Vigilance concernant la e-santé. Pour un développement éthique et responsable de la e-santé

Pour un développement éthique et responsable de la E-santé

De nos jours, des outils numériques, notamment à travers des objets ou appareils connectés, mesurent, analysent, stockent et parfois partagent nos données de santé : c’est ce que l’on appelle la e-santé. Il est devenu quasiment impossible d’y échapper, quel que soit notre âge et notre état de santé. Il devient donc indispensable, du fait que la santé est un sujet qui nécessite des précautions particulières, d’apprendre à se servir à bon escient et avec éthique des nouvelles technologies de l’information et la communication appliquées à ce sujet sensible qu’est notre santé.

C’est pourquoi le CISS (Collectif Interassociatif sur la Santé) vient d’émettre une série de conseils pour aider les usagers du système de santé à renforcer leurs droits et leurs capacités autour de la e-santé (www.leciss.org/esante-conseilsciss).

Il s’agit de 10 grands principes que 66 Millions d’IMpatients vous propose de découvrir en vous présentant chaque jour un exemple d’application pratique de chacun de ces 10 conseils de bon usage de la e-santé prônés par le Collectif Interassociatif Sur la Santé.

PRINCIPE N°10 :

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APPLICATION PRATIQUE : LE MEILLEUR GARDIEN DE VOS DONNÉES, C’EST VOUS-MÊME

Données de santé collectées dans un contexte médical

Comme nous l’avons vu hier, en France, et dans de nombreux pays, des lois viennent protéger nos données de santé et le respect de leur confidentialité (lire l’article). Les données numérisées par des professionnels de santé (par exemple à l’hôpital ou chez votre médecin si celui-ci utilise un logiciel médical sur son ordinateur et/ou le dispositif du Dossier Médical Partagé) n’ont pas à sortir de ce contexte médical, en dehors des cas où elles seraient rendues accessibles et utilisées frauduleusement. De même l’échange et le partage de ces données entre les professionnels intervenant dans votre prise en charge sont protégés par le secret professionnel que doit respecter l’ensemble de ces intervenants, et doivent être motivés par leur intérêt pour la qualité des soins ainsi que leur meilleure coordination.

Cependant, on a déjà été confronté à au moins un exemple de collecte et partage de données de santé qui aurait pu se révéler préjudiciable aux malades atteints d'apnée du sommeil. En effet, ces malades portent un appareil la nuit pour les aider à mieux respirer, appareil qui relève et enregistre des données sur le patient dans le cadre d’une télésurveillance. Il offre donc indirectement la possibilité de vérifier si le malade l’a bien utilisé ou non… et il a été fortement question que les malades ne portant pas assez régulièrement leur appareil (qui est particulièrement encombrant et auquel il faut pouvoir s’accoutumer pour qu’il ne perturbe pas le sommeil, ce qui laisse imaginer que le malade veuille parfois s’en passer) soient tout simplement privés de sa prise en charge par l’Assurance Maladie.

Heureusement, le conseil d’État a annulé le conditionnement du remboursement de ces appareils à l’utilisation qui en serait faite par le patient, mais cela illustre parfaitement le mauvais usage qui peut être fait de nos données de santé ainsi collectées et partagées. Les informations ainsi obtenues sur le patient devraient en effet entraîner, en cas de besoin, l’accès à un accompagnement pour l’aider à la bonne utilisation de l’appareil et non pas à la suppression de celui-ci alors qu’il en a justement besoin pour améliorer son état de santé.

Données de santé collectées dans un contexte commercial

Faut-il devenir paranoïaque ? Il faut en tout cas être vigilant et d’autant plus quand on sort du champ purement médical pour basculer vers les outils de e-santé « bien-être ».

En effet, nous sommes de plus en plus nombreux à utiliser des applications de santé sur nos ordinateurs et nos téléphones. On y entre finalement des informations très personnelles… Taille, poids, contenu de nos repas, détails de nos activités physiques, qualité de notre sommeil, rythme cardiaque si nous avons des objets connectés en permettant la mesure, etc… Ces outils de coaching personnels et plutôt ludiques collectent une foule d’indications très précieuses aux yeux de beaucoup de sociétés commerciales.

L’exemple récent concernant l’assurance Generali avec son programme Vitality (en savoir plus), qui propose aux assurés s’engageant à prendre soin d’eux de bénéficier de cadeaux, laisse entrevoir les dérives éventuelles auxquelles nous pourrions être confrontés si nous ne sommes pas tous (pouvoirs publics et usagers) très vigilants à protéger nos données de santé. Imaginez que demain vous acceptiez de donner à votre assurance votre poids chaque matin via une balance connectée, le nombre de pas que vous faites chaque jour et de kilomètres courus pendant votre jogging automatiquement via votre smartphone, et pourquoi pas dans un futur plus ou moins proche, le nombre de calories avalées via un capteur connecté placé dans la bouche… Et que tout cela conditionne le prix de votre assurance. Certes aujourd’hui ce genre de pratiques est totalement interdite en France, mais demain ?

Il devient donc de plus en plus indispensable d’être particulièrement vigilants en acceptant les conditions générales d’utilisation au moment de vous inscrire à des programmes de E-santé, et peut-être même encore davantage lorsqu’ils sont davantage orientés bien-être que strictement médical. Vous devez absolument vérifier quels usages seront faits de vos données de santé. D’autant que l’hégémonie des géants du net risque de passer nos droits au rouleau compresseur.

CONSEILS DE BON USAGE DU CISS :

Le CISS, dans sa note parue le 12 septembre et intitulée « POUR UN PATIENT ACTEUR DE LA QUALITE DE SON PARCOURS DE SANTE. Le numérique en santé », rappelle que :

« Il faut lutter contre l’hégémonie des GAFAM et des NATU (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Netflix, Air BNB, Telsa et Uber), les dix plus grandes sociétés américaines de l’économie numérique, qui représenteraient à eux seuls, près de 60% de nos usages numériques quotidiens.
Les GAFAM se positionnent directement ou non sur les sept industries clefs de la transformation numérique : les télécoms, l’Information technology (les communications en général), la santé, la distribution, les énergies, les média et le divertissement, la finance ainsi que le voyage et les loisirs.


Cette présence permet avant tout, notamment à Google, de diffuser une « théorie » de la transformation sociale reposant sur l’Internet et basée sur une vision prospective proche de la « cyber-utopie » et de la « techno-utopie » valorisée par des effets d’annonce fortement médiatisées.


L’état du marché, organisés sous forme de trusts voire de monopoles, est inquiétant. Ces géants disposent de nombreux atouts : ils ont des réserves de cash gigantesques et une vision panoramique de ce qui se joue en matière d’innovation. Ils se positionnent sur les nouveaux marchés issus de la transformation numérique comme l’internet des objets, la robotique, voitures, les drones… Ils diversifient leurs activités et deviennent des prédateurs redoutés de l’économie traditionnelle. Les chiffres sont vertigineux. Google contrôle 90 % de la recherche dans le monde. Apple 45 % du trafic Web issu des smartphones. Facebook 75 % des pages vues sur les réseaux sociaux aux Etats-Unis. Et si demain une pépite émerge, il est presqu’assuré que cette dernière tombera dans le giron d’un de ces géants. Apple est aujourd’hui la première capitalisation mondiale : 470 milliards de dollars. Et Google s’en rapproche avec 400 milliards de dollars. Cette dernière achète toutes les start-ups performantes qui s’occupent de NBIC (Nanotechnologies, Bio ingénierie, Informatique et sciences Cognitives). GoogleX travaille sur des projets proches de la science-fiction : amélioration du génome humain, prolongation de la vie humaine, etc. Si ces sociétés détiennent un pouvoir considérable qui pourrait encore s’accroître du fait de l’augmentation prévisible du nombre d’individus connectés (capteurs biométriques médicaux, montres spéciales pour sportifs, lunettes à réalité́ augmentées, surveillance d’enfants, GPS personnels et évidemment tous les GSM et autres IPad, IPhone, etc..), les GAFAM & Cie occupe en réalité́ une place résiduelle dans le champ de la santé. Le succès des objets connectés (logements, portes, voitures, camions, portiques, matériels roulants des aéroports, bagages, instruments de détections très variés…) est à peu près inévitable et pourrait venir grossir un peu plus le champ d’action des GAFAM & Cie. Le risque de l’hégémonie est de parvenir à influencer la vision des décideurs et de leaders d’opinion ayant une connaissance approximative du secteur de la santé et de ses spécificités en France. »

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