A propos des aides à l’installation des médecins libéraux

« En essayant continuellement, on finit par réussir. Donc : plus ça rate, plus on a de chances pour que ça marche » (1)

 

En 2010, le CISS, la FNATH et l’UNAF rendaient les conclusions de leur enquête sur les déserts médicaux. Au rayon des constats, nos associations relevaient notamment :

 

  • l’existence d’un problème de répartition des médecins tandis que leur nombre n’a jamais été aussi élevé ;
  • le préjudice subi par les populations résidant dans les déserts médicaux souvent repérés dans des départements déjà fortement touchés par des difficultés sanitaires et économiques ;
  • des inégalités de répartition des effectifs médicaux qui entraînent des surcoûts liés au recours systématique aux services d’urgence ;
  • une baisse de la densité médicale aggravée par la limitation du temps médical disponible ;
  • la crise de la médecine générale, boudée par des étudiants qui préfèrent encore redoubler plutôt que d’avoir à l’exercer ;
  • des résistances culturelles aux changements qui nuisent à la réforme de l’organisation des soins ambulatoires ;

Et :

 

  • l’échec des aides incitatives en tout genre.

 

Grâce aux éléments d’informations recueillies par les représentants d’usagers en CPAM, nos associations démontraient que l’application de l’avenant n° 20 à la convention médicale de 2005 (approuvé en mars 2007) s’était concrétisée par le versement, par les CPAM, de « primes » allant de 25 000 à 28 000 euros par an et par médecin.

 

Nous remarquions par ailleurs qu’au mieux, ces aides permettaient l’ancrage du médecin dans la zone concernée mais incitaient rarement l’installation de nouveaux professionnels.

 

La Cour des Comptes le confirme dans son rapport de septembre 2011(2) : « cette mesure coûteuse, de l’ordre de 20 millions d’euros par an pour 700 bénéficiaires environ avec un bonus moyen de 27 000 euros, fait apparaître de nombreux effets d’aubaine avec, en quatre ans, un apport net de seulement une cinquantaine de médecins dans les zones déficitaires ».

 

Malheureusement, faute d’évaluation globale, il est impossible de dresser le bilan détaillé du bouquet des aides incitatives, nombreuses et variées :

 

  • moratoire sur le parcours de soins pour les jeunes médecins installés dans une zone déficitaire : aucune pénalité financière pour les consultations effectuées hors parcours de soins ;
  • attribution d’indemnités de logement et de déplacement pour les étudiants de 3e cycle de médecine générale par les Conseils généraux ;
  • application de diverses exonérations fiscales et sociales par le Trésor public.

 

En 2010, nous avancions l’hypothèse d’une erreur d’appréciation commise par des pouvoirs publics qui persistent à penser que les médecins n’auraient pour motivation que l’appât du gain, l’argent comme valeur exclusive et aspireraient à pratiquer une médecine au gré des subventions publiques.

 

Au fond, les mesures financières d’aides à l’installation stigmatisent davantage les médecins que les associations d’usagers dont on dit parfois qu’elles déshonorent la profession en proposant des alternatives à la liberté totale d’installation.

 

Les médecins libéraux sont des femmes et des hommes qui exercent dans un cadre systémique daté (issu de la Charte de 1927), inadapté à leur besoins (rappelons que seuls 9% des nouveaux médecins inscrits à l’Ordre exercaient en un mode  libéral exclusif en 2009) mais aussi à ceux des usagers résidant dans les déserts médicaux actuels ou futurs et qui, à juste titre, s’inquiètent des conditions de leur accès aux soins en cas de besoin.

 

Ces mesures demeureront vaines car l’incitation financière n’est résolument pas le bon levier, pour au moins deux raisons :

 

– la profession n’est pas en peine financière : le niveau moyen de revenus mensuels des généralistes est d’environ 5 600 euros par mois, après déduction des charges professionnelles et des cotisations sociales. Circonstance minorante des effets de la carotte financière : les revenus des médecins installés dans les déserts médicaux sont souvent supérieurs à la moyenne grâce à un effet volume décuplé ;

 

– la désaffection de certaines zones de notre territoire tient à des raisons plus organisationnelles, sociales et conjugales, qui ne se traitent pas avec des euros mais avec une politique de changement des modes d’exercice qui n’a pas peur de dire son nom. La Cour des Comptes avance elle-même que les « freins à l’exercice en zone démédicalisée [sont] l’isolement et la difficulté pour le conjoint d’y trouver du travail. »

 

 

« Il vaut mieux pomper même s’il ne se passe rien que risquer qu’il se passe quelques chose de pire en ne pompant pas » (3) : le législateur, le pouvoir réglementaire, ainsi que les signataires de la convention médicale ne se seraient-ils pas inspirés de cette devise Shadoks ?

 

Qui croient aux effets d’une maigre option « Démographie », largement inspirée de l’avenant n° 20 et d’une pauvre option « Santé Solidarité Territoriale » (4), parodie des Contrats Santé Solidarité de la loi HPST, eux-mêmes récusés par de nombreux syndicats de médecins et finalement dépouillés par la loi Fourcade ?

 

En tout cas pas la Cour des Comptes qui, dans son dernier rapport, constate notamment que l’absence de régulation débouchant sur les déserts médicaux « contraste avec la mise en place d’un dispositif visant à corriger les inégalités de répartition encore plus marquées que connaissent les infirmiers libéraux : à des aides à l’installation dans des zones sous-dotées vient s’ajouter une mesure conditionnant tout nouveau conventionnement en zone sur-dotée au départ préalable d’un infirmer conventionné ».

 

Ce rapport tombe à contre-temps puisque la convention médicale est déjà négociée et, c’est promis, les médecins pourront continuer à déserter les zones qui ne présentent pas d’intérêt pour eux !

Faut-il parier sur un système de santé où les offreurs de soins libéraux seraient des professionnels non médecins dans ces zones, ceux-là même qui consentent à réguler leurs effectifs sur le territoire comme les infirmiers par exemple ?


[1] Jacques Rouxel, devise Shadoks.

[2] Rapport de la Cour des Comptes, septembre 2011.

[3] Jacques Rouxel, devise Shadoks.

[4] Voir convention médicale 2011.

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