Serge Lafargue : « Le représentant des usagers est là pour bousculer l’inertie »

Vous l’ignorez peut-être, mais plus de 15 000 personnes se chargent de représenter et défendre les droits des usagers du système de santé : ce sont les représentants des usagers (RU). France Assos Santé assure des formations à celles et ceux désignés pour tenir ce rôle. Serge Lafargue est l’un d’entre eux. Membre de l’Association des Accidentés de la vie (FNTAH), il est RU au Centre hospitalier de Pau, et parallèlement très engagé sur le dossier du numérique en santé. Et ce n’est là qu’une partie de ses nombreuses missions. Son vadémécum ? Rendre service.

« Je suis abonné au magazine Science & Vie depuis quarante ans », confie Serge Lafargue, 69 ans, de l’Association des Accidentés de la vie (FNATH), nous invitant à voir dans cet aveu la clé de lecture d’un parcours qu’il qualifie lui-même de « multipolaire » : « J’ai toujours aimé apprendre des choses nouvelles, élargir mon champ de connaissances et, j’espère aussi, de compétences ». Ce goût d’apprendre est quasi inscrit dans les gènes de cet ancien technicien supérieur en génie civil. Après avoir débuté sa vie professionnelle dans le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP), à compter de 1983, il a poursuivi sa carrière en tant que préventeur dans un organisme de prévention au travail, effectuant aussi des missions dans le secteur de l’industrie chimique et pharmaceutique, emploi qu’il a conservé jusqu’à sa retraite en 2017. Durant ces trente-quatre années, il a dispensé des formations à la santé et la sécurité, en particulier aux entreprises du BTP, enseigné à l’Université de Pau et Pays de l’Adour (UPPA) et mené également nombre d’enquêtes, suite à des accidents du travail, ces trois activités étant indissociablement liées.

Des vies sauvées

De ces dossiers, qu’il conserve comme de précieuses reliques, il semble avoir gardé intact le souvenir des catastrophes qu’ils recèlent et qui l’ont marqué quand, pour son travail, il parcourait les départements des Landes et des Pyrénées Atlantiques. « J’ai vu pas mal de catastrophes au cours de toutes ces années. Un véritable cimetière », dit-il sobrement. Mais il ajoute aussitôt « pouvoir s’enorgueillir d’avoir sauvé des vies ». Ce sont des ouvriers terrassiers qui le lui ont rappelé, près de quinze ans après qu’il eût exigé, à l’occasion de travaux sur la voierie, qu’on les fasse immédiatement sortir d’une tranchée profonde de 4 m, juste avant que la terre des parois ne s’éboule, sans équipement de blindage pour la retenir.

Et d’ailleurs, reconnaît Serge Lafargue, l’origine de son implication dans l’aide aux victimes est probablement à chercher du côté de sa longue proximité avec la face cachée du travail, et son lot de vies brisées. « Si la presse locale, voire nationale relate volontiers les accidents du travail, on ne sait rien des drames sociaux qu’ils peuvent parfois entraîner après ». C’est ainsi qu’en 2018, il a poussé la porte de la FNATH. La retraite attendrait bien.

Cap sur le numérique en santé

Et le fait est qu’en quatre ans, Serge Lafargue n’a pas chômé. Même s’il termine en ce printemps ses deux mandats au sein des caisses primaires d’Assurance maladie (CPAM) de Pau et de Bayonne, rattrapé par la limite d’âge, le très actif membre de la FNATH siège encore à la commission des usagers (CDU) du CH de Pau et au Comité départemental de la citoyenneté et de l’autonomie, où il traite plus particulièrement du dossier des personnes en situation de handicap, au Comité territorial de santé (CTS). Enfin, il vient d’entrer à la commission exécutive de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), tout en participant à la réflexion menée par France Assos Santé autour du numérique en santé, et surtout son déploiement. Pour mieux cerner les enjeux et comprendre l’outil, il a participé, avec d’autres RU, à des webinaires organisés par l’association. « Il faut savoir aller de l’avant à un moment », affirme-t-il avec son accent béarnais bien trempé.

Et pas question, cette fois, de rater le virage du numérique, après l’échec patent du dossier médical partagé (DMP), notamment auprès des professionnels de santé. « L’Agence du numérique en Santé a fixé un calendrier pour permettre la compatibilité entre le logiciel du dispositif Mon espace santé et ceux des praticiens, dont certains devront se rapprocher de leur fournisseur. Quoi qu’il en soit, les échéances ont été arrêtées lors du Ségur de la santé, en 2021 : les syndicats des professionnels, qu’ils soient hospitaliers, libéraux, etc., doivent respecter ce planning. » Pour sa part, il est disponible pour œuvrer au niveau local, en tant qu’ambassadeur, à l’acceptation de cet « espace santé » virtuel : « J’espère suivre une formation qui me permettra de m’adapter au profil des différents interlocuteurs, usagers et professionnels, et rassurer ainsi tous les futurs acteurs de ce dispositif, notamment en matière de sécurité des données. »

Mettre à profit ses connaissances

C’est un préalable : quoi qu’il entreprenne, il ne fait rien sans d’abord avoir été formé. Question de méthode, de légitimité et de responsabilité : « Lorsque je travaillais, c’est la bonne connaissance des techniques qui m’a permis d’être intransigeant face aux risques identifiés dans les entreprises. Je n’ai pas pour principe de m’engager dans quelque chose, sans m’être formé auparavant. C’est ma philosophie ». Il a déjà à son actif de nombreuses formations, dont trois ont été dispensées par France Assos Santé, visant respectivement à se familiariser avec le fonctionnement des établissements de santé, définir le rôle des RU et comprendre ce qu’est un parcours de santé, côté patients. « Par son parcours, il est très à cheval sur les formations, commente Géraldine Goulinet-Fité, coordinatrice de la délégation régionale Nouvelle Aquitaine de France Assos Santé. C’est un Béarnais, il a son franc-parler, il est capable de donner son avis et de se faire entendre. »

L’intéressé ne nie pas que l’exercice d’un mandat de représentant des usagers dépend du caractère de chacun : « Il y a des réclamations de patients qui font vraiment sursauter et qui ne s’expliquent pas uniquement par le manque de personnel. Et ça, je le dis. » Critiquer, c’est bien, être constructif, c’est mieux. Résultat, il participe à divers comités de pilotage, dont celui pour la refonte des urgences du CH de Pau. « Je n’ai pas la prétention de tout chambouler, mais d’apporter ma pierre à l’édifice, grâce à mes connaissances, mon vécu. » Pour l’anecdote, en 1987, il a suivi, en tant que préventeur, le chantier de construction de l’hôpital palois, pour veiller aux respects des règles de prévention lors de sa construction. Déjà un œil vigilant…qu’il continue donc à exercer au nom, cette fois, de la FNATH. « Il y a moyen de faire évoluer les choses, mais il ne faut pas être seul. C’est en cela qu’il est important de faire partie d’une structure pour bousculer l’inertie ». Mais pour être pleinement utile, faut-il encore être visible. Le projet d’aménager une permanence pour les RU au niveau de l’accueil de l’hôpital de Pau s’est concrétisé. « Il reste à aménager le Salon des usagers et à établir le roulement des permanences des différents RU siégeant à la CDU », précise-t-il.

L’engagement dans le sang

Il devrait consacrer une demi-journée par mois à ce salon des usagers, de quoi combler le vide laissé par la fin de ses deux mandats aux CPAM de Pau et Bayonne. Autant dire que la retraite n’est pas la priorité. Car on a oublié de vous le dire, mais Serge Lafargue est aussi responsable bénévole de la collecte de sang pour la section de la vallée d’Ossau, au sein de l’Association départementale des donneurs de sang bénévoles. « Cela me mobilise 4 fois par an, pour les préparatifs, l’accueil et la remise en ordre de la salle », minimise-t-il. Quoi qu’il en soit, il y a dans cet engagement tous azimuts, outre une soif d’apprendre, le souci de « rendre service » : « J’essaie de faire en sorte que la vie soit un peu plus agréable pour la majorité », résume-t-il. Dans la lignée des trois mousquetaires du roi, Athos, Porthos et Aramis, des Béarnais d’origine rendus célèbre par Alexandre Dumas, et de leur fameuse devise, « Un pour tous, tous pour un ».

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