Où va l’AP-HP ?

Déficit du budget principal de 200 millions d’euros en 2018[1], suppression de 800 postes en 2019 (dont 240 postes de soignants hors médecins)[2], décès aux urgences de l’hôpital Lariboisière après douze heures d’attente[3], témoignages accablants sur l’accueil aux urgences du Kremlin-Bicêtre en période de Noël[4]… l’AP-HP semble arriver à un point de rupture.

Ironie du sort, l’AP-HP a publié des chiffres sur l’activité libérale : 351 praticiens qui ont exercé en libéral ont perçu au total plus de 39 millions d’euros d’honoraires en 2017, un chiffre en hausse de 2,2 % sur un an[5].

Mais où va donc l’AP-HP ? Quel modèle promeut-on quand l’offre de médecine libérale croit au cœur même du service public hospitalier – favorisant ainsi les dépassements d’honoraires et retirant de facto une partie des recettes hospitalières publiques ?

Des pistes ont été ouvertes par « Ma Santé 2022 » – réforme Macron – pour transformer le système de santé en profondeur : virage ambulatoire, abandon partiel de la T2A, renforcement de la pertinence des soins, etc. Mais la réforme Ma Santé 2022, si elle modifie la technique de rémunération des hôpitaux (T2A), ne touche pas au réel problème de financement des hôpitaux en France : les hôpitaux sont sous-financés à cause d’un ONDAM hospitalier, qui, chaque année, est très inférieur à l’évolution naturelle des charges hospitalières (exemple en 2018 : évolution tendancielle 4,5% ; évolution votée : 2,3%).

Par ailleurs, l’AP-HP n’étant pas le seul offreur de soins en Ile-de-France, c’est tout un système qu’il faut repenser. En effet, les arrivées aux urgences massives ne sont que le reflet des déficiences de la médecine de ville à prendre en charge les soins non programmés, notamment en périodes de fêtes. Depuis la suppression de l’obligation de garde des médecins libéraux acquise en 2002/2003, la permanence des soins ambulatoire subit, selon le CNOM,  une « dégradation lente et progressive »[6]Un rapport 2017 du même CNOM soulève d’ailleurs que « 36 départements n’ont pas de régulation libérale en nuit profonde » et que la participation des médecins libéraux à la permanence des soins ambulatoires (PDSA) était fluctuante d’un département à l’autre. A Paris, le taux de volontariat est de 10% contre 90 % dans la Nièvre… L’AP-HP en difficultés certes, mais la médecine libérale l’est également !

(1) « Les Hôpitaux de Paris vont devoir économiser 40 millions d’euros », Europe 1, 29 juin 2018

(2) « Cure d’amaigrissement à l’AP-HP »What’s up Doc, 27 novembre 2018

(3) « Décès à Lariboisière : la mauvaise organisation des hôpitaux pointée du doigt », RTL, 20 décembre 2018

(4) « Un Noël aux urgences : « il y avait des déchets partout, des gens qui appelaient à l’aide » », France Inter, 1er janvier 2019

(5) « Activité libérale à l’AP-HP : 39,4 millions d’euros pour 351 médecins, soit 112 000 euros en moyenne en 2017»Le Quotidien du Médecin, 13 décembre 2018

(6) Enquête du Conseil national de l’Ordre des Médecins sur l’Etat des lieux de la permanence des soins ambulatoires en médecine générale au 31 décembre 2017

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