L'école est-elle bonne pour la santé ?

L’école est-elle bonne pour la santé ?

On attaque le problème dès le matin, quand on voit nos enfants partir avec un lourd cartable, sur un dos en pleine croissance qui se doit d’être un peu ménagé… Pourtant cela fait des années que ça dure…

Des années que l’on sait que le rythme naturel des ados ne leur permet pas d’être très efficaces tôt le matin, des années que les profs courent systématiquement derrière des programmes sans doute trop chargés quand il faut s’assurer que 35 élèves, tous différents, les ont bien assimilés, des années que l’on dit qu’il faut davantage de sport à l’école, des années que les budgets des cantines font la loi sur la qualité de la nourriture que l’on sert à nos enfants… Résultat ? Ce sont nos enfants qui disent stop !

Maman, j’ai peur d’aller à l’école

« Chaque semaine, nous recevons des appels de parents désemparés dont les enfants ne veulent pas aller à l’école du fait de problèmes de harcèlement ou de violences » raconte le docteur Marie-Claude Romano, Secrétaire générale de l’AFPSSU, Association française de la Promotion de la Santé dans l’environnement scolaire et universitaire.

« Certains élèves sont tellement angoissés qu’ils vomissent devant les grilles de l’école », ajoute le docteur Romano.

Selon la Secrétaire générale, même si de nombreuses équipes s’investissent et prennent en charge les élèves victimes de violences et de harcèlement, les pouvoirs publics ne réalisent pas l’importance de la détresse psychologique de ces enfants à l’école. Pour preuve, la demande de changement d’établissement pour fuir les harceleurs qui devrait toujours être accordée, est trop souvent refusée entraînant la déscolarisation de l’élève victime. Dernièrement, le Docteur Romano a eu le cas d’une fille de 13 ans à qui d’autres élèves avaient retiré son tee-shirt et son soutien-gorge. La police a refusé de prendre la plainte (comme c’est pratiquement toujours le cas), et le chef d’établissement a minimisé la situation en ne souhaitant pas donner de suite. Pour Marie-Claude Romano, c’est symptomatique d’une réaction de peur, car les chefs d’établissement craignent que leur école soit mal connotée.

Associatif et citoyenneté au service de la solidarité entre élèves

Cette progression du harcèlement dans les écoles est également observée par les médecins scolaires, comme nous le confirme le docteur Marie-Hélène Lépinette, médecin de secteur en Ille-et-Vilaine. Heureusement, souligne-t-elle, des initiatives se mettent en place pour aider les élèves. C’est le cas au lycée de Bréquigny, à Rennes, où chaque année, des élèves dits « sentinelles » sont formés pour faire le lien entre leurs camarades en difficulté et les équipes soignantes et pédagogiques (voir notre reportage au lycée de Bréquigny, « Halte au harcèlement à l’école »).

En Ile-de-France, le docteur Christine Cordoliani, médecin conseiller-technique à Versailles, a également noté une recrudescence de phobies scolaires chez les collégiens et les lycéens. Elle reconnaît avoir du mal à déterminer si cette augmentation est réelle ou si elle apparaît car les parents sont davantage à l’écoute de leurs enfants sur le sujet. Quoi qu’il en soit, il s’agit bel et bien d’un vrai problème. Les élèves qui en souffrent font l’objet d’une prise en charge particulière, leurs horaires sont adaptés, les enseignants leur portent une attention spécifique et si le problème est trop profond, l’enseignement à distance via le CNED est envisagé. Cette solution n’est proposée qu’en tout dernier recours car elle risque de faire basculer l’élève dans la phobie sociale dont de la phobie scolaire peut être le précurseur.

« Nous agissons également en prévention et misons sur le fait de responsabiliser les collégiens et lycéens. Les comités de vie collégienne et lycéenne sont très utilisés pour permettre la participation des élèves aux décisions des équipes éducatives des établissements, pour tout ce qui concerne l’établissement en tant que lieu de vie », explique le docteur Cordoliani. « Il est essentiel que les élèves participent à la vie associative et à la citoyenneté. Dans le même objectif, nous tentons de généraliser dans notre académie, les formations au brevet de secourisme (PSC1) auxquelles plus de 20% des élèves ont déjà participé. Apprendre à porter attention aux autres permet de réduire le sentiment d’isolement et les problèmes de harcèlement. »

Construire une école du bien-être dès les petites classes

Mais comment en est-on arrivé là ? « L’école n’est pas faite pour souffrir mais pour apprendre et cela devrait être une joie d’apprendre ! », s’exclame le docteur Romano. D’après elle, l’école n’est pas toujours pensée pour le bien-être des élèves. « Parfois pourtant des choses très simples peuvent retenir les élèves dans leur école, comme des arbres, des bancs dans la cour de récréation qui les inciteraient à rester dans l’enceinte du lycée plutôt que d’aller traîner dehors», précise-t-elle.

Privilégier le bon sens, c’est également l’avis de Véronique Girard, docteur en psycho-sociologie. Son sujet de doctorat intitulé « les Apprentis-sages » a porté sur l’ observation du comportement des enfants assis à leur bureau d’écolier.  Lors de son observation portant sur plusieurs classes allant du CP au CM2 elle observe qu’il est demandé aux enfants de s’inscrire dans une situation inadaptée à leur besoin. Assis sur leur chaise et devant leur table, la plupart d’entre eux ne touche pas par terre !  Cette perte de contact avec le sol entraînant un certain nombre de postures en compensation. Petit à petit la fatigue s’installe et le corps prend la parole. Au-dessous les jambes s’agitent, ou se tournent, comme pour sortir, au-dessus le dos se plie,  le haut du corps bascule et s’étire sur le plateau de la table, la nuque se casse pour voir le tableau, les bras se lèvent sans raison.

« L’immobilité n’est pas naturelle à l’enfant ! Il apprend par corps et par cœur !  Incompris il est souvent jugé et réprimandé à coups de : « Tiens toi droit / Pourquoi tu dors ?/ Cesse de gigoter et de t’agiter / Ne bavarde pas avec ton voisin », précise Véronique Girard.

Petit à petit un glissement de sens s’opère, par exemple  un enfant qui dort est considéré comme un enfant paresseux. Les enfants ne comprennent pas ce que c’est d’être sage ! Véronique Girard, en discutant avec eux a noté des phrases révélatrices : « Des fois j’ai peur d’avoir fait mal / J’aime pas être assis j’aime mieux être en liberté / J’aime mieux bouger que d’être triste »… et que pensez quand des enfants de CM2 racontent qu’une salle de classe c’est des tables, des chaises, le bureau de la maîtresse, et un tableau …. Où se voient-ils dans tout cela ?  (Ref : S. MOLLO dans son livre Les Muets parlent au sourds).

Que comprend l’enfant dans cette situation ? Que lui dit-on non seulement du sens d’apprendre mais aussi  du plaisir d’apprendre ?

On tend à chercher chez l’enfant les raisons de son échec ou de son désinvestissement.  Alors que les conditions d’apprentissage ne sont pas adaptées à nos enfants en construction. 

N’est-il pas temps de donner à la médecine scolaire les moyens, non pas simplement de dépister les élèves en difficulté, mais également de créer les conditions qui permettent à tous les élèves de grandir et d’apprendre dans un environnement qui s’engage pour leur bonne santé ?

À lire :
– Les Muets parlent aux sourds – Suzanne Mollo – Editions Casterman
– Bâtir pour la santé des enfants – Suzanne Déoux – Editions Medieco

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