Hospitalisation : beaucoup trop d’inégalités

Une étude que le CISS rend public aujourd’hui avec 60 millions de consommateurs et Santéclair montre qu’en matière d’hospitalisation, les modes de facturation restent très opaques. Le CISS appelle les pouvoirs publics à de nécessaires ajustements.

Tarifs d’hospitalisation, prix de la chambre particulière, dépassements d’honoraires… Le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) publie aujourd’hui avec la revue 60 millions de consommateurs et la société Santéclair, filiale de plusieurs organismes complémentaires, une étude sur les coûts facturés aux patients lors d’une hospitalisation.

Ces trois organismes ont fondé ensemble l’Observatoire citoyens des restes à charge qui publie là sa troisième étude sur le coût des soins après s’être intéressé aux tarifs des consultations médicales et des soins dentaires.

Des dépenses largement couvertes… en général

L’hospitalisation représente près de la moitié de nos dépenses de santé. Ce poste est en général bien couvert par l’Assurance maladie et les organismes complémentaires. Selon les chiffres publiés par l’Observatoire, la somme restant à la charge du patient n’est en moyenne que de 26 € par séjour s’il dispose d’une couverture complémentaire.

C’est peu face aux coûts de l’hospitalisation. Il n’en demeure pas moins que le mode de financement de l’hospitalisation soulève de nombreuses questions quant aux inégalités qu’il génère. Inégalités entre patients, d’abord, dont certains, mal couverts peuvent se retrouver avec des restes à charge de plusieurs milliers d’euros après leur séjour.

Les personnes n’ayant pas souscrit un contrat de complémentaire sont certes peu nombreuses en proportion (moins de 10 %) mais ça représente malgré tout plusieurs millions de personnes. Le reste à charge qu’elles encourent lors d’une hospitalisation est supérieur à 500 € en moyenne, selon les données de l’Observatoire.

Le grand écart des tarifs dans les hôpitaux publics

Inégalités, ensuite, selon l’établissement public fréquenté. Pourquoi ? Parce que le tarif journalier de prestation (TJP) établi par chaque hôpital et qui sert de base au calcul du ticket modérateur (équivalant à 20 % du tarif journalier) à la charge du patient ou de sa mutuelle, est défini de manière totalement opaque. En médecine générale par exemple, pour une même prestation, il peut varier d’environ 500 € euros à 2230 € selon l’établissement !

Inégalités enfin, selon que les soins sont dispensés dans le public ou dans le privé. La tarification opaque et fluctuante de la participation au coût des soins dans le cadre de l’hôpital public aboutit à des tarifs qui sont souvent plus élevés qu’en cliniques privées où les coûts liés à la chambre particulière et aux honoraires des praticiens impactent de façon bien plus importante la facture de l’usager ou de sa complémentaire.

Face à de telles distorsions, et à l’imprévisibilité des dépenses qu’elles entraînent, l’Observatoire appelle en premier lieu les citoyens à la vigilance et demande « aux pouvoirs publics de prendre les mesures nécessaires pour réduire les distorsions de tarifs constatées qui accentuent les inégalités d’accès aux soins ».

La participation forfaitaire pour tous !

Première mesure demandée : que soient facilement accessibles sur les sites Internet des hôpitaux les principaux tarifs journaliers de prestation qu’ils pratiquent. A terme, l’Observatoire demande à ce que le mode de facturation utilisant le TJP soit remplacé par une facturation sous la forme d’une participation forfaitaire pour tous les soins réalisés dans des établissements de santé.

C’est déjà le cas pour une partie des patients. Lorsque le séjour comporte un acte coûteux (dont le tarif est supérieur ou égal à 120 €), la facturation du patient n’est plus calculée à partir du TJP mais ramenée à une participation forfaitaire de 18 € par jour.

Certains patients peuvent également être exonérés du ticket modérateur en fonction de leur état de santé ou de leur niveau de revenu (hospitalisation liée à une affection de longue durée, femme enceinte à partir du quatrième mois de grossesse ou encore bénéficiaires de la CMU complémentaire). Selon le rapport 2013 du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, sur les 6,6 millions de Français hospitalisés en 2010, 22 % a été facturé sur la base du TJP, 20 % selon la règle de la participation forfaitaire de 18 € et près de 50 % a bénéficié de l’exonération du ticket modérateur*.

Ajustements demandés à tous les étages

Sur les autres postes de reste à charge susceptibles d’être facturés lors d’une hospitalisation, l’Observatoire émet les observations suivantes :

Chambre particulière : gare à la tarification abusive

Selon les données recueillis par Santéclair, le coût moyen d’une chambre particulière s’élevait en 2013 à 55 € par journée d’hospitalisation. Ce montant est de 68 € en moyenne dans le privé « avec une fréquence de facturation dans près d’un séjour sur deux ». Dans les hôpitaux publics, le tarif est moindre, la facture s’élevant en moyenne à 46 € par jour. Un montant facturé dans un cas sur cinq.

Attention, prévient l’Observatoire, « nombre d’établissements de santé ont tendance à facturer de plus en plus systématiquement les chambres particulières »… y compris quand ils n’y sont pas autorisés. Le prix de la chambre particulière ne peut en effet être porté à la charge du patient s’il n’en a pas fait la demande express. Elle ne peut non plus être facturée si l’état de santé du patient requiert qu’il soit hospitalisé dans une chambre seule (réanimation par exemple).

Forfait journalier : bientôt une prise en charge sans limite de temps ?

Créé en 1983, ce forfait s’élève aujourd’hui à 18 € mais peut être l’objet d’une exonération en fonction de l’état de santé du patient ou de son statut. Le remboursement de ce forfait par les complémentaires santé est souvent limité en nombre de jours d’hospitalisation. Aussi, ce poste peut générer un niveau de dépense non négligeable lors de longs séjours, en psychiatrie par exemple.

« L’observatoire recommande aux patients d’être attentifs aux modalités de prise en charge du forfait journalier dans leur contrat de complémentaire santé (limitation ou non du nombre de jours pris en charge) ». A noter qu’un projet de décret qui devrait être publié dans les prochains jours prévoit d’imposer l’obligation aux complémentaires d’une prise en charge de ce forfait « sans limitation de durée ».

Dépassements d’honoraires : renforcement des contrôles dans le public

Beaucoup plus fréquents dans le privé, les dépassements d’honoraires quand ils sont facturés à l’hôpital public peuvent atteindre des montants très importants. Et laisser à la charge des patients des sommes élevées, même après intervention de la complémentaire santé. En clinique privée, l’Observatoire « demande que soit garanti le maintien d’une activité au tarif de la Sécurité sociale dans toutes les disciplines où elles bénéficient d’un monopole sur une spécialité hospitalière ».

Dans le public, ses promoteurs appellent à la suppression de l’activité libérale (c’est-à-dire la possibilité pour certains praticiens de revêtir l’habit libéral pendant l’équivalent d’une journée par semaine). A défaut, l’Observatoire invite les pouvoirs publics à renforcer les contrôles sur le temps d’activité libérale qui peut être l’objet d’importants abus.

(*) La proportion manquante correspond aux patients « mixtes » ayant été hospitalisés à plusieurs reprises selon un mode de facturation différent.

L’intégralité des résultats de l’Observatoire citoyen des restes à charge sur l’hospitalisation peut être consultée ici.

Pour retrouver le montant des TJP dans l'ensemble des établissements français, c'est par là :

Références / En savoir plus :

Visuel illustrant notre actualité issu du n° 494 de juin de 60 Millions de consommateurs : carte de France présentant le montant du TJP (montant à partir duquel est calculé le ticket modérateur sur les soins) dans les CHU selon les régions.

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