L’article 38 de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (1) proposait de renforcer la légitimité du monopole de compétences des pharmaciens d’officine :
- en consacrant le rôle du pharmacien dans la prise en charge des soins de premier recours,
- en instaurant le statut de « pharmacien référent » en établissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD),
- lui permettant de participer à l’éducation thérapeutique et aux actions d’accompagnement des patients,
- en créant ainsi le statut de « pharmacien correspondant ».
Ainsi, la loi HPST jetait les bases d’une revalorisation de l’acte pharmaceutique et confortait clairement le pharmacien d’officine dans sa dimension de professionnel de santé.
Presque deux ans plus tard, le 5 avril dernier, le « pharmacien correspondant » a vu le jour et il s’agit bien de reconnaître de façon inédite le rôle des pharmaciens d’officine dans la prise en charge des patients atteints de maladie chronique.
Le patient peut désormais désigner un pharmacien d’officine correspondant qui pourra, à la demande du médecin ou avec son accord, renouveler périodiquement le traitement portant sur un traitement chronique, ajuster sa posologie au vu du bilan de médication qu’il a effectué, selon un rythme et des modalités définis par un protocole.
Le pharmacien communique le bilan de médication, comprenant l’évaluation de l’observance et de la tolérance du traitement ainsi que tous les éléments prévus par le médecin pour le suivi du protocole, au médecin prescripteur. Dans ce bilan, le pharmacien recense les effets indésirables et identifie les interactions avec d’autres traitements en cours dont il a connaissance. Il s’assure du bon déroulement des prestations associées. Le pharmacien correspondant mentionne le renouvellement de la prescription sur l’ordonnance et informe le médecin prescripteur de l’ajustement de la posologie.
Le dossier pharmaceutique du patient, lorsqu’il existe, prend en compte tous ces éléments.
L’intérêt de cette coopération, protocolisée, entre professionnels de santé ne fait aucun doute. Au cœur des soins de premier recours et de proximité, les pharmaciens sont amenés à exercer certaines missions qui ont tout à voir avec le suivi des patients et de leurs traitements.
Pour autant, ce décret laisse une question en suspens qui pourrait nuancer le succès de ce nouveau dispositif. Car si l’on perçoit assez nettement l’avantage que la profession peut espérer obtenir de la reconnaissance du statut de « pharmacien correspondant » dans un contexte où le monopole sur la vente des médicaments est attaqué de toutes parts, on cerne moins bien le traitement économique de cette plus-value. Quelle rémunération, donc, pour assumer cette mission et prendre les nouvelles responsabilités qui en découlent ? Qui paiera ?
En pleines tribulations conventionnelles opposant, pêle-mêle, les syndicats de médecins, l’Assurance maladie et l’Etat, ce décret ne marque-t-il pas un signal fort pour montrer à tous les professionnels de santé l’intérêt partagé d’une modernisation des pratiques ?
(1) Article 38 de la loi HPST codifié à l’article L.5125-1-1 A du Code de la Santé publique.