Troubles auditifs et conséquences chez les jeunes enfants

Chaque année, en France, un millier d’enfants naît avec un problème de surdité (source INSERM). Mais très rapidement, des maladies comme la méningite ou des otites répétées, ainsi que notre environnement comme l’exposition excessive au bruit, peuvent altérer, parfois gravement, l’audition des plus petits. Les troubles auditifs chez les très jeunes enfants perturbent évidemment l’acquisition du langage et les progrès scolaires, mais aussi l’épanouissement social et affectif car ces enfants se renferment très rapidement sur eux-mêmes.

Des excès de bruit les 1ers mois de la naissance, source de surdité

On sait désormais qu’une exposition à des bruits excessifs comme les concerts, les boîtes de nuit, les baladeurs, certains environnements professionnels, font des ravages à court ou long terme sur notre audition. Ce que l’on sait moins, c’est que cet excès de bruit peut exister dès le tout premier jour de la naissance. En effet, en 2011, les Agences régionales de Santé (ARS) du Centre et du Limousin ont mené une étude relative à l’exposition au bruit dans les services de néonatalité. Ainsi, sur 672 heures de mesures relevées à l’hôpital d’Orléans, et 336 heures à celui de Châteauroux, la moyenne sonore était supérieure à 60 dB, or c’est le seuil où le bruit commence à être gênant (notons que le seuil d’endormissement se situe vers 35 dB). Pire, on a relevé des pics entre 100 dB (seuil de ce que l’on appelle les bruits dangereux) et 120 dB (seuil de la douleur). Ces bruits ont été mesuré hors et dans les incubateurs et proviennent des nouveaux-nés eux-mêmes, des alarmes des appareils, des méthodes d’intervention et des transmissions orales des équipes soignantes, des manipulation et dépôt d’objets sur des surfaces dures, des appareils électro-médicaux, des systèmes de ventilation, des téléphones muraux, des portes qui claquent, etc… Ainsi, dès les premières heures de la vie, les enfants, dont les oreilles ont été protégées durant la grossesse par le liquide amniotique, sont-ils bombardés de bruit, particulièrement stressants, voire, pour certains, dangereux.

Quid du dépistage des troubles auditifs chez les tout-petits ?

Restons pour l’instant à ces premiers jours de vie en maternité, pour parler dépistage. En France, le dépistage de la surdité, à la naissance, n’est pas automatique, il est proposé. Bien entendu la plupart des parents souhaite le faire et pour le corps médical c’est très important car tant qu’ils sont à la maternité, les enfants sont « captifs », c’est très simple de les dépister. Une fois que les bébés sont rentrés à la maison, les premiers signes de problèmes d’audition peuvent être très longs à détecter tandis que s’insinueront sans tarder les troubles associés, comme le retard de l’acquisition du langage.

Pourquoi alors ne pas rendre ce dépistage obligatoire ? Didier Voïta, président d’ANPEDA (Association nationale des Parents d'enfants déficients auditifs), nous explique que les détracteurs du dépistage obligatoire s’en méfient, car à l’annonce précoce d’un diagnostic de surdité, il y a parfois des problèmes de rejet des parents envers leur enfant. Didier Voïta précise que l’enjeu de l’annonce du diagnostic de surdité est tel pour les familles que l’an dernier est enfin paru « un arrêté relatif au cahier des charges national du programme de dépistage de la surdité permanente néonatale », qui se décline différemment selon les réseaux régionaux. Il a donné lieu à 3 années de réflexion et le président d’ANPEDA se félicite que la région Ile-de-France donne une large place aux associations et à l’accompagnement psychologique sur le sujet. Un autre argument est avancé par les opposants au dépistage systématique, c’est le fait que lorsqu’il y a un diagnostic de surdité précoce, l’alternative immédiatement retenue est majoritairement la médicalisation. Bien évidemment, une famille qui n’aurait jamais été confrontée de près ou de loin à un problème de surdité pourrait trouver cet argument peu recevable, mais en réalité il y a d’autres options à envisager, comme l’apprentissage de la langue des signes qui peut paraître particulièrement adapté pour des parents sourds ou malentendants notamment. Ces derniers n’ont de fait pas forcément besoin ou envie de savoir si leur enfant est sourd dès sa naissance.

Surdité et scolarité

En effet, un enfant sourd peut, avec un accompagnement adapté, suivre une scolarité quasiment normale. Cela ne se fait pourtant pas sans peine, souligne Didier Voïta. Cela suppose tout d’abord une prise en charge par la Maison Départementale des Personnes Handicapés (MDPH), des négociations avec l’école car souvent l’enfant doit s’adapter à l’offre de l’école et pas l’inverse, or la famille devrait pouvoir décider de la méthode de communication retenue (enseignement oral, langue des signes ou LPC, qui signifie Langue Parlée Complétée et qui est un mélange de lecture labiale accompagnée de signes). En outre la vie périscolaire d’un enfant sourd est ponctuée par des visites hebdomadaires chez l’orthophoniste. 

Le cas de Benjamin

Depuis deux ans, la famille Perrot vit au rythme de ces visites chez l’orthophoniste, suite à des troubles auditifs décelés chez leur petit Benjamin, 5 ans. Benjamin n’avait pas de problème à la naissance, c’est à la suite d’otites répétées, lors de sa première année de maternelle, que son audition a été fortement altérée. Dès la rentrée à l’école, au mois de septembre, les premières otites se manifestent, et ses parents vont alors consulter un ORL qui soigne leur fils avec des antibiotiques. Les multiples rechutes inquiètent le couple qui s’intéresse à la pose de drains, ou à l’ablation des végétations. Ces options ne sont pas retenues par l’ORL, qui juge que l’enfant est trop petit. Une ultime otite au mois de décembre convainc les parents de prendre un second avis. Le couperet tombe. Les tympans de Benjamin sont si fragilisés par les otites qu’il a perdu 40% d’audition à chaque oreille. Le nouveau médecin n’hésite pas à proposer des drains, c’est-à-dire un dispositif interne, invisible, qui se pose lors d’une intervention en ambulatoire, sous anesthésie locale, en une matinée. Le bénéfice est immédiat et Benjamin ne fait, dès lors, plus aucune rechute. Trois mois après la pose des drains, il a récupéré presque toute son audition. Cependant les 6 mois durant lesquels son audition a souffert lui ont déjà fait prendre un retard notable à l’école. Avec le recul, ses parents se rendent compte d’ailleurs que ses troubles auditifs expliquent très probablement l’attitude solitaire et agressive de Benjamin à l’école. Son comportement s’améliore assez vite mais son retard quant à l’acquisition du langage sera plus long à rattraper. L’ORL propose une prise en charge immédiate chez un orthophoniste qui annonce que Benjamin aura besoin d’environ 3 années d’accompagnement à raison de 2 séances par semaine. Un programme très lourd pour ce qui semblait être à la base un problème d’otites récalcitrantes…

Les problèmes d’audition chez les plus petits sont parfois très difficiles à déceler, pourtant à cet âge où tout est apprentissage, les conséquences peuvent être très éprouvantes pour l’enfant et sa famille. Il est essentiel de proposer des aides adaptées car ces enfants sont de futurs adolescents, or chez les enfants sourds et malentendants, il existe un autre enjeu dès l’âge de 16 ans, précise Didier Voïta, c’est qu’ils sont plus exposés à une certaine détresse psychologique et au risque de suicide, du fait du manque d’interlocuteurs disponibles pour les accompagner dans leur future vie d’adulte.

En savoir plus

 

 

 

 

5 commentaires

  • Patricia dit :

    Les troubles de l’audition chez les jeunes enfants ne sont pas anodins. Un diagnostic posé très jeune est toujours l’idéal pour l’adaptabilité de l’enfant. Il ne faut pas attendre pour aller voir un ORL.

  • JULIANA FERON dit :

    Bonjour, je suis la maman de Thomas , 5 ans .. Il est dans le même cas qui Benjamin. Il s’est fait opéré à 1 ans et le diabolo est tombé 5 mois après .. De 50% de perte d’audition il est passé à 30% en chaque oreille . Nous sommes à la recherche d’un orthophoniste depuis son opération, mais on ne trouve pas au tour de nous. Sa maîtresse est venue me dire que les copains de classe ne le comprennent pas quand il parle en public. Existe-il un moyen de voir un orthophoniste par internet? Skype, whatsap, Facebook, YouTube? Je suis reconnaissante de votre aide. Merci beaucoup

  • PERCY NKULU dit :

    Bonjour Pour votre information, je suis directeur de l’école des sourds dans la Cité de Malemba, à plus ou moins 670 Kilomètres au Nord de la ville de Lubumbashi, dans la Province du Katanga, en République Démocratique du Congo. Ces déficients auditifs apprennent à lire, écrire, compter et calculer en signes universels et en langue française. Les adultes apprennent divers métiers afin de se prendre en charge et s’intégrer dans la société. Cette école n’a pas encore construit son propre bâtiment des salles des classes suite au manque des moyens financiers et compte l’avoir dès qu’il y a cette possibilité, ses cours d’études se passent dans les salles des édifices des églises. Voulant accompagner ces garçons et filles vivant avec cet handicap, d’où l’école cherche et a besoin des collaborateurs et partenaires personnes morales ou physiques pour soutenir ces enfants. La situation de l’école et la vie des enfants peuvent vous interpeller et vous intéresser. Merci pour votre esprit sensible

  • Patricia Lecomti dit :

    Effectivement, les troubles auditifs sont à prendre avec le plus grand sérieux, surtout concernant les enfants, pour qui les conséquences peuvent être plus grand que ce que l’on croit : retard à l’école, isolement des autres enfants etc. En cas de doute, passer dans un centre auditif peut faire économiser un temps précieux et éviter bien des situations fâcheuses, comme vous l’écrivez.

Laisser un commentaire public

Votre commentaire sera visible par tous. Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Logo Santé Info Droits

Partager sur

Copier le lien

Copier