Lorsqu’un enfant naît sans vie

En France, chaque année, 7000 familles sont confrontées à la naissance d’enfant sans vie. Le deuil sera d’autant plus difficile à traverser si la prise en charge de cet accouchement si particulier n’est pas particulièrement adaptée. Au CHU de Limoges, qui abrite un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, l’équipe médicale est très impliquée et a même pris l’initiative de rédiger une plaquette informative sur le sujet qui permet aux mamans concernées de mieux comprendre la situation qu’elles vivent. Nathalie Malichier et Véronique Matl, respectivement sage-femme et psychologue au centre de diagnostic prénatal de Limoges, développent les conditions de prise en charge des cas de mortalité périnatale dans leur service, et répondent ici aux questions de 66 Millions d’Impatients.

Les chiffres
Les 7000 cas de mortalité périnatale (ou mortinatalité) en France concernent uniquement les enfants nés sans vie après 22 semaines d’aménorrhées jusqu’à la fin de la grossesse, mais également les nouveau-nés ne survivant pas au-delà de 7 jours. En France, une famille sur 50 est touchée par ce drame.

Cas d’une interruption médicale de grossesse (IMG) avant 14 semaines d’aménorrhée
Bien que l’on soit alors encore dans le délai légal pour pratiquer une Interruption Volontaire de Grossesse (IVG), si le fœtus n’est pas viable, ou qu’une anomalie est détectée, légalement le processus et la prise en charge de la patiente sont très différents d’une IVG. En revanche, dans la mesure où il n’est pas nécessaire de faire des examens supplémentaires, l’acte médical en lui-même peut avoir lieu dans les mêmes conditions qu’une IVG, notamment en pratiquant une aspiration (voir notre article sur le sujet ici).

Cas d’une interruption médicale de grossesse après 14 semaines d’aménorrhée
L’équipe médicale pratiquera alors l’expulsion par voies naturelles en provoquant l’accouchement à l’aide de médicaments. Il est possible d’envisager de pratiquer une analgésie péridurale.
L’équipe médicale va également proposer de faire faire différents examens (autopsie, caryotype…) pour tenter de comprendre ce qui s’est passé.
D’un point de vue juridique, un certificat d’accouchement peut être délivré. Ce certificat peut ensuite servir à établir un acte d’enfant né sans vie au service de l’état civil. L’enfant peut alors recevoir un prénom mais cet acte ne permet pas d’établir une filiation.

Lorsque l’on découvre durant la gestation que l’enfant est atteint d’un problème de santé d’une particulière gravité (les textes de loi officiels parlent « d’une anomalie d’une particulière gravité, sans possibilité de traitement apportant un bon résultat » ou « d’une anomalie pour laquelle la poursuite de la grossesse met en péril gravement la santé de la mère«  ) il est possible d’envisager d’interrompre la grossesse. Dans ce cas, il est nécessaire d’en faire la demande écrite auprès du Centre régional pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Le dossier est étudié par l’équipe médicale qui délivre alors un certificat d’IMG, indispensable pour pratiquer médicalement l’interruption. La maman a ensuite 7 jours de délai avant de prendre une ultime décision. D’après Véronique Matl, ce délai est une bonne chose, car la patiente a ainsi le temps de se préparer à cette épreuve et commencer son travail de deuil.
Les parents qui désirent mener la grossesse jusqu’à son terme sont accompagnés avec beaucoup d’attention. Une surveillance obstétricale, échographique et psychologique est mise en place. Les parents rencontrent un médecin spécialiste de la pathologie de leur enfant, ainsi que l’équipe de soins palliatifs de naissance, si le pronostic vital est engagé.
Dans le cas où la maman souhaite interrompre sa grossesse et qu’elle est à plus de 24 semaines, l’IMG se déroule en deux temps. Tout d’abord, on injecte dans le cordon ombilical une anesthésiant pour endormir le bébé, puis un analgésique pour qu’il ne souffre pas, enfin un produit qui entrainera l’arrêt de son activité cardiaque. Durant cette phase, la maman est mise sous péridurale et peut même être préalablement sédatée si elle est trop angoissée. On provoque l’accouchement dans la foulée et la délivrance intervient, la plupart du temps, dans la journée.

Comment présenter l’enfant à ses parents ?
Faut-il présenter l’enfant mort-né à ses parents ? Est-ce traumatisant ou est-ce envisageable? C’est en réalité très fortement conseillé pour que les parents puissent commencer le travail de deuil. Dans tous les cas, une photo du bébé est prise par l’équipe médicale et les parents peuvent demander à la voir plusieurs mois après, s’ils en éprouvent le besoin. D’après Nathalie Malichier, même dans les cas où les enfants souffrent de malformations, c’est souvent une nécessité pour les patientes de voir leur enfant, car cela les aide à faire leur travail de deuil, et parfois cela les conforte dans le fait qu’elles ont pris la bonne décision. Nathalie se souvient d’ailleurs d’un cas où l’enfant souffrait de malformations si graves que les sages-femmes elles-mêmes hésitaient à présenter l’enfant à sa maman. Contre toute attente, cette dernière était attendrie et l’a trouvé beau. Cette présentation relève du cas par cas. Après une toilette soignée, les sages-femmes couvrent l’enfant, lui mettent un bonnet et proposent soit de le tenir dans leur bras, soit de le mettre dans un berceau, ou de le confier tout simplement à ses parents. Si la rencontre avec l’enfant ne se fait pas immédiatement après l’accouchement, elle peut avoir lieu dans les 10 jours qui suivent, au service mortuaire, et dans tous les cas, bien entendu, les parents peuvent prendre des photos de leur bébé.

Le deuil périnatal
Si un acte d’enfant né sans vie a été établi, les parents ont 10 jours après l’accouchement pour décider d’organiser eux-mêmes les obsèques. Sinon, celles-ci seront prises en charge par l’hôpital qui procédera à une crémation à laquelle il n’est pas possible d’assister. Dans le cas du CHU de Limoges, les cendres sont dispersées au Jardin du Souvenir. Pour Véronique Matl, avoir un endroit qui permette aux parents de se recueillir est très important. Chacun peut choisir le sien, il peut être très personnel, symbolique ou religieux selon les croyances des familles. Dans tous les cas, les parents peuvent bénéficier d’un suivi psychologique à l’hôpital à long terme, ensemble ou séparément. Véronique Matl a d’ailleurs remarqué que souvent le père venait dans un second temps. La prise en charge psychologique dure en moyenne une année, mais les portes restent ouvertes autant que nécessaire. Il arrive bien sûr que les mamans reviennent lorsqu’elles attendent à nouveau un enfant, pour les aider à vivre cette nouvelle grossesse le plus sereinement possible.

En savoir plus : 
Journée internationale du deuil périnatal – Association pieds par terre, coeur en l’air
Rapport européen sur la santé périnatale – Europeristat
Enfant né sans vie – CHU Limoges

 

Laisser un commentaire public

Votre commentaire sera visible par tous. Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Logo Santé Info Droits

Êtes-vous satisfait
du site internet de
France Assos Santé ?

Donnez votre avis, en moins de 10 min !

ENQUÊTE

Non merci, je ne veux pas donner mon avis

Partager sur

Copier le lien

Copier