Halte au harcèlement à l'école

Halte au harcèlement à l’école

Lancé dans les établissements scolaires à l’initiative d’Eric Verdier psychologue à la Ligue française pour la santé mentale (LFSM), le dispositif « Sentinelles et Référents » associe des élèves et des adultes qui œuvrent ensemble afin de prévenir que les cas de harcèlement surviennent ou dégénèrent. Reportage au Lycée Bréquigny de Rennes.

« Notre rôle consiste à détecter les situations de harcèlement et à intervenir de façon à ce qu’elles ne s’enveniment pas ». Margot* est élève au Lycée Bréquigny de Rennes. Elle compte parmi la trentaine de jeunes gens scolarisés dans l’établissement (sur un total d’environ 3000) participant au dispositif « Sentinelles et Référents ».

Lancée en 2012 dans le plus important lycée de la capitale bretonne, cette démarche associe des élèves volontaires – les sentinelles – et des adultes – les référents -, membres ou non de la communauté éducative. Sur l’ensemble du territoire, près de 100 établissements (collèges et lycées, environ 3 par région) ont adopté cette démarche afin de limiter la survenue de cas de harcèlement et d’éviter que les situations dégénèrent.

Un élève sur dix est victime de harcèlement

Violences, insultes, mises à l’écart, agressions sur les réseaux sociaux… Le harcèlement à l’école toucherait 20 % des élèves (la moitié d’auteurs, l’autre moitié de victimes), autant au collège qu’au lycée. « C’est la répétition des agressions qui fait le harcèlement », pointe Eric Verdier, responsable du programme discriminations, violence et santé de la Ligue française de Santé mentale (LFSM) et initiateur du programme « Sentinelles et Référents ». Sur le sujet, « tous les indicateurs sont dans le rouge », estime-t-il.

Fort de ce constat, le psychologue a lancé il y a maintenant cinq ans ce programme qui vise non seulement à améliorer la détection des élèves concernés et plus généralement à prévenir la survenue de ces situations. Le dispositif a tout de suite séduit Eric Guillaume, conseiller principal d’éducation (CPE) au Lycée Bréquigny.

Une première formation a lieu à l’automne 2012. Proposée sous la forme de quatre demi-journées, cette formation a pour objectif de « fournir aux participants des clés de compréhension sur la perversité humaine, de façon à les amener à mieux prendre en charge les situations », résume Eric Verdier.

Comprendre la posture des différents acteurs

Comment ? Par exemple en sensibilisant les participants aux 4 postures que sont celles du harceleur, du harcelé, du témoin passif (qui laisse les événements se produire) et du rebelle (qui lui au contraire intervient). Jeux de rôle, mises en situation, vidéos… « Ces exercices, explique Margot, permettent d’appréhender chacune des postures et de comprendre comment en intervenant non seulement auprès de la victime mais aussi des témoins, le rebelle est en mesure d’enrayer la dynamique de harcèlement ».

C’est aussi en interpellant les témoins que les acteurs de ce dispositif espèrent diffuser l’idée parmi les élèves qu’une situation de harcèlement n’a tout simplement pas lieu d’être. De fait, dans le dispositif tel que le psychologue l’a imaginé, « les sentinelles sont investies d’une double mission, à la fois vis-à-vis de la victime désignée (aller vers elle, ne pas la laisser seule, la « tirer de là ») et auprès des témoins passifs déniant la violence faite à la victime, en les incitant à reconnaître la souffrance du bouc-émissaire ».

Quid du ressenti des adultes référents sur cette formation ? Interrogé dans la vidéo Sentinelles et référents de la LFSM, Loïc, professeur d’éducation physique au collège d’Evry, en région parisienne, témoigne : « On a vraiment vécu des émotions pendant cette formation. On a essayé de vivre nous-mêmes le phénomène de bouc-émissaire dans des jeux. On s’est mis à la place de celui qui agresse et de celui qui se fait agresser. On a senti qu’on pouvait agresser et aussi être agressé. On a aussi vécu des choses avec les élèves. Un lien s’est formé entre nous, c’était très fort ».

La détresse insoupçonnée des victimes de harcèlement

Pour Eric Verdier, le fonctionnement en binôme de l’élève sentinelle avec l’adulte référent est un gage de succès. L’autorité descendante, très peu pour lui. La résolution du conflit entre jeunes gens passe par l’intervention d’autres jeunes gens. Avec cette précaution toutefois : « En aucun cas l’intervention de l’élève sentinelle ne portera sur la personne ou le groupe d’auteurs, à propos desquels les référents joueront leur rôle une fois la victime en sécurité ». Les référents sont également amenés à intervenir auprès des témoins.

Chaque situation de harcèlement est discutée en réunion, environ deux fois par mois. A cette occasion, les adultes référents prennent connaissance des situations qui leur sont rapportées par les sentinelles. Ces situations sont identifiées par les sentinelles, donc, mais aussi par les professeurs, les infirmières scolaires ou les agents du lycée. « On est attentif aux élèves qui semblent isolés, aux chamailleries dont on est témoin ou aux railleries qu’on peut entendre », explique Julie*, une autre sentinelle rencontrée par 66 Millions d’IMpatients.

Les élèves participant au dispositif sont chargés d’intervenir auprès des victimes pour leur apporter  « un amical réconfort« , nous dit Antoine*, un élève sentinelle qui vient de démarrer son année de terminale. L’objectif est aussi de tenter de démêler la situation et de fournir à l’élève harcelé les moyens, autant que faire ce peut, d’un retour à l’apaisement. « On n’imagine pas la détresse de certaines personnes harcelées. Il est important d’insister auprès de ces élèves qu’ils ne sont pas responsables de la situation mais bien victimes ».

Bientôt de nouvelles recrues formées au lycée de Bréquigny

Depuis la mise en place du dispositif au lycée Bréquigny, une cinquantaine de cas de harcèlement sont passés entre les mains des élèves sentinelles et des adultes référents. « On a eu de belles réussites », pointe Margot. Les autres élèves sentinelles que 66 Millions d’IMpatients a rencontrés semblent tout aussi enthousiastes. Pas d’angélisme toutefois. La promotion du vivre-ensemble ne rencontre pas toujours le succès que les promoteurs de cette démarche souhaiteraient obtenir. Les échecs existent aussi.

Il n’empêche… Pour Eric Guillaume, le bilan reste largement positif. Il retient notamment l’accueil en général très favorable que les élèves sentinelles reçoivent de la part des victimes. Adepte fervent de la démarche, qu’il a largement participé à implanter au sein de l’établissement, le CPE a bien l’intention de continuer dans cette voie là. « C’est quand même plus facile d’éteindre un feu qui a été détecté tôt ». Dès le mois d’octobre, après la rentrée des vacances de la Toussaint, une nouvelle formation sera organisée.

Il est bientôt 14h00 au Lycée Bréquigny, le temps pour les élèves sentinelles qui nous ont accueillis de regagner les bancs de l’école. Ces bancs, fait remarquer Antoine, où la question du harcèlement n’est que trop rarement abordée par les professeurs. Pour le jeune homme, en discuter avec les élèves participerait déjà à éveiller les consciences sur les dégâts que les attitudes harcelantes sont susceptibles de provoquer. « On n’en parle même pas dans les cours d’éducation civique. C’est quand même dingue ! Ça viendra peut-être avec l’enseignement de la morale ». Qui sait…

* Les prénoms ont été changés

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