Entre ceux qui prétendent qu’il est sain d’arrêter de s’alimenter pendant quelques jours, et ceux qui affirment que sauter un repas déséquilibre la bonne forme lors d’une journée… Ceux qui poussent les malades à manger pour les aider à reprendre des forces et ceux qui avancent qu’il est normal, tout comme le font les animaux, de ralentir son alimentation pendant la maladie pour permettre au corps de concentrer ses forces sur la guérison… Il est bien difficile de savoir si et comment le jeûne alimentaire est bon pour la santé…
Jeûne et traitement médicamenteux : un duo possible ou impossible ?
Les résultats du jeûne accompagnant une chimiothérapie chez des souris, mis au jour ces dernières années par le chercheur américain Valter Longo, interrogent. Ce dernier a administré à des souris saines, normalement nourries, et à d’autres privées de nourriture durant 2 jours des doses quasiment mortelles de chimiothérapie. Résultat : celles ayant jeûné auparavant résistaient plus que les autres. Poussant ses recherches, il s’est rendu compte que, chez les souris, des cellules saines privées de nourriture se mettaient en état de défense et semblaient alors davantage résister aux agressions extérieures. D’où des pistes de réflexion sur l’intérêt du jeûne pour améliorer la tolérance gastro-intestinale de certains protocoles de chimiothérapie.
Attention ! Pour autant, ne vous lancez pas dans un jeûne avant et/ou pendant une chimio ! Cela peut s’avérer très dangereux. D’une part, les études de Valter Longo, si encourageantes qu’elles puissent paraître, n’ont pour l’heure portées que sur l’animal et uniquement des souris. A ce stade de la recherche il n’est pas possible de transposer les résultats à l’Homme. Des essais cliniques chez les humains sont donc impérativement nécessaires pour confirmer la faisabilité du jeûne combiné à une chimiothérapie dans l’accompagnement du traitement de certains cancers. D’autre part, même si un jour des périodes de jeûne venaient à être proposées en complément de traitements, une trop grande faiblesse, une dénutrition, des maladies associées comme le diabète en constitueraient sans aucun doute des contre-indications radicales.
Dans tous les cas, si le jeûne est pratiqué en parallèle d’un traitement quel qu’il soit, il est absolument ESSENTIEL qu’il soit suivi médicalement et en accord avec son médecin : il faut prendre toutes les précautions pour ne pas jouer avec le feu !
Des cliniques pour jeûner, en Allemagne ou en Russie
S’il n’est pas aisé, en France, de trouver un médecin qui intègre le jeûne en accompagnement de son arsenal thérapeutique, cela semble beaucoup plus répandu chez nos voisins allemands, et plus loin en Russie. 15 à 20% des Allemands déclarent avoir déjà jeûné. Ainsi que le montre le reportage de Sylvie Gilman et Thierry Vincent de Lestrade, désormais référent sur le sujet du jeûne, intitulé Le Jeûne, une nouvelle thérapie ?, des cliniques y proposent des cures médicalisées, qui peuvent être prises en charge par leur système de santé. En moyenne, les patients y jeûnent une douzaine de jours, et cela peut aller jusqu’à 3 semaines. Les pathologies les plus soignées sont le diabète de type 2, l’asthme, l’hypertension, les maladies rhumatismales… Deux tiers des jeûneurs, qui suivent un programme médicalement encadré, obtiennent des résultats bénéfiques sur leur état de santé.
Pourquoi le jeûne thérapeutique est-il peu connu en France ?
D’après Sophie Lacoste, auteure du livre Les surprenantes vertus du jeûne, cette pratique n’est pas particulièrement mise en avant car elle ne profite ni aux laboratoires pharmaceutiques, ni à l’industrie agro-alimentaire. Scientifiquement, la question du jeûne comme thérapie est effectivement loin d’être tranchée malgré les travaux de Valter Longo…
Jeûner, chacun à son rythme… et en respectant quelques précautions élémentaires essentielles
Ce qui ne fait aucun doute, c’est que dans nos sociétés occidentales, où nous abusons de sucres et de graisses, mettre son organisme au repos sur le plan alimentaire, ne serait-ce que quelques heures, ne peut pas lui faire de mal ! Comme le dit Sophie Lacoste dans son livre, jeûner c’est « opérer un grand nettoyage et laisser au corps le temps d’évacuer les vieilles cellules, les graisses, les déchets et les toxines qui l’encombrent« . Elle précise que même un jeûne de courte durée, à partir de 16 heures d’affilées, peut jouer un rôle préventif et aide le corps à accélérer l’élimination des déchets. Pour ceux qui sont tentés d’essayer, il est possible par exemple de commencer par un dîner très léger à base de soupe, de sauter le petit-déjeuner et le déjeuner suivant, puis de reprendre avec un autre dîner léger.
Evidemment, mieux vaut prévoir de le faire lors d’une journée au calme, sans tentation de repas en famille, sans activités physiques intenses ou rendez-vous de travail important, et bien sûr, de le faire avec l’accord de votre médecin si vous souffrez de maladies comme le diabète par exemple ou si vous êtes sous traitement médical.
Si l’on veut s’essayer au jeûne plus long, partir en cure, dans un groupe, de préférence à la campagne, avec des activités adaptées (randonnées, yoga…) est idéal.
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), a publié en 2012 un guide intitulé Santé et dérives sectaires. Elle met en garde contre certaines pratiques, en particulier dans le domaine de l’alimentation : «19. Dans cette catégorie – l’hygiénisme ou les dogmes du déséquilibre alimentaire – sont également pointés les groupes qui allient pratique sportive intense et jeûne parfois poussé à l’extrême. L’inquiétude grandit quand ces stages sont destinés aux adolescents qui sont dans ces conditions exposés à des déséquilibres physiques et psychiques. Le respirianisme promu en France par la prêtresse australienne Jasmuheen (Ellen Greve) repose sur la pratique du jeûne total acquise à l’issue d’un processus sacré de 21 jours au-delà duquel il est envisageable de se nourrir uniquement d’air et de lumière. Cette pratique est responsable de décès à l’étranger. En France, elle est l’objet d’une surveillance étroite des colloques et stages de «sa prêtresse» ou d’autres zélateurs. »
En général, ces stages durent une semaine. La phase la plus délicate est le 3ème jour de jeûne, car le taux d’acidité augmente dans le sang. C’est ce que l’on appelle la crise d’acidose, qui a tendance à exacerber les douleurs latentes, comme les rhumatismes ou les migraines. Le corps puise de plus en plus dans ses réserves. Le rythme des curistes ralentit peu à peu, leur fréquence cardiaque diminue, ce qui peut être bon pour certains hypertendus ! Les jeûneurs perdent en moyenne 500g par jour, mais une personne qui n’a pas particulièrement de problèmes de poids reprendra naturellement ces kilos au moment de la reprise alimentaire. En revanche, avec un régime adapté suite au jeûne, ce dernier peut servir de déclencheur à une perte de poids si elle est désirée.
Sans soutien médicalisé, il y a quelques contre-indications au jeûne comme le diabète de type 1, la maigreur, l’anorexie… mais l’une des contre-indications les plus évidentes, c’est la peur… Jeûner doit rester un moment que l’on s’offre pour se faire du bien. Il faut avant tout respecter son propre rythme, et se dire que le jeûne ne convient sans doute pas à tout le monde !
Pour le diabète, on sait qu’au bout d’une journée de jeûne, le sucre a disparu. Le corps puise alors dans ses réserves. Le jeûne, le moyen simple de combattre son diabète.