Un décret, paru au Journal officiel le 17 novembre dernier, vise à organiser la conduite des recherches impliquant la personne depuis l’état de projet jusqu’à la fin de leur réalisation.
Le décret est pris pour l’application de la loi n° 2012-300 du 12 mars 2012 modifiée relative aux recherches impliquant la personne humaine.
Il précise les modalités de réalisation des recherches impliquant la personne humaine en précisant notamment les définitions applicables aux différentes catégories de recherche, le fonctionnement des comités de protection des personnes et de la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine ainsi que les règles applicables en matière de vigilance.
Quels sont les enjeux ?
Pour mener à bien la recherche sur leurs protocoles d’essais cliniques, les promoteurs de projets de recherche déposent leurs dossiers de recherche impliquant la personne humaine auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour le volet « scientifique/méthodologique, sécurité » et choisissent le Comité de Protection des Personnes (CPP, chargé d’assurer la protection des personnes qui participeront à cette recherche) qu’ils veulent pour examiner le volet « médical, éthique/méthodologique et juridique » de leur projet.
Ce libre choix du CPP nous paraissait problématique, car les protocoles des CHU étaient, de facto, généralement déposés dans le CPP hébergé par ledit CHU, comprenant des membres du CPP salariés du CHU et proches des confrères, voire même participant eux-mêmes à l’élaboration des protocoles examinés (pharmaciens hospitaliers, biostatisticiens…).
La loi Jardé du 5 mars 2012 a prévu qu’une répartition aléatoire des protocoles d’essais cliniques devait être appliquée à partir de juillet 2014, ce qui n’a pas été le cas du fait de l’adaptation nécessaire, mais retardée, du règlement européen du 16 avril 2014.
La loi de modernisation de notre système de santé, ou loi Touraine, a été promulguée le 26 janvier 2016. Elle permet au Gouvernement de légiférer par voie d’ordonnance sur le sujet de l’adaptation au règlement de l’Union européenne des dispositions légales relatives à la recherche biomédicale.
L’ordonnance du 16 juin 2016 a été publiée au Journal officiel le 17 juin.
– L’encadrement du droit de rétractation des personnes
L’article 1er de l’ordonnance adapte directement la loi française au règlement européen du 16 avril 2014 concernant les essais cliniques de médicaments à usage humain.
Ce règlement apporte notamment deux notions nouvelles prévues dans l’article 2 de l’ordonnance. Ces notions concernent l’information et le consentement des personnes se prêtant à une recherche.
Ainsi, si une personne ayant donné son autorisation pour faire l’objet d’une recherche se rétracte, le chercheur pourra toujours utiliser les données qui ont d’ores et déjà été obtenues.
Les personnes ayant accepté que leurs données soient utilisées pour des recherches futures, uniquement à des fins scientifiques, peuvent aussi décider de retirer ce consentement en exerçant leur faculté d’opposition à tout moment.
– Le fonctionnement des CPP est modifié : tous les comités perdent leur compétence régionale et deviennent compétents pour l’ensemble du territoire. La désignation aléatoire de ces comités est déterminée par le décret du 17 novembre dernier. Les dossiers sont répartis aléatoirement selon des modalités qui permettent de lisser l’activité entre les 39 CPP afin de permettre des harmonisations de fonctionnement, notamment avec la mise en place d’un système d’information dédié prévu pour fin 2017. La mission des CPP est élargie et une liste des recherches à risque minime vient d’être publiée.
Une adaptation en attente d’entrée en vigueur du règlement européen
L’article 4 de l’ordonnance rattache l’encadrement des essais cliniques de médicaments au règlement européen du 16 avril 2014. Toutefois, ce règlement est conditionné par un avis de la Commission européenne qui, d’après le rapport fait au Président de la République, ne devrait pas être rendu avant l’année 2018.
Cet article prévoit notamment que, si l’ANSM est choisie par le promoteur comme rapporteur pour l’Europe, c’est elle qui sera chargée de l’évaluation de la partie scientifique et technique des essais cliniques de médicaments, tandis que ce sont les CPP qui se chargeront de l’évaluation éthique (le dossier sera également réparti aléatoirement en France pour ce type de dossier européen, soit les recherches concernant uniquement les médicaments pour l’instant).
Les derniers articles de l’ordonnance visent à adapter les dispositions légales au droit de l’Union européenne et à prévoir les mesures de transition nécessaires. Des sanctions pénales pour défaut de renseignement de la base de données européenne sont ainsi créées : le défaut de renseignement est ainsi puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Enfin les définitions communautaires du médicament sont insérées dans le code de la santé publique pour éviter un vide juridique dans l’attente de l’entrée en vigueur du règlement européen.
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La mise en application de la loi sur la recherche impliquant la personne humaine nécessite des adaptations. Concernant les protocoles européens de recherche sur le médicament, une phase pilote a été lancée en 2016 et devrait se poursuivre jusqu’au lancement de la plate-forme internet européenne prévue pour 2018. Les promoteurs peuvent ou non choisir de participer à la phase pilote, leur protocole est réparti aléatoirement comme tous les autres protocoles.
Il est actuellement difficile d’estimer l’activité future des CPP, mais le tout numérique qui devrait voir le jour fin 2017 avec une plate-forme internet dédiée va, avec toutes les adaptations nécessaires aux nouveaux textes dès aujourd’hui, entraîner des modes de fonctionnement et de travail différents. L’année 2017 sera donc une forte période de transition pour tous les acteurs.