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Peut-on se fier aux TROD et aux autotests ?

Une polémique gronde depuis quelques mois avec la mise sur le marché imminente, en vente libre, en pharmacie, des autotests VIH permettant de savoir en moins de 30 minutes, à partir d’une goutte de sang, si vous êtes séropositif ou pas.
Les associations de lutte contre le SIDA y sont plutôt favorables, alors que les professionnels de santé, notamment les médecins biologistes, émettent des doutes sur ce nouveau dispositif.

L’autotest du virus du SIDA n’est pas le seul dans le collimateur des médecins et/ou des professionnels des laboratoires d’analyses médicales dont certains déplorent aussi le déploiement des tests rapides d’orientation diagnostic (TROD) notamment dans les pharmacies. Les pharmaciens peuvent en effet rechercher, par exemple, si un patient souffre d’une angine ou d’une grippe bactérienne, nécessitant alors la prise d’antibiotiques.

Pris entre ces tirs croisés, les patients sont-ils incidemment invités à faire l’économie pour eux et la sécurité sociale d’un diagnostic bien encadré ou doit-on envisager ces mesures comme un outil supplémentaire qui aiderait les patients à prendre plus facilement soin d’eux, à être plus autonomes dans la prise en charge de leur santé ?

Dès septembre 2015, un test en vente libre en pharmacie, pour diagnostiquer le VIH, en 15 minutes, à la maison…

L’objet qui fait enfler la discorde cette année est l’autotest de dépistage du VIH qui sera vendu, vraisemblablement à partir de septembre, sans ordonnance, dans les pharmacies. Par autotest, entendez-bien qu’il s’agit d’un test que l’on peut effectuer seul, chez soi. Et c’est bien là l’argument principal avancé par les détracteurs de ce dispositif, qui tancent plusieurs écueils dont la possibilité pour l’utilisateur d’une mauvaise manipulation du test, qui fausserait le résultat, et le fait d’être seul à interpréter un diagnostic qui peut se révéler bouleversant.

Un test vraiment fiable ?

La fiabilité est aussi un point qui fait débat. En effet, le futur test de dépistage du VIH à pratiquer chez soi est un peu moins sensible que le test pratiqué en laboratoire. Il est fiable à 99% alors que celui fait en labo à partir d’une prise de sang est fiable à 100%.

Sans compter qu’il faut prendre en compte la période de séroconversion, ou de primo-infection, c’est-à-dire la période qui suit la contamination immédiate, laps de temps durant lequel le virus n’est pas encore détectable par les tests alors que le malade est déjà bel et bien contaminé et peut également transmettre la maladie. Dans le cas des autotests, cette période est de 3 mois. Or si l’utilisateur d’un autotest est contaminé depuis moins de 3 mois, qu’il fait le test et obtient un résultat négatif, il n’y a personne pour bien lui expliquer que ce résultat n’est pas définitif.
Des questions qui trouveront néanmoins une oreille attentive auprès de la ligne Sida Info Service, 24/24 et 7/7 (0 800 840 800), et bien entendu des pharmaciens.  

20% des personnes infectées par le sida l’ignorent…

Face à ce chiffre, les pouvoirs publics soutenus par les associations de lutte contre le SIDA tiennent pourtant à proposer un outil de dépistage supplémentaire. Ainsi que le précisait la Haute Autorité de Santé (HAS), en avril dernier à l’occasion de la sortie d’un document (plutôt bien fait et que vous pouvez lire ici) à destination des professionnels de santé et des associations, pour accompagner la mise en place des autotests VIH, ces derniers n’ont pas vocation à remplacer l’offre de dépistage existante, simplement à proposer une nouvelle façon de sensibiliser un plus grand nombre de personnes, notamment celles éloignées des structures de dépistage existantes et des circuits de soins. Dans tous les cas, un test de confirmation à effectuer en laboratoire doit accompagner ce diagnostic qui reste, comme l’indique le « O » de TROD, une orientation.

Un type de tests qui a déjà fait ses preuves

Pour l’association AIDES, première association française de lutte contre le VIH/SIDA et les hépatites virales en France, l’intérêt des mettre en place les autotests est manifeste.

Laura Rios-Guardiola, responsable qualité et évaluation à l’association, nous explique que ces autotests seront à peu de chose près identiques à ceux utilisés depuis 2011, dans leurs locaux et lors d’actions de réduction des risques sexuels, réalisées à l’extérieur.

Notez que AIDES a obtenu une habilitation de toutes les Agences régionales de Santé (ARS) pour pratiquer ce type de tests et que les équipes qui effectuent ces TROD de dépistage du VIH sont spécifiquement formées à cela, autant sur le geste, que sur l’accompagnement des personnes dépistées, positives ou non.

Laura confirme que l’utilisation des TROD est très simple. Il suffit de recueillir une goutte de sang, après avoir effectué une petite piqûre, au bout du doigt, de déposer l’échantillon sanguin sur le test et d’attendre une vingtaine de minutes.

Une version « maison » du test soutenue par les associations

« En donnant la possibilité aux personnes de se procurer un autotest dans les associations, les centres de dépistage ou en pharmacien nous n’avons aucunement l’intention d’évincer les laboratoires d’analyses médicales, mais plutôt d’élargir les modalités de dépistage existantes. Notre expérience sur le terrain nous prouve qu’il y a des personnes qui sauront s’en servir et pourront être autonomes dans leur démarche de dépistage. », précise Laura. Il y a intérêt aujourd’hui à banaliser le dépistage puisque les traitements disponibles permettent de faire baisser la charge virale des patients au point qu’elle devient « indétectable » dans le sang et que dans de tels cas, ces personnes séropositives ne peuvent plus transmettre le virus. On touche du doigt la possibilité d’endiguer l’épidémie, à la seule condition que les gens qui ignorent qu’ils ont été contaminés puissent enfin le savoir et se traiter. Il n’y a vraiment aucune raison de se priver d’un outil supplémentaire simple et efficace de dépistage.

Bien qu’il n’est pas prévu que l’autotest VIH, dont le prix devrait être entre 25€ et 30€, soit remboursé par l’Assurance Maladie (alors que le dépistage est gratuit dans les centres de dépistage dans tous les cas et dans les laboratoires sur ordonnance), Laura entrevoit déjà quelles pourraient être les futures cibles de ces autotests. Elle pense notamment aux populations qui sont très exposées au risque de transmission du VIH, comme les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes, les pays originaires d’un pays à forte prévalence, les partenaires des personnes séropositives…Il peut en fait s’agir de personnes qui se trouvent très éloignées de l’offre de dépistage existante ou au contraire, des personnes qui se font souvent dépister et souhaitent être plus autonomes d’autant que ces personnes-là souffrent parfois d’une certaine forme de jugement de la part des professionnels de santé.

Les TROD et autotests vus par un pharmacien…

Pour le docteur en pharmacie Thierry Carrette, la polémique est malheureusement une question de parts de marchés pour les professionnels de santé. L’hiver dernier, il a pratiqué dans sa pharmacie des tests de dépistage des angines à streptocoques A. Un test de détection rapide (TDR) dont nous avions déjà parlé dans un article de 66 Millions d’Impatients et qui permet de déceler si une angine est bactérienne et nécessite alors un traitement à base d’antibiotiques (qui, on le rappelle, ne sont pas automatiques et dont l’abus crée un vrai problème de santé public, puisque désormais certaines maladies banales que l’on soignait très bien deviennent résistantes aux antibiotiques). Ces tests sont mis à disposition des médecins pour qu’ils les utilisent en cas de diagnostic d’angine, avant de prescrire des antibiotiques, afin de vérifier la pertinence de cette prescription. Malheureusement, nombre de médecins généralistes n’ont pas intégré l’utilisation de ces tests à leur pratique médicale.

« Je n’ai pas la prétention de poser un diagnostic. Ces tests sont un service que je rends, mais j’invite les patients à confirmer ces tests en laboratoire et à consulter leur médecin. Mon intervention est plutôt de l’ordre du ‘dépannage’. Je n’aimerais pas qu’un biologiste ou qu’un médecin me dise quoi faire en matière de pharmacopée ; de la même façon, je n’ai pas été formé au métier de biologiste, ni à l’établissement d’un diagnostic. Ce que je constate simplement, c’est que l’on déplace les compétences… Il est question de vendre les médicaments en grandes surfaces alors que les pharmaciens aujourd’hui ne vivent déjà plus que grâce aux revenus de la parapharmacie. Il est vrai que ces tests vont nous donner quelques parts de marchés supplémentaires, mais je ne suis pas certain que cela soit la solution. Dans tous les cas, que cela soit pour l’angine et la grippe bactérienne, pour la prise de la glycémie, ou pour le VIH, j’agirais comme pour une grossesse par exemple, je dirais à mon patient de faire faire confirmer le test en laboratoire et de se rendre chez le médecin. »

Les TROD effectués hors laboratoires médicaux remis en cause

L’arrêté du 11 juin 2013 donnait l’autorisation pour un certain nombre de professionnels de santé de pratiquer une liste précise de tests.

Ainsi les pharmaciens pouvaient par exemple pratiquer dans leur officine :

• Le test capillaire d’évaluation de la glycémie ;

• Le test oro-pharyngé d’orientation diagnostique des angines à streptocoque du groupe A ;

• Le test naso-pharyngé d’orientation diagnostique de la grippe.

Mais dernièrement, le Syndicat national des Médecins Biologistes (SNMB) a fait annuler cet arrêté, considérant qu’il « devait être annulé pour vice de procédure, qu’il était entaché d’incompétence et qu’il était irrégulier car il rendait possible la réalisation par des professionnels autres que des biologistes médicaux de plusieurs actes et prestations de biologie médicale figurant dans la nomenclature de biologie médicale ». La liste des tests faisant partie de cet arrêté devra donc être réétudiée par une commission consultative avant de pouvoir être à nouveau pratiqués.

En effet, comme le précise le docteur Cohen, Président du SNMB, il n’est pas acceptable qu’il y ait une médecine à deux vitesses. D’un côté celle pratiquée par les médecins biologistes, qui font 15 ans d’études et sont contraints à obtenir des accréditations, soumis à de nombreux contrôles, pour assurer la qualité et la sécurité des examens de laboratoire. Des contraintes légitimes pour maintenir l’efficacité des résultats mais qui coûtent très cher aux laboratoires. D’un autre côté le fait d’autoriser un certain nombre d’acteurs, professionnels de santé ou non, à pratiquer exactement le même examen sans aucun contrôle et dans des conditions de prise en charge très floue. En ce qui concerne les TROD et autotests VIH, l’une des premières préoccupations du SNMB concernent notamment le traitement des déchets, comme l’aiguille qui sert à faire la piqûre au bout du doigt. Il s’inquiète également des résultats faussement négatifs qui pourrait entrainer que le patient ne se protège pas correctement et contamine sans le savoir ses éventuels partenaires.
Pour le docteur Cohen, ces transferts de tâches permettent surtout à l’Assurance Maladie de faire des économies puisque les TROD et autotests ne sont pas remboursés. Il reconnaît cependant que les TROD concernant l’angine bactérienne effectués par les médecins peuvent être utiles pour lutter contre l’antibiorésistance.  
En outre, il ne remet pas en cause non plus l’utilité des testeurs de glycémie pour les patients diabétiques mais il rappelle que les résultats ne sont pas aussi précis qu’en laboratoire et qu’il est bon de faire contrôler son appareil de glycémie régulièrement. La meilleure méthode est de l’emporter avec soi au laboratoire et de faire un test avec son appareil exactement au même moment qu’une prise de sang en vue de mesurer la glycémie.

Pour autant, la sortie de l’autotest VIH n’est pas remise en cause par cette annulation (l’autotest et le TROD VIH sont régis par d’autres textes réglementaires) et la sortie prochaine d’un TROD portant cette fois sur l’hépatite C devrait être une priorité de cette commission, pour une mise en œuvre début 2016, espère l’association AIDES.

En savoir plus :

Haute Autorité de Santé – Place des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) dans la stratégie de dépistage de l’hépatite C

Haute Autorité de Santé – Autotests de dépistage du VIH

SITE de AIDES – AIDES et les AUTOTESTS de dépistage du VIH/sida

SITE de AIDES – TROD Virus Hépatite C, Victimes d’un blocage administratif

1 commentaires

  • Sylvain dit :

    J’ai un gros doute sur l’efficacité de ces testeurs sachant que les tests Elisa ne sont pas forcément fiables et nécessite la réalisation d’un test Western Blot. Dans beaucoup d’article, il est indiqué que ce nouveau test est sensible aux antigènes VIH 1 et VIH2, alors que même le test ultime Western Blot ne détecte pas des antigènes spécifiques au VIH mais uniquement des anticorps spécifiques aux rétrovirus en général. le test Western blot (test de confirmation de référence). Un test est considéré comme positif si 2 anticorps gp41, gp 120 ou gp 160) sont associés à au moins un anticorps protéines de core p55, p40, p24 ou p17 ou protéines enzymatiques p66, p51 ou p31. Je m’y suis intéressé car deux de mes proches ont été détectés séropositifs alors que l’un avait un neuropalu et l’autre une candidose. On a annoncé à mon ami qu’il avait le VIH avant que celui ne tombe dans le coma et qu’ils ne découvrent qu’il avait la malaria. D’ailleurs concernant le test Western, il y a encore quelques années, je ne sais pas si c’est encore le cas, vous pouviez être séropositif dans un pays et pas dans un autre en fonction des bandes qui avaient réagi. Donc j’ai des gros doutes quant à l’efficacité de ces tests.

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