Ni somnifère,
Christine, 42 ans, venait de livrer du matériel médical à Phnom Penh avec une équipe médicale, pour une ONG française œuvrant au Cambodge.
Dans le vol du retour, l’hôtesse annonce « nous allons commencer la descente sur Paris, merci de regagner vos places et d’attacher vos ceintures » ; elle se réveille, se lève pour aller aux toilettes avant la descente et aussitôt debout, se plaint d’une violente douleur dans la poitrine, elle suffoque; dans les secondes qui suivent, elle s’effondre sur son siège et perd complètement connaissance.
Quand Christine est prise en charge par l’équipe médicale de l’aéroport de Roissy, elle est toujours dans le coma ; elle a fait une embolie pulmonaire ; elle est transportée dans un service de réanimation parisien où elle décédera 4 jours plus tard, sans jamais reprendre connaissance.
D’après son mari, Christine avait bien dormi pendant le vol. C’est ainsi qu’une thrombose vasculaire de la jambe s’est constituée, et, lorsqu’elle s’est levée pour aller aux toilettes, le caillot libéré dans la circulation veineuse, remonté jusqu’au poumon, provoqua une embolie pulmonaire gravissime.
Christine n’avait aucun antécédent prédisposant à une phlébite, aucune insuffisance veineuse connue, pas de phénomène de jambes lourdes, pas de surpoids ; elle n’avait jamais fumé, ne prenait pas la pilule, ni aucun traitement particulier, mais comme beaucoup de passagers le font trop souvent dans les longs courriers, Christine avait absorbé un somnifère pour mieux dormir.
Ni alcool,
Caroline, 45 ans, habite à l’île de la Réunion et vient en métropole pour raison professionnelle. Après un vol de 10 heures, où elle avait pu s’allonger disposant de 3 sièges sur un vol peu chargé, elle se réveille juste à l’atterrissage, elle avait bien dormi dit-elle ; elle débarque et se plaint d’une petite douleur à l’arrière d’une cheville. Elle pense avoir dormi avec une mauvaise position. Mais la douleur persiste, et se fait plus intense au fil des heures. Un examen écho doppler révèle le soir même une thrombose veineuse, et malgré une prise en charge sous anticoagulant rapide, 12 heures plus tard, c’est l’embolie pulmonaire, et 3 semaines d’hospitalisation. Elle en sortira en vie.
Caroline, comme Christine, ne se connaissait aucune prédisposition à la phlébite ; elle ne prenait ni pilule ni traitement médicamenteux, et ne fumait pas. Elle n’avait pas pris de somnifère mais …elle avait cependant bien dormi après avoir absorbé un verre de champagne, l’alcool facilitant un sommeil plus profond.
Surpoids, attention
Dans la même semaine, à l’aéroport de St Denis de La Réunion, un garçon de 12 ans est décédé à la descente d’un vol long courrier, victime d’une embolie pulmonaire. Il avait constitué une thrombose veineuse pendant le vol et fait une embolie pulmonaire à l’arrivée; il avait bien dormi, sans bouger, coincé dans les sièges très étroits de la classe dite touriste ; il présentait un facteur prédisposant, le surpoids.
Ces risques de thromboses en transports aériens sont bien connus ; ils ont longtemps été appelés « le syndrome de la classe économique ». Ils ne sont pas réservés au transport aérien ; ces risques sont aussi connus en train et en voiture.
Déshydratation, immobilisme attention aussi
Jeanne prend régulièrement le train entre Paris et sa région. Ce sont des trajets d’environ 4 heures. Un jour d’été, elle prend son train habituel et comme d’habitude travaille avec son ordinateur. Prise par son travail, elle ne voit pas le temps passer, ne se lève pas une seule fois et malgré une forte chaleur, elle ne boit pas. 24 heures après son arrivée, elle ressent une simple gène en bas d’un mollet, comme si quelque chose lui serrait la jambe juste au-dessus de la cheville. Jeanne connait ce que l’on appelle « le syndrome de la classe économique » en transport aérien et comme cette sensation dure, elle s’inquiète. Un examen par écho-doppler révèle qu’une phlébite s’installe. Anticoagulants, bas de contention, hydratation et tout rentre rapidement dans l’ordre. Depuis ce temps, Jeanne met des bas de contention pour voyager même en train.
Nicole, elle, a fait une phlébite après un vol de deux heures en rentrant de Venise à Paris ; seulement deux heures sans bouger mais en surpression, un jour de grande chaleur et en négligeant de s’hydrater.
Ni Jeanne, ni Nicole n’avaient de facteur connu prédisposant à ce type de problème.
La plupart des phlébites après un vol long courrier ou un voyage de plus 4 heures en train ou en voiture ne se déclarent que 24 à 48 h après le vol ou le trajet.
Elles débutent par une douleur, voire une simple gène ou effet d’enserrement au mollet ou près de la cheville. Le risque de thrombose vasculaire sur des vols longs courriers de plus de 8 heures concerne un passager sur 4000. Cela va de la simple gène à l’embolie pulmonaire.
C’est un phénomène de santé publique qui mériterait une enquête épidémiologique pour mieux le connaître.
Le point de vue de l’avionneur – Enquête par Annick H. membre du LIEN
L’embolie pulmonaire est l’oblitération d’une artère pulmonaire par un caillot de sang. Ce dernier se localise tout d’abord dans les membres inférieurs où il constitue une phlébite. Ensuite, il migre et vient boucher une ou plusieurs artères pulmonaires.
Si le ridicule ne tue pas, l’embolie pulmonaire, elle, peut tuer.
Un médecin coordonnateur du service médical d’urgence de l’aéroport de Paris rapporte :
ce symptôme appelé à tort « syndrome de la classe économique » est aussi celui de « la classe affaires » puisque le passager, installé confortablement et servi par un personnel attentif, n’aura pas très envie de se lever et restera dans son fauteuil durant tout le voyage.
Or, la formation de ce caillot est favorisée par l’immobilisation accentuée par l’hypobarrie ou baisse de la pression dans l’avion.
La symptomatologie va du malaise simple à l’arrêt cardiaque.
Le « syndrome de la passerelle » se manifeste principalement au sortir de l’avion.
Lorsque la personne se lève, le caillot migre et provoque le malaise et la chute. L’alerte est déclenchée. Le service médical est contacté en urgence : un médecin, un infirmier et un ambulancier se déplacent. La prise en charge est effectuée, les examens nécessaires tels que mesure de la saturation d’oxygène et électrocardiogramme sont pratiqués. En fonction des résultats, le patient est oxygéné. Une perfusion d’anticoagulant peut être faite. Le transfert du malade est effectué par le SMUR, dans le service spécialisé d’un hôpital.
En cas de malaise plus léger dans l’avion, le personnel alerte le service médical d’urgence qui décide après examen de transférer la personne dans un service d’urgence, pour confirmer ou infirmer les résultats du premier examen.
Après le vol, en cas de malaises du type suivant : gêne respiratoire, douleur thoracique, douleur dans le mollet, le passager doit appeler le 15 pour expliquer son problème et signaler que cela survient après un vol long courrier.
La prévention : certaines personnes sont plus exposées que les autres
Les sujets à risque sont ceux qui souffrent d’insuffisance veineuse des membres inférieurs et/ou de troubles de la coagulation, les personnes âgées, à mobilité réduite mais aussi les femmes enceintes et celles qui sont consommatrices de tabac, notamment associé à un moyen contraceptif, les personnes qui portent un plâtre à cause de la formation possible d’un œdème due à la position assise dans le fauteuil.
Avant un vol long courrier, il est indispensable pour toutes ces personnes de voir leur médecin traitant qui prescrira éventuellement des bas de contention, voire, pour les plus exposés, une injection d’anticoagulant 1 à 2 heures avant le décollage et une 2e injection de 12 à 14 heures plus tard.
Lorsqu’on doit porter un plâtre, il est indispensable, lors de la pose, de signaler qu’un voyage en avion est prévu.
En effet, par prévention des risques, le plâtre pourra être ainsi ouvert ou une fenêtre sur le plâtre sera pratiquée.
Il ne faut pas oublier aussi l’ensemble des personnes y compris les étrangers, qui ignorent ces risques car l’information sur ce sujet est assez pauvre.
Le service médical des aéroports de Paris s’occupe de la prévention. Une infirmière reçoit les personnes qui se présentent au service avant le voyage et pratiquent les soins sur prescription médicale, notamment les injections d’anticoagulant en préventif. Chaque personne est conseillée en fonction de son cas. En cas de doute et si besoin un médecin du service voit la personne, vérifie que les bas de contention sont bien adaptés.
Par son action préventive et curative, ce service est le garant de la sécurité du patient et des passagers. C’est donc un maillon indispensable de la sécurité sanitaire aérienne, que l’usager ne doit pas hésiter à consulter.
Quelles précautions pendant le vol ?
Au-delà de 6 heures de vol, des précautions s’imposent : il s’agit d’éviter la stagnation du sang et de favoriser sa circulation.
Il est impératif d’éviter les somnifères, les anti-anxiolytiques, d’éviter de boire de l’alcool qui risque d’entrainer un sommeil trop lourd.
Au repos, lorsque l’on est assis dans son fauteuil, il est nécessaire de ne pas croiser les jambes, de bouger régulièrement les mollets et les pieds (des exercices appropriés sont maintenant diffusés par certaines compagnies aériennes pendant le vol). Il est préférable de ne pas enlever ses chaussures que l’on ne pourra pas remettre en cas de pieds gonflés.
Il ne faut pas dormir pendant tout le vol, mais toutes les 3 ou 4 heures, s’hydrater, se lever et se déplacer.
L’infirmier du service médical : « ce n’est pas une démarche facile. En effet, si l’on est par exemple assis près du hublot, on peut hésiter à déranger les personnes placées à côté de vous. De plus, le sommeil ou l’endormissement qui gagne, accentue l’envie de ne pas bouger et puis bouger pour quoi faire, à part aller aux toilettes ».
Et il rappelle que « si le ridicule ne tue pas, l’embolie pulmonaire, elle, peut tuer. »
Quelques chiffres pour démontrer que ce risque n’est pas à négliger : à Orly, sur 500 000 personnes environ par an qui voyagent en long courrier, il est relevé 15 cas graves transportés vers un service spécialisé, ayant entraîné des séquelles pulmonaires plus ou moins graves et 2 à 3 décès.
Il relève environ 20 cas qui n’ont demandé qu’un transport par ambulance vers le service d’urgence d’un hôpital. Mais il ne s’agit là que des cas connus en aéroport. Rappelons que la majeure partie des thromboses vasculaires ne se révèlent que dans les 24, voire 48 heures après le transport.
Le travail de prévention et d’information est de la responsabilité de tous : non seulement du médecin traitant et des compagnies aériennes mais encore de l’usager qui ne doit pas oublier de prendre connaissance des conditions particulières du règlement lors de l’achat du billet, de voyager avec à portée de main l’ordonnance et les médicaments et de ne pas hésiter à aller au service médical de tout aéroport en cas de quelconque inquiétude.
Le point de vue du cardiologue – « Docteur, comment éviter une phlébite quand on voyage ? »
Selon Aline, médecin cardiologue, la thrombose vasculaire ou phlébite du fait du transport pose 5 questions importantes.
1 – Quels sont les facteurs de risques de phlébite ou d’embolie pulmonaire quand on prend un vol long ou moyen courrier ou pour tout voyage en train ou voiture de plus de 3 à 4 heures ?
- Les antécédents personnels et familiaux en matière d’insuffisance vasculaire veineuse de type varices ou phénomènes de « jambes lourdes ».
- La prise de médicaments à base d’hormones comme la pilule.
- Le tabagisme.
- La prise de somnifères, anxiolytiques, barbituriques, calmants, tout ce qui peut provoquer un sommeil profond.
- Les personnes en surpoids, car la position assise bloque la circulation facilement chez ces personnes.
- La chaleur et le manque d’hydratation
2 – Que faire pour prévenir ?
La vie vaut bien une nuit blanche et sans alcool. Eviter de dormir plus de 3 heures sans bouger et marcher.
Et pour cela :
- Ne jamais prendre de médicaments pour dormir.
- Eviter la prise d’alcool sous toutes ses formes.
- Eviter de porter des vêtements serrés à la taille, serrés aux membres inférieurs, pas de jeans très serrés ou pantalons de forme cigarette. Eviter toute entrave à la circulation vasculaire des membres inférieurs.
- Boire de l’eau, du thé, bref s’hydrater.
- Se lever et bouger toutes les trois heures au minimum
3 – Ce qu’il est souhaitable de faire :
- Boire beaucoup, eau, jus de fruit, thé ou tisane. Cela réveille pour aller uriner, donc oblige à bouger.
- Se lever, marcher un peu, le temps d’aller aux toilettes, minimum toutes les 3 heures, en avion, en train ou en voiture. En avion et en train, préférer une place couloir.
- Pendant le vol, porter des vêtements amples, être à l’aise.
- Mettre des bas de contention pour tout vol ou transport de plus de 4 ou 5 heures
4 – Et si l’on a des facteurs de risque ?
Il faut voir son médecin. Il peut prescrire un médicament fluidifiant avant le vol. Si l’on a oublié de le faire, tout passager peut aller consulter au service médical de l’aéroport.
On peut aussi trouver des bas de contention dans les pharmacies de chaque aéroport.
5 – Et l’aspirine ?
Très discuté. L’aspirine est un médicament connu pour ses propriétés anti-agrégantes, c’est-à-dire utilisée pour fluidifier le sang, mais son efficacité en prévention de la phlébite et de l’embolie pulmonaire n’est pas prouvée. De plus, il existe des contre-indications, comme l’association aux anticoagulants de type anti-vitamine K.
Chaque billet d’avion pour un vol long courrier devrait porter les conseils essentiels que tout passager peut comprendre pour prévenir les risques de thrombose veineuse.
Mais attention, ces risques existent aussi en train et en automobile.
Ils concernent toute personne transportée et immobile plus de 3 heures, et mal hydratée, et plus particulièrement si l’on fume, si l’on prend des produits hormonaux ou si l’on a du surpoids ou des antécédents personnels ou familiaux de phlébite.
Contenu rédigé par Claude Rambaud. De formation juridique en responsabilité médicale, elle s’est toujours intéressée aux questions touchant à la qualité des soins et aux risques liés à la santé. Elle a été présidente de l’association Le LIEN de 2007 à 2013. Elle a également effectué des missions humanitaires touchant à la qualité des soins, notamment à Kaboul en 2008 et 2009. Claude Rambaud est aujourd’hui co-présidente du Collectif interassociatif sur la santé (CISS). Par ailleurs, elle a écrit l’ouvrage Responsabilité juridique des auxiliaires médicaux (éd. Lamarre, 8e édition, 2014), elle est co-auteure de Gestion de la qualité et des risques (éditions ESF, coll. « Gérer la santé », 1994) et de l’ouvrage Infections nosocomiales et risques liés à la santé (éd. J. Lyon, 2008). Elle a co-écrit avec Jean-Pierre Thierry Trop soigner rend malade, paru aux éditions Albin Michel au printemps 2016.
Bonjour, Je viens de découvrir votre site, suite à l'émission C'est dans l'air de ce jour. Ma femme, décédée en 2013, a fait une embolie pulmonaire en décembre 1969. Elle était enceinte de 5 mois. Ce qui a étonné, à l'époque, les médecins, c'est qu'elle a fait une phlébite, après sa sortie d'hôpital . Elle a eu beaucoup de chance, car elle a fait deux crises à 24 h d'intervalle, qui n'ont pas été reconnues. Le premier docteur a diagnostiqué des douleurs intercostales, soins aspirine. Le deuxième 24 h après, pneumothorax. Hospitalisation à l'hôtel Dieu de Lyon où là on lui a dit c'est une embolie pulmonaire. Elle a été maintenue sous sérum de décembre à mars où son fils est né par césarienne. Le docteur NOTTER était un as. Par la suite, n'ayant pas été mise sous anticoagulants, elle a refait une embolie pulmonaire à la suite d'une fracture du col du fémur, avec pose de prothèse de hanche en 1988. Elle a eu beaucoup de chance ayant décédé en mai 2013, à 82 ans, suite d'une leucémie lymphoïde chronique. J'aurais beaucoup à dire sur certains docteurs concernant ma femme et mon fils… Bien cordialement
très bon avertissement de ce qu’il faut faire pendant un long voyage. suivi sous anticoagulant Coumadine 5 mg.
J’appréhende ce voyage de 15 à 17 heures.
Vous me rassurez tout de même sur le type de soins à suivre merci
bas de contention ; eau ; marche dans l’avion ; évitez de dormir trop longtemps.
cordialement