Le vieillissement en plan ?

On n’a pas de quoi être rassuré, car la réforme est sans cesse repoussée. En 2011, Roselyne Bachelot s’y est attelée avant que les caisses vides d’un Etat « ruiné », selon la formule de François Fillon, ne le fassent renoncer.

Michèle Delaunay, ministre socialiste déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie, envisageait un projet de loi en 2014…Mais le changement de gouvernement au début de ce mois semble avoir emporté le projet : il ne figure pas au calendrier parlementaire pour 2014.

2015… ou jamais ? Chacun se pose la question, car le plan d’économies de 50 milliards d’euros pourrait réduire les ambitions d’une réforme qui ne serait plus que l’ombre pâlotte d’ambitions pourtant justes. Décidément, le bien vieillir n’est pas à l’agenda des politiques, à droite comme à gauche.

Bien vieillir chez soi.

Voilà le sujet pour nos concitoyens qui n’ont nul envie de finir leur vie dans une maison de retraite ou dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) : selon une enquête Opinion Way en 2012, 90 % des Français préfèrent vieillir à leur domicile, quitte à l’adapter en fonction des pertes d’autonomies. Il faut dire que l’opinion qu’ils ont sur les maisons de retraite n’est guère améliorée par le palmarès publié l’an dernier par France Info : 64 établissements sur 10 400 avaient obtenu 10/10 !!!

Mais vieillir au domicile peut s’avérer coûteux.

L’association France Alzheimer a montré que pour les personnes présentant une maladie neuro-dégénérative, le reste à charge pouvait s’élever à 1 000 euros par mois, sur des durées d’accompagnement parfois de plusieurs années. C’est cette question financière que les Français veulent voir résolue, au nom de la solidarité. Dans la loi tant attendue.

Les familles et les entourages.

Que l’on appelle les aidants – car face à la perte d’autonomie c’est le premier cercle qui est mobilisé – voudraient aussi que la loi améliore leur situation. On sait que leur état de santé est d’ailleurs souvent aussi menacé que celui des personnes dont elles s’occupent. Ils attendent que des dispositifs nouveaux, que l’on appelle couramment de « répit », se mettent en place. Pour leur permettre de souffler, pendant quelques jours ou quelques semaines, pour pouvoir reprendre leur rôle d’aidant avec sérénité et combativité.

L’organisation publique face à la dépendance est aussi à la dérive.

Il faut la revoir. Deux écueils sont à résoudre. Le premier est celui des réponses de proximité. Aujourd’hui ce sont les départements qui financent l’aide à la perte d’autonomie. Mais qu’en sera-t-il demain avec leur suppression ? Par ailleurs, la coordination des différents intervenants, médicaux et sociaux, au domicile des personnes, se conçoit plutôt au niveau communal et intercommunal. Et là aussi, il y a encore de grands progrès à faire : quand il y a dix personnes impliquées dans une prise en charge à domicile, ça ne se règle pas depuis le chef-lieu de département. Ça se règle sur le terrain.

Le second écueil, c’est celui du pilotage national qui manque de transversalité : d’un côté l’Etat avec ses agences pour la prévention et l’organisation de la prise en charge sanitaire, et de l’autre la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pour l’action sociale. Et puis à côté, la Caisse nationale d’assurance maladie pour financer l’action des professionnels de santé sur le terrain. Comment avoir une politique globale face au vieillissement quand les organisations publiques sont cloisonnées ? C’est l’autre défi.

Pendant ce temps-là, le « marché » de la vieillesse bat son plein.

On appelle ça la « silver économomie ». C’est plus chic. Mais bien senti : le Club des investisseurs malins (www.ehpad.com/reforme-de-la-dependance-et-investissement-en-ehpad) proclame que les EHPAD sont « un investissement idéal pour se procurer une rente nette de fiscalité ». Cru, mais clair ! Les recommandations aux pouvoirs publics ne font pas mystère de leur intérêt pour développer des solutions à domicile pour ceux qui ont les moyens… Autrement dit, la solidarité est remisée au lendemain. Cela figure dans un rapport (La Silver Économie, une opportunité de croissance pour la France) remis à l’ancienne ministre déléguée chargée des personnes âgées et de la dépendance. Lequel ministère apporte son soutien à la prochaine manifestation commerciale du secteur : la Nuit du Grand Age et du Bien vieillir, au Casino de Paris, le 20 mai prochain. Rien de moins. A cette occasion, on décernera les Trophées du Grand Age ! Une manifestation avec le soutien de DomusVi dont l’établissement d’hébergement, le Calme de l’Etang, a été fermé pendant 6 mois depuis septembre dernier après cinq morts suspectes. A part ça, tout va bien pour les financiers de la « silver économie »…

Christian Saout

Christian Saout est notamment l’auteur d’un ouvrage publié en décembre 2013 : Santé, citoyens ! Il a un long parcours de militant dans la santé depuis 1993. De 1998 à 2007, il a présidé l’association Aides, première association française de lutte contre le sida. Puis, il a été élu à la présidence du CISS – le Collectif interassociatif sur la santé, qui regroupe toutes les grandes associations de patients et d’usagers de la santé – avant de présider la Conférence nationale de santé.

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