Les refus de soins font désordre

L’Ordre des Médecins s’implique ouvertement et positivement contre les pratiques de certains qui discréditent l’ensemble du corps médical. Les autres ordres suivront-ils ?

 

En France, en 2009, 22% des médecins spécialistes en secteur 2 ont refusé des patients bénéficiaires de la Couverture Maladie Universelle Complémentaire (CMU-C). A Paris, on enregistre un taux record de 50% ! (1)

 

Les résultats de ce testing ne surprennent personne, les mêmes, peu ou prou, ayant été obtenus par Médecins du Monde en 2005, par le Fonds CMU en 2006 et par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) en 2008.

 

Saisie le 30 juin 2006 par un collectif de médecins excédés par les pratiques de certains de leurs confrères, le Collectif des médecins généralistes pour l’accès aux soins (COMEGAS), la Haute Autorité de Lutte Contre les Discrimination (HALDE) a rappelé que tout refus d’accès à la prévention ou aux soins opposé par un professionnel de santé aux bénéficiaires de la CMU était en opposition avec les mesure et les objectifs du législateur et constituait une discrimination au sens de la loi et des engagements internationaux (2).

 

Objectivant l’ampleur du phénomène, le rapport du Fonds CMU du 30 novembre 2006 condamnait ces pratiques et recommandait d’inscrire dans la loi « une faculté de sanction des professionnels de santé pratiquant le refus de soins », par les Ordres et par les Caisses primaires d’Assurance maladie (CPAM).

 

Le rapport proposait par ailleurs d’autres mesures, dont certaines sont entrées en application. Ainsi, un décret de mars 2007(3) a élargi la saisine des Ordres aux « associations de défense des droits des patients, des usagers du système de santé ou des personnes en situation de précarité » qui ont donc droit à agir devant le conseil de l’Ordre en cas de refus de soins.

 

Déception : la loi HPST de juillet 2009 (article 54) prévoit une procédure de conciliation par une commission mixte composée à parité de représentants du conseil territorialement compétent de l’ordre et de l’organisme local d’assurance maladie. En cas d’échec de la conciliation, le président du conseil territorialement compétent transmet la plainte à la juridiction ordinale compétente. Le directeur de la CPAM ne peut prononcer de sanction à l’encontre du professionnel mis en cause qu’en cas de « carence » de l’ordre.

 

Les modalités d’application de cette disposition devaient être fixées par voie réglementaire mais le décret est toujours attendu, 2 ans après la promulgation de la loi.

 

Le 13 janvier 2011, le bilan 2009 de la conciliation(4) a été présenté à la CNAMTS. Il fait état d’une activité très en-deçà de ce que les victimes sont en droit d’attendre. Pour 2009, 251 saisines d’assurés et 30 réclamations de professionnels de santé relatives à des refus de soins ont été recensées, sur une population de 4,2 millions de bénéficiaires de la CMU-C.

Les professionnels mis en cause sont pour 54% des médecins, 36% des chirurgiens-dentistes et 10% des autres professionnels de santé.

Sur les 251 saisines d’assurés, il est intéressant de noter qu’une cinquantaine se solderait le plus simplement du monde, par le recours à un autre professionnel de santé !

 

C’est un échec complet. Le dispositif actuel de lutte contre les discriminations faites aux bénéficiaires de la CMU-C est parfaitement inefficace, non seulement parce que les bénéficiaires de la CMU-C n’ont pas suffisamment conscience de leurs droits et de leurs voies de recours mais aussi et surtout parce que le signalement d’un professionnel de santé, démarche délicate par nature, n’est pas facilité.

 

Aussi, le Collectif interassociatif sur la Santé (CISS) et d’autres associations militant pour l’égalité d’accès aux soins souhaitent que leur soit enfin permis de procéder à des testings dont les résultats permettraient de démontrer l’existence d’un refus de soins discriminatoire.

 

En attendant, la démarche volontariste du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) doit être saluée. En demandant à être systématiquement alerté par les CPAM des cas de refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CMU-C, le CNOM exige l’application de l’article 54 de la loi HPST.


Et en appelant les associations à sensibiliser les usagers sur l’intérêt de l’informer des refus des soins dont ils peuvent être victimes, il s’implique véritablement dans la lutte contre les pratiques qui ruinent l’engagement déontologique des médecins.

 

Cette résolution est un signal fort et le CISS l’a si bien entendu qu’il propose en téléchargement, sur son site Internet, des modèle de lettres de saisine en kit.

 

Le renoncement à exercer ses droits provient souvent de l’intimidation qu’exerce une partie sur une autre. Il faut renverser ce rapport pour qu’enfin les professionnels de santé qui refusent certains patients craignent des sanctions disciplinaires exemplaires et des pénalités financières dissuasives.

 

Le CNOM prend ses responsabilités. Le CISS sera son partenaire. Il acceptera également de l’être pour l’ordre des chirurgiens-dentistes et des autres professionnels de santé qui auraient tout à gagner à se mobiliser en ce sens.


[1] Action contre les refus de soins, CISS/FNATH/UNAF, mai 2009.

[2] Délibération n°2006-232 du 6 novembre 2006.

[3] Décret n°2007-434 du 25 mars 2007.

[4] La mission de conciliation au sein de chaque organisme de sécurité sociale a été introduite par la réforme du 13 août 2004.

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