Pertinence des soins, on en est encore loin !

Pertinence des soins : on en est encore loin !

Dans son numéro d’octobre, la revue Prescrire fait le point sur le grand flou qui entoure les décisions des prescripteurs de soins. Loin de les blâmer, cette enquête apporte un éclairage inédit sur les postures des différents acteurs (industriels et autorités de santé) qui nuisent à la bonne diffusion de l’information sur les traitements. Au détriment, in fine, du patient.

Les médecins disposent-ils de toutes les informations utiles au moment de prendre la décision d’un plan de traitement ou de prescrire un médicament ? A cette question, la revue Prescrire répond clairement par la négative dans son édition du mois d’octobre. Et apporte les raisons expliquant ce défaut d’informations. Une liste à la Prévert de constats implacables (et inquiétants) sur les failles de notre système de santé.  

Les données dont on ne peut disposer

Il y a d’abord ces données qui ne peuvent tout simplement pas exister. Il s’agit notamment des effets à long terme d’un médicament par exemple qui, faute de recul, ne peuvent être immédiatement connus. Quand bien même, précise Prescrire, « les propriétés pharmacologiques de la substance permettent de prévoir certains d’entre eux ».

La revue médicale indépendante pointe plus particulièrement les données concernant les effets indésirables d’un traitement au sein de populations particulières (femmes enceintes, enfants) qui sont la plupart du temps exclues des essais cliniques. « Les essais pragmatiques, qui testent le médicament en situation réelle, sont rares et souvent tardifs ».

Les données qu’on tarde trop à étudier

Ces effets indésirables sont découverts ou précisés au fil du temps, à condition qu’ils soient dûment notifiés par les professionnels de santé au dispositif de pharmacovigilance. Là aussi, le bât blesse car c’est loin d’être systématiquement le cas. « D’une manière générale, les effets indésirables des médicaments sont mal connus car peu évalués », estime Prescrire.

Et de citer l’exemple du diclofénac, un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) commercialisé depuis 1970 qui augmente le risque cardiovasculaire. Ce risque n’a été identifié qu’en 2000. « En 2016, le diclofénac fait partie des AINS à écarter, mais pendant plusieurs dizaines d’années, il figurait parmi les AINS de référence, après l’ibuprofène ».

Les données qu’on ne veut pas regarder

Certains traitements sont également proposés, voire remboursés par l’Assurance maladie sans véritable évaluation. Soit parce qu’ils sont anciens et ont été mis sur le marché dans un contexte réglementaire insuffisamment contraignant, soit parce qu’ils appartiennent à une catégorie soumise à un encadrement trop peu exigeant (homéopathie, compléments alimentaires, dispositifs médicaux, etc.).

Selon Prescrire, l’évaluation clinique des dispositifs médicaux reste par exemple « rudimentaire », y compris pour les matériels implantables ou ceux permettant d’obtenir un diagnostic in vitro. De nombreux soins médicamenteux n’ont par ailleurs pas fait l’objet d’une évaluation comparative de qualité. C’est le cas des séances de masso-kinésithérapie chez les nourrissons atteints de bronchiolite, de la mésothérapie ou encore des cures thermales. Qui sait, dans quelle mesure ces intentions de soins sont efficaces ? Nul n’est en mesure d’apporter une réponse suffisamment objectivée…

LES 3 COMMANDEMENTS DE Prescrire
Aux professionnels de santé, la revue conseille de :
♦ préférer, lorsqu’il y a une alternative possible entre deux médicaments aux effets attendus assez équivalents, les médicaments les mieux connus, les plus éprouvés dans le temps plutôt qu’un nouveau traitement sans recul d’utilisation.
♦ privilégier les traitements dont on sait le mieux de quelle manière ils ont été évalués.
♦ favoriser les soins pour lesquels on dispose de l’évaluation la plus rigoureuse fondée sur des critères cliniques utiles aux patients.

Les données qu’on préfère ne pas montrer

La rétention d’information par les industriels (qui auraient un peu trop tendance à ne pas publier les résultats d’études qui leur sont défavorables), le manque de transparence des autorités de santé, ou encore le retard dans la mise à jour des informations disponibles constituent autant d’autres explications à la difficulté pour les soignants de disposer facilement des informations nécessaires pour faire correctement leur job.

L’organisation de la recherche, les priorités des firmes pharmaceutiques (lire en encadré ci-dessous) et l’attitude des autorités de régulation ne permettent pas aujourd’hui, conclut la revue Prescrire, de répondre à l’exigence légitime des patients et des soignants de disposer d’une information pertinente sur les traitements qui sont prescrits.

« Il est important que les soignants réalisent que de manière générale, beaucoup d’informations leur manquent et que ces données manquantes rendent probables une surestimation de l’efficacité et une sous-estimation des effets nocifs des interventions médicales ». Il n’est pas inintéressant non plus que cette information soit connue des patients…

PAS D'INFOS, C'EST AUSSI UNE INFO
Dans certaines situations, de l’absence de données d’évaluations cliniques pertinentes, on peut déduire par défaut que les traitements dont il est question pêchent fort probablement par manque d’efficacité. C’est le cas par exemple avec les médicaments destinés au traitement de situations fréquentes dans lesquelles existe un fort marché concurrentiel. « Quand aucune évaluation ne semble avoir été menée, le plus probable est que les firmes pharmaceutiques concernées ont estimé qu’évaluer ce type de médicament ferait courir un risque élevé pour leurs intérêts financiers : soit de ne pas montrer de supériorité du médicament par comparaison à un placebo, soit même de mettre en évidence une efficacité inférieure ou des effets indésirables graves ».

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