Malgré les scandales à répétition dès les années 1970, les réglementations strictes et la prise en charge des victimes ont mis des années à se mettre en place.
Cela fera bientôt 40 ans que l’affaire Amisol et les premières alertes à Jussieu ont eu lieu. Nous sommes pourtant très loin d’avoir réglé le problème de l’amiante en France. En témoigne le chiffre avancé par l’Union Sociale pour l’Habitat et révélé récemment (le 2 avril) par Europe 1, qui fait état de 15 millions de logements contaminés à l’amiante.
L’amiante et les conséquences sur la santé.
C’est un matériau fibreux servant d’isolant, utilisé en France dès les années 1930, principalement dans le bâtiment. On le retrouve autant dans les bâtiments publics que dans les habitations privées. Une fois installé, et a fortiori en cas de manipulation, les fibres dégagent des poussières extrêmement dangereuses qui peuvent alors être inhalées et se déposer dans les alvéoles pulmonaires. Ainsi l’amiante est-il à l’origine de maladies mortelles comme l’asbestose qui provoque des troubles respiratoires irréversibles et évolutifs même longtemps après l’exposition, ainsi que plusieurs types de cancer, dont celui du poumon ou encore le mésothéliome, une forme rare de cancer qui s’attaque également au système respiratoire. Dès 1997, un rapport de l’INSERM fait état de 1 950 décès dus à l’amiante, pour la seule année 1996, en France, dont 750 par mésothéliome et 1 250 par cancer broncho-pulmonaire. En outre, ce même rapport met en lumière le fait que ces cancers peuvent apparaître très longtemps après l’exposition. Ce n’est d’ailleurs qu’en 1997, et malgré de très nombreuses alertes depuis plus de 20 ans, que la France interdit par décret l’usage d’amiante.
L’alerte à Jussieu date de 1976. Aujourd’hui où en est-on sur ce site ?
Alors qu’à l’usine textile Amisol, au début des années 1970, les ouvrières fortement exposées aux poussières d’amiante entament une grève qui durera 31 mois, à Jussieu, les chercheurs qui travaillent dans les bâtiments de l’université parisienne commencent à dénoncer les installations dans lesquelles l’amiante est très largement utilisé. Ce n’est qu’en 1994 pourtant que le scandale éclate vraiment après que 9 cas de maladies professionnelles sont révélés sur le campus. L’année suivante, les médias s’emparent de l’affaire et le désamiantage débute mais est effectué très lentement. À la fin de l’année 1999, seuls 2,5% des surfaces à traiter le sont effectivement alors que 59 personnes ont été reconnues au titre de maladies professionnelles liées à l’amiante, dont 4 sont décédées. Ce nombre n’a évidemment cessé de s’accroître avec les années. En 2008, le rapport des services de médecine de prévention de Jussieu faisait mention de 139 cas. L’année suivante, la tour principale du campus est enfin rendue au public après 37,7 millions d’euros de travaux dont plus de 7 millions consacrés au désamiantage. Mais cela ne représente qu’un tiers de la surface totale à désamianter à Jussieu. La fin des travaux est prévue pour 2015 ou 2016.
Les estimations
Le campus universitaire de Jussieu est un site symbolique mais il est loin d’être isolé. En janvier dernier, 200 agents travaillant au sein de la Tour Montparnasse ont été évacués. D’un point de vue plus général, la semaine passée, Europe 1 révélait un chiffre annoncé par l’Union Sociale pour l’Habitat qui indique que 15 millions de logements sont concernés par l’amiante dont 3 millions de HLM. Pour le seul parc HLM, le coût des travaux, de la prise en charge des maladies ainsi que des dommages et intérêts s’élèverait à 50 milliards d’euros d’ici à 2020.
De son côté, l’INSERM estime à 100 000 le nombre de décès dus à l’amiante d’ici à 2030. Ce sont autant de victimes ou d’ayants droit à indemniser.
Indemnisations des victimes
Dès 1976, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) avait classé l’amiante comme cancérigène avéré. Face à l’ampleur de la situation et à la réaction tardive et insuffisante des autorités sanitaires, deux fonds spécifiques ont été mis en place. Le premier est le Fonds de Cessation Anticipée d’Activité des Travailleurs de l’Amiante (FCAATA), créé en 1999 et qui permet de financer les départs en préretraite, à partir de 50 ans, pour les travailleurs ayant été exposés et atteints d’une maladie professionnelle liée à l’amiante. Le second en 2001 est le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA), qui prend en charge les préjudices subis par les victimes et leurs ayants droit.
Entre 2003 et 2013, environ 80 000 victimes ont été indemnisées par le FIVA à raison de 56 000€ en moyenne par dossier.
Les victimes peuvent également engager un recours contre leur employeur pour faute inexcusable.
Quant aux procédures pénales engagées jusqu’ici, elles se heurtent à des blocages juridiques ou administratifs et restent lettres mortes. Elles seraient pourtant utiles pour enfin faire la lumière sur la réalité des responsabilités dans ce drame sanitaire qui est désormais la première cause de maladie professionnelle en France.
Savoir si l’on est, ou si l’on a été exposé…
En tant que particulier, sachez qu’avant la vente d’un appartement ou d’une maison individuelle, construit avant le 1er juillet 1997, un diagnostic dit « état d’amiante » du logement, doit être annexé au dossier lors de la vente. Si vous êtes locataire, l’état amiante n’est pas obligatoirement présenté mais si vous le demandez, votre propriétaire doit être en mesure de le fournir. Si vous avez le moindre doute, évitez de réaliser des travaux de ponçage ou de forage des matériaux suspects, et faites intervenir des professionnels pour retirer l’amiante éventuel.
En ce qui concerne les expositions professionnelles, les métiers les plus touchés sont ceux de travaux miniers, de fabrication de produits contenant de l’amiante, de raffinerie et pétrochimie, du bâtiment et des travaux publics, du travail du verre, de la métallurgie et de la sidérurgie. Dans ce cas, un suivi médical peut être mis en place, basé sur les fiches d’exposition remplies par l’employeur. Renseignez-vous auprès de votre médecin du travail ou de votre médecin traitant.
Références / En savoir plus :
Fonds d’Indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA)
Le drame de l’amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l’avenir – Sénat, 2005
Effet sur la santé des principaux types d’exposition à l’amiante – INSERM 1997
« Amiante : 15 millions de logements contaminés, quels sont les risques ? », Sciences et Avenir, 3 avril 2014
« 3 millions de logements HLM contaminés par l’amiante », Europe 1, 2 avril 2014
« Amiante : 200 personnes évacuées de la Tour Montparnasse », Le Monde, janvier 2014
Communiqué de presse de l’Union sociale pour l’Habitat, 2 avril 2014
Nombre de victimes indemnisées par le FIVA et le FCAATA – Sécurité sociale
Diagnostic amiante à l’occasion de la vente d’un logement – servicepublic.fr
Situations de travail exposant à l’amiante – INRS
« Amiante : enfin un procès pénal en France ? », billet d’Opinion d’Arnaud de Broca, Secrétaire général de la Fnath, publié sur 66 Millions d’Impatients le 10 avril 2014
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