Jeudi 29 février, les député.e.s ont adopté, en première lecture à l’unanimité des suffrages exprimés une proposition de loi portée par Valérie Rabault visant à lutter contre les pénuries de médicaments. Le texte contient de significatives avancées et doit être examiné de toute urgence au Sénat. Toutefois, pour France Assos Santé, il est inacceptable que le texte soumis au Sénat n’aille pas plus loin concernant les stocks de sécurité.
Les principales avancées :
Renforcement des sanctions à l’égard des industriels
Les causes des pénuries sont certainement multiples, il existe cependant des responsabilités. Les industriels qui enfreignent la loi méritent d’être sanctionnés.
Le texte propose une augmentation des pénalités financières ainsi qu’une meilleure visibilité des sanctions prises par l’ANSM.
Renforcement de l’information délivrée par les industriels
En l’état du droit, les entreprises pharmaceutiques exploitant un médicament d’intérêt thérapeutique majeur sont légalement tenus d’informer, dès qu’ils en ont connaissance, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de tout risque de rupture de stock ou de toute rupture de stock relative à ce médicament.
Le texte propose de demander aux industriels de préciser systématiquement la nature des risques et leurs origines identifiées.
Renforcement des moyens permettant de mieux suivre et anticiper les pénuries de médicaments.
Une mesure prévoit le suivi des données liées aux stocks de médicaments de la chaîne pharmaceutique par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens.
Les pharmaciens d’officine et de pharmacie à usage intérieur seraient tenus d’alimenter ces données.
Une seconde mesure prévoit de rendre obligatoire un seul et unique système d’information pour l’ensemble de ces acteurs afin de résoudre la problématique d’éparpillement des données.
Un rapport gouvernemental viendrait évaluer la possibilité de créer une plateforme de suivi des stocks de médicaments ou, à défaut, d’assurer l’interopérabilité des plateformes qui rassemblent les données nécessaires à ce suivi. La plateforme serait accessible aux différents praticiens, prescripteurs et dispensateurs.
Stocks de sécurité incombant aux industriels : le choix de l’inaction de la majorité
Cette disposition a concentré les débats. La mesure finale retenue est éloignée du texte initial suite à une forte opposition du gouvernement.
- Les dispositions retenues maintiennent en grande partie le dispositif en vigueur, notamment concernant les médicaments à intérêt thérapeutique majeurs (MITM) (au moins 2 mois de stock)
- Une mesure bienvenue prévoit cependant d’assouplir la possibilité pour la direction générale de l’ANSM de relever le plafond du stock – sans excéder six mois de couverture des besoins
- En l’état du droit, le relèvement du niveau de stock de deux à quatre mois de couverture des besoins pour les MITM n’est possible que pour les spécialités ayant fait l’objet d’une rupture de stock au cours des deux dernières années. Une absurdité que nous dénonçons.
- Un rapport gouvernemental viendrait évaluer la pertinence de définir une liste d’un ou deux médicaments par classe thérapeutique selon les formes adaptées aux patients auxquels ils sont destinés.
Ce rapport étudierait les obligations particulières qui pourraient peser sur les entreprises. Pour ces médicaments, le niveau du stock de sécurité pourrait être augmenté.
Le rapport préciserait les contreparties, notamment financières, dont les titulaires d’autorisation de mise sur le marché et les entreprises pharmaceutiques exploitant ces médicaments peuvent bénéficier au titre de ces obligations renforcées.
Nous serons vigilants pour que ces propositions ne soient pas instrumentalisées en vue d’affaiblir les obligations actuelles concernant les médicaments à intérêt thérapeutique majeur.
Le texte propose également la possibilité d’interdire à l’exploitant de réaliser ou de poursuivre toute forme de publicité des médicaments en rupture ou en cas de rupture (note : la publicité des médicaments remboursables est interdite dans le grand public mais possible auprès des professionnels).
Le texte propose enfin que le Gouvernement remette au Parlement un rapport annuel sur les ruptures et les risques de rupture des médicaments et produits de santé survenus au cours de l’année précédente, détaillant les raisons et les réponses apportées par les industriels et les pouvoirs publics pour y mettre fin ainsi que les plans de gestion arbitrés pour l’année suivante dans le but de prévenir ces pénuries.
La gravité de la situation amène justement à apporter un maximum de transparence aux représentants de la nation.
France Assos Santé appellera les Sénatrices et Sénateurs à faire preuve du même courage politique en votant en faveur de cette proposition de loi et à aller plus loin en portant à strictement 4 mois les stocks de sécurité de l’ensemble des médicaments à intérêt thérapeutique majeur.
Cette disposition avait d’ailleurs été votée en 1ere lecture au Sénat lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
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