L’utilisation de tests de détection rapide (TDR) par les médecins, les généralistes notamment, leur permet d’identifier si une angine est de nature infectieuse ou non. Si elle a progressé depuis 2013, elle reste néanmoins insuffisante. Ces TDR pourraient contribuer à limiter de façon importante la consommation de certains antibiotiques.
« Il n’y a que moi qui fais le test de détection pour les angines ? interrogeait il y a quelques jours ce médecin sur une liste de discussion en ligne. Pourquoi mes confrères prescrivent des antibiotiques d’emblée sans faire le test ? J’ai vu trois patients hier sous antibiotique pour angine et quand je leur ai demandé si on leur avait fait le test avec le coton tige, ils m’ont tous répondu par la négative. Ça m’exaspère ».
Les tests de détection rapide (TDR) permettent en quelques minutes d’identifier si une angine est d’origine bactérienne, et donc nécessite le recours à un traitement antibiotique (l’amoxicilline le plus fréquemment), ou virale, auquel cas le médecin est au contraire appelé à ne pas en prescrire, cette famille de médicaments n’étant alors d’aucune utilité.
Le TDR, un outil qui reste sous-utilisé
Nombre de prescripteurs continuent pourtant de privilégier les antibiotiques sans même avoir effectué le test, comme le montre le témoignage de ce médecin confirmé par plusieurs de ses confrères dans la suite de la discussion. « J’ai l’impression d’être le seul dans mon coin [à utiliser les TDR]. Les confrères exagèrent quand même », indique celui-ci. « Idem », répond un autre médecin.
Ces dispositifs sont pourtant mis gratuitement à disposition des professionnels de santé par l’Assurance maladie. Depuis fin 2010, les médecins peuvent même les commander en quelques clics sur son site Ameli.fr.
« Je les utilise toujours pendant mes remplacements. J’ai même dû faire commander des boîtes par les secrétaires de certains cabinets puisque les confrères ne le faisaient pas. Ça me paraît pourtant si simple. Des fois, je le fais même si je sais que ça ne sert à rien (pour une pharyngite par exemple), juste pour l’aspect éducatif afin de montrer que c’est viral et que par conséquent la prescription d’antibiotiques n’est pas justifiée ».
Vers un meilleur usage des antibiotiques ?
Dans un contexte de fort développement de la résistance des bactéries aux antibiotiques, résultat direct d’une utilisation excessive des médicaments en question (chez l’homme mais aussi chez l’animal), les pouvoirs publics ont placé la lutte contre les prescriptions inutiles dans le top de leurs priorités. Et pour cause puisque cette antibiorésistance conduit à un nombre croissant d’impasses thérapeutiques qui peuvent parfois s’avérer fatales (12 000 décès en France en 2012, selon une étude de Santé Publique France).
Selon le Plan national d’alerte sur les antibiotiques 2011-2016, « L’enjeu est de savoir recourir aux antibiotiques de façon adaptée, en choisissant le bon produit, pour la durée pertinente et sous la forme adéquate, dans tous les cas où ce type de médicament est utile mais exclusivement dans ces cas là ». L’objectif : « mettre toutes les chances du côté de chaque patient, tout en préservant l’avenir de la collectivité face aux infections bactériennes. »
L’angine est à ce titre une affection que les pourfendeurs de l’antibiorésistance surveillent comme le lait sur le feu. Chaque année, 9 millions de cas sont répertoriés en France. Sur ce nombre, on estime que seulement 20 à 30% sont d’origine bactérienne et justifient le recours à une antibiothérapie. D’où l’intérêt des TDR…
L’angine très fréquemment d’origine virale
Selon l’Assurance maladie, 40 % des prescriptions d’antibiotiques en ville (les cabinets libéraux concentrent plus de 90% des prescriptions) n’ont aucune raison d’être car elles concernent des infections virales, des angines plus particulièrement. En pratique, précise l’Assurance maladie, le TDR se révèle négatif en raison du caractère viral de l’angine dans 75 à 90 % des cas chez l’adulte et dans 60 à 75 % des cas chez l’enfant.
Comment expliquer toutes ces prescriptions inutiles alors que les médecins disposent d’un outil dont la fiabilité est avérée ? La réponse est simple : les médecins ne l’utilisent que trop peu. En 2016, selon les données que nous a fournies la Caisse nationale d’Assurance maladie, les médecins ont commandé près de 2,5 millions de tests. Un chiffre à mettre en regard du nombre d’angines recensées chaque année – 9 millions, on l’a vu –, plus de trois fois inférieur, autrement dit à ce qui serait nécessaire.
Les médecins généralistes sont les plus gros consommateurs de TDR (2,34 millions en 2016). Les pédiatres le sont dans une bien moindre mesure (120 000) et les ORL de façon quasi anecdotique (environ 3000 tests commandés l’année dernière). En tout, les médecins en ont commandé 2,2 millions en 2015, contre 2 millions l’année précédente et 1,5 million en 2013. On le voit, la situation va s’améliorant mais elle est encore loin d’être satisfaisante, estiment les pouvoirs publics.
Un test fiable et facile à mettre en œuvre
Serait-ce que la réalisation de ce test est trop chronophage pour nos amis généralistes dont on sait par ailleurs qu’ils sont débordés ? « Ça prend du temps à faire, d’où la réticence de certains », pointe un professionnel. Affirmation inexacte : en pratique, il n’en coûte au médecin que quelques minutes pour faire le prélèvement au moyen d’un coton tige dans la bouche de son patient puis obtenir le résultat. Confirmation d’un des protagonistes des échanges en ligne que nous avons pu lire :
« Le résultat se fait en même temps que l’examen. Dès qu’on me parle d’une douleur pharyngée [maux de gorge, ndlr], je dirige le patient vers la table d’examen et je prépare le matos. Premier truc que je fais, c’est le prélèvement : une minute de pose pendant la palpation, puis mise en place de la bandelette dans le réactif. En général, j’obtiens le résultat avant même d’avoir terminé la rédaction de l’ordo ».
Le tableau est donc le suivant : des tests fiables, très faciles à utiliser et qui de surcroît ne coûtent pas un centime aux médecins (vos cotisations les prennent en charge). Des tests dont l’utilité pour diminuer le recours aux antibiotiques et subséquemment participer à la lutte contre l’antibiorésistance – un fléau de santé publique – est par ailleurs flagrante… Mais qui pour autant demeurent sous-utilisés !
Les médecins invités à plus de pertinence
« En matière d’angine, écrivions nous déjà en 2014, les prescripteurs ont à leur disposition tous les outils leur permettant de parvenir à une prescription raisonnée d’antibiotiques. Il serait peut-être temps de s’atteler à la tâche ». Contacté à l’époque, MG France, le principal syndicat représentant les médecins généralistes, appelait alors de ses vœux la mise en place d’une nouvelle campagne de formation et d’information aux prescripteurs.
Une campagne que les pouvoirs publics sont évidemment invités à financer sur leurs propres deniers. Pourquoi pas, si la santé de nos concitoyens s’en trouve améliorée. Encore faudrait-il que les professionnels de santé acceptent enfin d’y prêter l’oreille et de remettre en question leurs pratiques qui, en l’espèce, restent pour le moment et pour nombre d’entre eux délétères d’un point de vue de santé publique.
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