Les enfants de Madeleine Junot et son mari ont entamé les démarches pour placer Madeleine dans un Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), ainsi que nous l’avons vu dans les deux premiers épisodes de notre petite série sur la famille Junot, concernant le choix de la maison de retraite et le financement d’une place en Ehpad. Mais ils s’inquiètent désormais au sujet de l’organisation des soins, d’autant qu’ils ne seront plus avec elle pour la veiller 24h/24.
En France, l’entrée en maison de retraite se fait en moyenne à 84,2 ans pour les hommes et 86,6 ans pour les femmes (1). Dans la très grande majorité des cas, elle n’est pas souhaitée par les familles mais envisagée par dépit, car le maintien à domicile n’est plus possible, le plus souvent du fait de lourdes contraintes médicales. Ainsi est-il aisé de comprendre que les maisons de retraite accueillent des personnes âgées dont l’état de santé est déjà fragile et à un stade où il peut se dégrader rapidement. La prise en charge de la santé des résidents est donc un point critique, et il est pertinent de vérifier que l’équipe et l’organisation médicales sont optimales dans l’établissement que l’on a choisi.
RENCONTRE AVEC LA PSYCHOLOGUE
Visite de pré-admission
Excellent point pour les Junot, l’établissement qu’ils ont choisi leur propose une visite de pré-admission avant l’installation définitive de Madeleine dans la maison de retraite. La psychologue leur précise que c’est important car l’équipe de l’établissement pourra ainsi préparer sa chambre, adapter les activités et en proposer en affinité avec les goûts de Madeleine, appréhender les habitudes de la nouvelle résidente. Autant de détails qui peuvent attester de la bonne tenue d’un établissement. Nous avions d’ailleurs évoqué dans notre article sur le choix de la maison de retraite, qu’il est idéal de pouvoir faire le tour des établissements potentiels, avant même que le temps ne soit venu de recourir au placement, pour vérifier lesquels sont les plus animés, les mieux encadrés.
L’annonce du placement
La psychologue de la maison de retraite choisie par les Junot ne le cache pas : l’entrée en maison de retraite est traumatisante et provoque souvent une baisse de moral. L’annonce déjà est compliquée. Souvent les familles pour atténuer le choc disent à la personne âgée que le placement est temporaire. Or il l’est rarement, sauf en cas de rééducation après une maladie. De fait, ces résidents ont du mal à s’intégrer car ils pensent repartir au plus vite. Une confusion s’installe car les personnes âgées finissent évidemment peu à peu par comprendre la situation.
Du temps pour s’intégrer et participer aux activités
Pourtant cette intégration est essentielle, précise la psychologue, pour que le résident participe à la vie de la maison et maintienne ainsi un lien social. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle ajoute que, passée la période d’installation, où les visites sont très importantes pour que la personne âgée ne se sente pas abandonnée, il est bon de lui laisser des créneaux de temps libre, surtout au moment des activités susceptibles de lui plaire.
Tous les établissements ne proposent pas les mêmes activités. Les équipes tentent en général de proposer des activités qui plaisent au plus grand nombre, comme un petit salon de thé dans l’après-midi s’il y a beaucoup d’amateurs de thé et de pâtisseries. C’est tout simple mais cela incite les résidents à sortir de leur chambre. En outre, les activités sont amenées à changer à l’arrivée de chacun des nouveaux résidents pour s’adapter à leur goût. Bien sûr, certaines activités sont communes dans tous les Ehpad, comme la revue de presse quotidienne qui permet aux personnes âgées de travailler sur les repères spatio-temporels.
Là encore, si vous avez eu le temps d’anticiper le choix de la maison de retraite et d’en visiter plusieurs, n’hésitez pas à demander le programme des activités et à jeter un œil sur ce qui se passe dans les salons communs. Ce sont des moments importants pour que les résidents puissent rompre leur isolement. La conservation de son état de santé psychique est très fortement lié au maintien du lien social.
Que faire en cas de dépression ?
La France est un grand consommateur d’antidépresseurs et les résidents en Ehpad n’échappent pas à la règle. Dans un rapport sur La Politique du médicament en EHPAD, on voit que les principales classes thérapeutiques qu’on y utilise sont :
- les antidépresseurs : 32 %
- les anxiolytiques : 27 %
- les hypnotiques : 22 %
- les neuroleptiques : 15 %
- les régulateurs de l’humeur : 3 %
Bref, un assortiment de médicaments à effets psychotropes ! Pourtant la psychologue explique aux Junot que c’est un sujet qui la touche particulièrement et qu’elle instaure au maximum un soutien autour de la parole plutôt que de proposer systématiquement un arsenal médicamenteux, d’autant précise-t-elle que nous connaissons finalement assez mal les effets des médicaments sur les personnes âgées qui réagissent souvent différemment par rapport aux moins de 75 ans (lire à ce sujet à partir de la page 60 du rapport La Politique du médicament en EHPAD).
Si la psychothérapie pour les personnes âgées est rarement envisagée à domicile, en maison de retraite le personnel, sans explicitement parler de psychothérapie aux patients, peut les aider à traverser leur tristesse ou leur mal-être grâce au dialogue. Il peut être normal d’être triste, par exemple si la personne âgée perd un proche, et ce n’est pour autant pas forcément nécessaire de multiplier les ordonnances. Parfois, si la personne est bien entourée évidemment, il peut être pertinent de traverser sa tristesse sans trop de médicaments, dans le cas d’un décès de proche pour faire son deuil par exemple.
Discuter avec la psychologue de l’établissement retenu peut donc être également un excellent indicateur sur la politique de prise en charge du bien-être des résidents.
RENCONTRE AVEC LE MÉDECIN COORDONNATEUR
Effectif du personnel de l’établissement
La famille de Madeleine est un peu affolée car un voisin leur a raconté les mésaventures du séjour de sa grand-mère dans une maison de retraite qui ne semblait pas très bien organisée. La femme âgée a en effet vécu 5 ans dans une maison de retraite avant que celle-ci soit rachetée. Malheureusement, si les tarifs n’ont pas changé après le changement de propriétaire, les prestations et les effectifs eux ont été réduits dans un souci évident de rentabilité. Ainsi, alors que durant 5 ans, les infirmières se chargeaient de mettre 2 fois par jour des gouttes dans les yeux de la résidente, un traitement indispensable pour elle, du jour au lendemain, il a fallu faire appel à une infirmière libérale extérieure qui est venue deux fois par jour pendant plusieurs années pour effectuer cet acte. Un acte remboursé par l’Assurance Maladie et qui n’était certes pas une charge directe pour la patiente, mais qui reste une charge évidemment pour le système de santé. C’est alors que la famille s’est intéressée de plus près à la nouvelle organisation de l’établissement et a demandé quel était son taux d’encadrement. Un taux qui indique le nombre de personnes employées à temps plein par résident. Ce taux regroupe l’ensemble du personnel, depuis l’administratif jusqu’au médical en passant par les services généraux. Un taux qui devrait être communiqué de façon transparente dans tous les établissements mais qu’il est malheureusement parfois difficile d’obtenir…
En France ce taux moyen est de 0,59 dans les Ehpad privés non lucratifs et 0,69 en Ehpad publics. Or le plan Solidarité Grand Âge préconise un taux d’encadrement d’1 personnel pour 1 résident. On est donc encore bien loin du compte…
Le rôle du médecin coordonnateur
Il était donc temps de rencontrer le médecin coordonnateur de l’établissement pour apaiser les inquiétudes de la famille Junot. Celui-ci est également médecin traitant pour la majorité des résidents. Cela arrive d’ailleurs relativement souvent qu’un seul médecin traitant suive plusieurs patients d’un même Ehpad, pourtant le choix du médecin traitant reste évidemment totalement libre.
La famille Junot avoue ne pas trop comprendre la différence entre le médecin coordonnateur et le médecin traitant. Il est pourtant très clair : le médecin coordonnateur n’est pas prescripteur et n’effectue des soins qu’en cas d’urgence uniquement. Son rôle est de coordonner l’ensemble des équipes soignantes intervenant auprès des résidents, notamment celles qui font partie du personnel de l’Ehpad mais aussi les professionnels extérieurs à celui-ci, sans aucun pouvoir sur les traitements. Il doit aussi faire en sorte de transmettre les recommandations des Agences régionales de Santé (ARS) à leurs confrères médecins traitants, notamment sur le fait de prescrire tel ou tel médicament, souvent pour des raisons économiques… Rôle ingrat car c’est un peu celui du donneur de leçon.
Quand les soins doivent être envisagés à l’extérieur de l’établissement…
Ainsi en Ehpad, le personnel médical peut assurer le suivi de certains soins principalement infirmiers, mais ne peut pas prescrire de traitement. Pour cela, il faudra faire appel à un médecin libéral qui peut parfois se déplacer, ou se rendre à l’hôpital. Malheureusement, comme partout, les rendez-vous avec certains spécialistes sont souvent très longs à obtenir, et il est parfois inenvisageable d’attendre 3 mois pour une personne âgée, avant de consulter par exemple un cardiologue. De fait, il n’est pas rare de devoir se tourner vers des spécialistes en ville plutôt qu’à l’hôpital et d’avoir des restes à charge plus lourds à régler.
Les frais de transport sanitaire
Notez également que les bons de transport en ambulance, véhicule sanitaire léger (VSL) ou taxi médicalisé doivent être établis par le médecin qui demande l’examen. Le médecin traitant ou coordonnateur ne peut pas les émettre, car chaque médecin a des quotas à respecter et l’Assurance Maladie est en droit de réclamer à un médecin qui aurait émis des bons à tort de rembourser les frais sur ses fonds propres. Il est donc très important d’insister pour les obtenir de la main du médecin prescripteur.
(1) Observatoire des EHPAD – KPMG – Avril 2014
Merci à Katherine Galvez, et au docteur Hervé Froment, respectivement psychologue et médecin coordonnateur à la Maison de retraite « Maison de Famille la Roseraie » à Colombes (92).
Merci également au témoignage de Gérard Cassino qui nous a parlé du cas de sa maman placée en Ehpad dans le Var.
La semaine prochaine, la famille Junot se penchera sur la question de la gestion des plaintes et des cas de maltraitance en maison de retraite.
Lire nos précédents épisodes consacrés à la famille Junot et au placement de Madeleine en maison de retraite :
- Quand et comment se préparer à l’entrée en maison de retraite ?
- Comment financer sa maison de retraite ?
un resident sans autonomie physique mais converstion analyse interets politiques et divers reste coucher toute la journéé si manque de personnel
ehpad public ????
la cadre est debordée ne trouve pas de solution