propre santé », explique Nathalie Chalhoub, responsable de la Cité de la santé.

Sandrine Lebastard, coordinatrice du service questions-santé, précise : « On répond à toutes les questions même si c’est simplement pour orienter vers un médecin. Trouver les sources est souvent aussi important que trouver les mots pour répondre. En effet, il s’agit de questions de santé, qui mettent parfois en jeu l’affect et qui nécessitent d’avoir de l’empathie. Dans la mesure où l’on n’a pas la personne en face de nous, où l’on ne connaît pas son niveau de compréhension sur tel ou tel sujet, il faut être prudent. Une fois nous avions eu une question qui était "Qu’est-ce qu’une tumeur maligne ?", à laquelle on n’a pas répondu par le mot cancer. On a expliqué ce qu’était une tumeur, ce que voulait dire maligne et on a renvoyé l’utilisateur, qui posait la question à propos de son père, vers son médecin car on ne pouvait pas savoir s’il avait compris de quoi il s’agissait et notre rôle n’était pas de lui annoncer une nouvelle grave en ligne ».

Selon les périodes, l’équipe a pu recevoir jusqu’à 8 questions par jour. Une surcharge de travail importante quand il faut l’ajouter à leur travail à la Cité de la santé. Entre la phase de recherche et la rédaction, chaque question leur prend en moyenne 3 heures. L’équipe s’est donc organisée. Les questions récurrentes sont désormais classées dans une rubrique FAQ (foire aux questions) et la Cité de la santé a noué des partenariats avec des acteurs de la santé référents, comme Maladies rares info service qui a aussi un service de questions-réponses en ligne. Des synergies ont également été mises en place avec des services homologues comme le Guichet du savoir à Lyon, qui a une antenne spécifique sur la santé baptisée Cap’culture santé.

Le succès de ces services en ligne, et des plateformes téléphoniques en santé témoignent que, de toute évidence, il manque aux usagers, aux patients et à leurs proches un temps pour la parole, pour l’appréhension et la compréhension de leur état de santé.

Des robots pour répondre à nos questions santé ?

Si vous êtes adeptes d’internet, vous avez pu remarquer que sur de plus en plus de sites, une fenêtre de discussion instantanée s’ouvrait automatiquement pour vous proposer de l’aide. C’est ce que l’on appelle des « chatbots » (« chat » est à comprendre en anglais, c’est la traduction de discussion, et « bot » est pour robot). En effet, les chatbots sont en réalité des outils de discussion automatisés, gérés par une intelligence artificielle. Pensez-vous que ce type d’innovation soit adapté dans le domaine de la santé ? C’est ce que croient Jean-Louis Fraysse et Olivier Thuillart, concepteurs de solutions numériques au service de la santé, qui travaillent sur la question des chatbots. Jean-Louis Fraysse précise : « Le chatbot n’est pas fait pour remplacer un professionnel de santé, qu’il soit médecin, infirmier, pharmacien, etc. Aujourd’hui on a cependant une double problématique, qui est l’augmentation des maladies chroniques et une diminution du temps médical disponible. A un moment donné, le patient n’a pas de réponses aux questions qu’il est susceptible de se poser. Il faut donc trouver des solutions. Le chatbot peut servir d’aide à la prise de décision et de complémentarité avec le professionnel de santé, mais il ne doit pas être utilisé pour le remplacer. »

Les deux entrepreneurs, le premier docteur en pharmacie et le second ingénieur biomédical, se sont intéressés au chatbot alors qu’ils développaient des solutions pour la prise en charge des malades chroniques à domicile. Olivier Thuillart poursuit : « Dans le contexte de la maladie chronique à domicile il y a une nécessité d’astreinte envers le patient. Nous avions fait le constat qu’il y a des questions récurrentes simples qui pouvaient être automatisées, notamment sur le fonctionnement du matériel médical utilisé à la maison. Evidemment derrière le chatbot, une personne peut prendre la main immédiatement au cas où le robot ne suffit pas. »

L’application des chatbots dans le domaine de la santé peut être adaptée sur mesure à chaque situation et intervenir à plusieurs niveaux. Il existe des chatbots simples, qui permettent de délivrer des messages informatifs qui ne sont pas particulièrement engageants et il y a des chatbots qui vont intervenir en termes d’aide à la décision pour faciliter l’intervention du médecin, faire gagner du temps aux médecins et aux patients.

Concrètement, les robots sont paramétrés avec des contenus scénarisés pour répondre à des questions, des situations que l’on peut anticiper. Les contenus sont rédigés par des experts, et il faut espérer que dans le domaine des chatbots santé, les éditeurs de ce type de solutions auront une grande exigence sur le recrutement de leurs rédacteurs afin qu’ils soient effectivement des experts médicaux délivrant des contenus médicalement validés. Jean-Louis Fraysse et Olivier Thuillart ont ainsi mis au point une démonstration où il s’agit pour un patient de demander à un chatbot quelle dose d’ibuprofène il peut prendre selon son âge, son poids, son sexe. On pourrait même rechercher d’éventuelles interactions médicamenteuses à éviter. Cependant, Jean-Louis Fraysse précise qu’il faut rester très prudent avec ce genre d’application, car même si c’est techniquement possible, un robot ne peut pas et ne doit pas faire le travail de prescription d’un médecin ! Il faut alors voir le chatbot comme un premier filtre qui servirait à réorienter le patient vers des professionnels de santé. Le chatbot est un outil de connaissance très utile pour rediriger vers des sites de santé référents, des associations de patients, bref, orienter l’utilisateur en fonction de son besoin vers la réponse la plus pertinente possible.

Olivier Thuillart explique : « Pour l’instant on travaille sur des échanges à visée informative, comme par exemple sur le thème du paludisme en Afrique, avec des données sur les zones contaminées. On développe également des solutions autour de l’apnée du sommeil, sur la base d’un questionnaire référent autour de cette pathologie, un questionnaire validé par la communauté scientifique, qui demande par exemple si l’utilisateur ronfle, somnole durant la journée ou s’il se réveille systématiquement épuisé. En fonction de ses réponses, le chatbot pourra calculer le score de l’utilisateur et lui indiquer s’il s’avère nécessaire qu’il aille voir un médecin pour explorer une éventuelle apnée du sommeil. ».

Quel est l’avenir du chatbot ? Il devra en tout cas passer par la sécurisation car beaucoup de données de santé personnelles seront amenées à circuler. Pour Jean-Louis Fraysse, le futur des chatbots, c’est la compréhension de plus en plus fine des comportements via l’intelligence artificielle. Il ajoute : « Plus il y aura d’utilisateurs, plus l’intelligence artificielle mise en place derrière le chatbot va affiner sa compréhension des questions et proposer des réponses de plus en plus pertinentes. Avant de mettre en place un chatbot, il y a toujours une communauté d’utilisateurs qui "entraine"le chatbot, de manière à ce qu’il soit pertinent dès le début. J’espère cependant que le chatbot ne servira pas à établir des diagnostics. Les outils numériques doivent rester au service des patients en préservant l’équilibre des choses. Chaque cas reste unique, le robot, même très entrainé, n’a pas l’expérience, ni le bon sens de l’intelligence humaine. ».

Une application mobile de consultation médicale en ligne…

Vous manquez de temps ou habitez trop loin d’un cabinet médical pour pouvoir prendre rendez-vous avec un médecin ? C’est le soir, le week-end, et vous ou vos enfants ont une mauvaise grippe, rien qui mérite de se déplacer aux urgences, mais qui nécessite quand même l’avis d’un médecin ? Les services de consultation médicale en ligne se développent et s’organisent, comme mes docteurs.com, medecinsdirect.fr ou hellocare.com.

 

Interview de Mathilde le Rouzic, directrice des opérations chez Hellocare.

En quoi consiste votre service ?

Nous mettons en relation patients et médecins en visio-conférence via notre application mobile, 7 jours sur 7, de 7h à 22h.

Ce sont des consultations comme en cabinet de ville ? Le médecin peut émettre une ordonnance ?

Pour l’instant, ce sont ce que nous appelons des télé-conseils et non des téléconsultations. Nous attendons l’accord de l’Agence régionale de santé (ARS) pour que nos médecins puissent faire des consultations avec des prescriptions. Quand ce sera validé, les patients pourront récupérer leur ordonnance sur un espace sécurisé ou bien le médecin pourra l’envoyer directement à la pharmacie indiquée par le patient.

Combien cela coûte-t-il et est-ce remboursé par l’Assurance maladie et les complémentaires santé ?

Une consultation sur Hellocare avec un médecin généraliste coûte 29 €, mais comme nous sommes en phase de lancement puisque notre service n’existe que depuis début 2017, nous offrons 3 télé-conseils gratuits aux nouveaux utilisateurs jusqu’à fin août.

Pour ce qui est du remboursement, pour l’instant la téléconsultation en France n’est remboursée que sous certaines conditions assez strictes. Nous espérons que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévu en novembre offrira la possibilité que la téléconsultation devienne un acte qui puisse être remboursé par l’Assurance maladie. A priori, le remboursement devrait se situer autour de 25 € par téléconsultation.

Vous pratiquerez alors le tiers-payant ?

Tout à fait. Nous aimerions qu’un patient bénéficiant d’une complémentaire santé qui couvrirait le reste à charge après remboursement de l’Assurance Maladie n’ait aucun frais à avancer en utilisant notre application. Aujourd’hui nous créons déjà des partenariats avec des mutuelles qui prennent en charge des services comme le nôtre.

Aujourd’hui, combien recevez-vous de demandes quotidiennement ?

Nous avons plus de demandes le week-end que durant la semaine et nous recevons entre 50 à 80 demandes chaque jour. Une vingtaine de médecins se relaient pour y répondre.

Comment avez-vous recruté les médecins et combien gagnent-ils ?

Au début, nous avons travaillé avec des médecins que nous connaissions dans notre région et lorsque nous avons commencé à avoir des articles dans la presse, des médecins de toutes les régions nous ont appelés pour rejoindre l’équipe. Ils sont rémunérés, selon les jours et les horaires, entre 89 et 120 € de l’heure.

Peut-on demander à être suivi par le même médecin à chaque demande ?

On travaille sur ce point pour le proposer en fin d’année, de la même façon qu’il sera possible de demander à parler à un médecin qui pratique une spécialité particulière, comme l’homéopathie par exemple. Mais nous n’avons pas vocation à remplacer le médecin traitant. Nous proposons plutôt un service médical de premier recours, quand son propre médecin n’est pas disponible. Notre intention est de créer des liens, en envoyant notamment le compte-rendu de consultation au médecin-traitant pour qu’il puisse prendre facilement le relai. Notre but n’est en aucun cas de sortir les patients de leur parcours de soin physique car on ne peut pas tout faire en téléconsultation. Il y a des moments où il faut faire un examen clinique.

Pourtant vous proposez de l’aide sur des pathologies, des troubles qui nécessitent un suivi comme la perte de poids, ou les addictions ?

C’est vrai, mais notre intention est plutôt de conseiller au patient de se faire suivre en ville ou à l’hôpital. Nous mettons cependant en place des outils qui participent à ce suivi, à travers un dossier médical personnalisé sur notre application ou des messages de prévention. Si une personne nous appelle pour nous parler de problèmes d’addiction, nous sommes là davantage pour l’informer, la réorienter. L’addiction nécessite un suivi en consultation classique mais pour une première prise de contact, un patient aura peut-être moins de mal à nous solliciter plutôt que prendre directement rendez-vous avec son médecin. A nous de lui délivrer les bons messages, de le rassurer, de le conseiller.

Pour l’instant votre service ne fonctionne qu’en visio-conférence sur mobile ?

Oui, mais à partir de juillet, nous allons l’ouvrir en conversation sans vidéo car beaucoup d’utilisateurs nous le demandent, surtout quand il y a une mauvaise couverture du réseau téléphonique ou internet. Cependant nous préférons privilégier la vidéo car il y a une meilleure qualité d’échange et c’est important quand on parle de santé.

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