Une campagne publicitaire déguisée en campagne santé

« Ne lui tournez pas le dos », une campagne publicitaire déguisée !

« Ne lui tournez pas le dos », c’est le nom d’une campagne lancée en ce mois d’avril 2015, initiée par le laboratoire Abbvie en partenariat avec des associations que sont l’AFLAR (Association française de Lutte anti-rhumatismale) et l’AFS (Association France Spondylarthrites), dans de nombreux médias. 66 Millions d’Impatients s’en est d’ailleurs fait l’écho à travers son article « Le mal de dos n’est pas une fatalité ».

Le collectif Formindep – association regroupant des professionnels de santé, des patients et des citoyens soucieux de favoriser une formation professionnelle et une information auprès du public indépendantes, c’est-à-dire dégagées de toute influence d’organismes pouvant avoir d’autres finalités que l’intérêt seul des patients – vient de publier le 17 avril dernier une analyse de cette campagne en tant que publicité déguisée, détectant les techniques communes aux campagnes dites de « disease awareness ».

La campagne « Ne lui tournez pas le dos » est-elle une campagne de santé, ou l’une de ces campagnes marketing ?

Le collectif Formindep rappelle que la publicité auprès du public sur les médicaments de prescription est interdite (mais autorisée auprès des médecins), c’est ainsi que les firmes ont développé un autre mode de communication : l’« information » sur les maladies elles-mêmes, et la promotion de la vigilance par rapport à leurs symptômes, c’est ce qu’on appelle le « disease awareness« .

L’objectif de ces campagnes est d’amener un maximum de personnes à consulter en suscitant leur inquiétude sur une maladie donnée. En parallèle, les médecins sont invités à participer à des sessions de « formation » sur la maladie et le médicament, les visiteurs médicaux les démarchent, et des publicités explicites leur sont adressées. L’objectif : que le médecin ait le réflexe du « bon » diagnostic et du « bon » médicament, lorsqu’un patient alarmé par la campagne viendra le voir.

« Attention ! Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une campagne de publicité destinée à vous sensibiliser à une maladie inflammatoire, et à accroître la demande pour l’un de ses traitements : un médicament très cher fabriqué par la firme pharmaceutique qui orchestre cette « publi-information »», alerte Formindep.

Le message central de « Ne lui tournez pas le dos » est que des personnes atteintes de rhumatismes inflammatoires chroniques « tourneraient le dos » à leur douleur et ne la signaleraient pas à leur médecin. D’où un sous-diagnostic. « Pour les spondylarthritiques, qui connaissent l’intensité et la particularité de ces douleurs, ce scénario relève de la science-fiction », souligne le Formindep.

Une campagne qui fait fi des règles de la transparence et de l’indépendance des informations

Quand une campagne d’« information médicale » est dépendante d’intérêts autres que celui de la santé des personnes, il y a toujours un risque sanitaire.

  • Cette campagne crée le besoin avec un test de « dépistage » trompeur dans l’immense majorité des cas « dépistés ». Elle amène de nombreuses personnes à se croire à tort atteintes d’une maladie, la « spondyloarthrite axiale ».
  • Le produit à promouvoir, c’est un médicament, l’Humira®. Médicament très coûteux (plus de 13 000 € par an et par patient), il vient justement de voir son autorisation de mise sur le marché en Europe étendue à la « spondyloarthrite axiale ».
  • Le fabricant de l’Humira® est un des plus gros laboratoires pharmaceutiques mondiaux, AbbVie™. Il finance cette campagne à visée publicitaire, mais également les médecins leaders d’opinion qui s’y expriment, et les partenaires qui la promeuvent (association de patients, association de médecins rhumatologues).

Savoir décrypter les campagnes de santé déguisées

Le Formindep propose des outils pour lire et comprendre avec un regard critique cette « campagne de sensibilisation ». Pour en savoir davantage et lire l’analyse détaillée de la campagne « Ne lui tournez pas le dos », rendez-vous sur le site du Formindep. Globalement, pour vous aider à décrypter les nombreuses autres campagnes de ce type auxquelles nous sommes tous régulièrement soumis (DMLA, impuissance, syndrome des jambes sans repos…), 3 conseils vous sont donnés :

  • Bien identifier l’annonceur. S’il a un intérêt financier, toujours garder en tête le but publicitaire de sa démarche.
  • Préférer des sources d’information fiables, indépendantes des firmes de santé, et ne vivant pas de publicité.
  • Faire valoir ses droits de citoyen, pour connaître les liens d’intérêt de tous professionnels de santé s’exprimant en public.

 

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