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Primaire de la droite : François Fillon déclarerait-il la guerre à la solidarité avec les malades ?

A l’examen des propositions touchant à la santé dans les programmes de MM. Fillon et Juppé, ou des positions portées par leur porte-parole en la matière, il est d’abord très inquiétant de voir que l’un comme l’autre se retrouve dans l’intention de supprimer la généralisation du tiers-payant. En effet, au-delà de l’aspect pratique de cette mesure pour les patients, elle constitue un symbole fort de la volonté de garantir effectivement l’accès aux soins pour tous nos concitoyens.

Ensuite, si l’on se penche sur les divergences entre les programmes des deux candidats, on identifie une différence majeure au niveau de la place qu’ils entendent continuer ou non à accorder à la Sécurité sociale dans le financement de nos soins.

En rupture avec ce qui fonde notre système d’assurance maladie solidaire depuis plus de 70 ans, François Fillon propose de faire porter le remboursement du « petit risque » (les soins courants de la majorité d’entre nous) par les complémentaires santé (mutuelles et assurances privées) afin de ne concentrer les prises en charge de l’assurance maladie obligatoire et solidaire que sur le « gros risque » (les affections graves et de longue durée, selon les termes employés dans son programme). De plus, il envisage de coupler cette nouvelle répartition, entre les remboursements par les complémentaires et par la sécurité sociale, à un système de franchise fixant en fonction des revenus un montant de dépenses (plusieurs centaines d’euros par an) jusqu’auquel il n’y aurait pas de remboursement.

Alain Juppé tient, lui, à ce que la Sécurité sociale conserve sa place centrale dans les remboursements, sans abandonner le « petit risque » et en continuant à être particulièrement présente sur le « gros risque ». Sans bousculer l’équilibre de notre système de santé solidaire, fondé sur le financement très majoritaire des soins par la Sécurité sociale, Alain Juppé entend en revanche assurer sa pérennité en cherchant à améliorer son efficience : lutte contre les actes inutiles et redondants en développant les moyens de réellement renforcer la pertinence des soins, améliorer les pratiques et les synergies entre les différents professionnels intervenant sur les soins…

Le financement solidaire de la santé mis à mal par les propositions de François Fillon

Si la vision actuellement portée par François Fillon l’emportait, on se dirigerait donc vers un double abandon de la solidarité qui constitue pourtant la particularité de notre système de santé qu’il nous faut préserver : abandon de la solidarité liée à une cotisation en fonction de ses revenus, puisqu’en basculant les soins courants sur la prise en charge par les complémentaires on choisit de les faire financer par un système où les cotisations ne sont pas établies en fonction des revenus mais en fonction de critères tels que l’âge et l’état de santé (plus on est vieux et potentiellement malade, plus on paie cher) ; abandon également de la solidarité entre malades et non-malades puisque ces derniers vont finir par refuser de financer un système d’assurance maladie obligatoire qui ne prend en charge aucun de leurs soins… tous remboursés non plus par la Sécurité sociale mais par leur complémentaire santé qu’ils doivent financer en plus à part. C’est le meilleur moyen de mettre rapidement et définitivement fin à 70 ans d’avancées dans le sens d’un accès universel à des soins de qualité financé solidairement.

Une approche individualiste de la couverture du risque santé qui se retrouve dans une vision comportementaliste et financiarisée de la prévention

Une différence d’approche entre les deux candidats qui se retrouve au niveau de leur conception respective de la prévention et de l’éducation à la santé. Notamment en ce qui concerne la question, qu’ont en tête de nombreux assureurs privés intervenant dans la prise en charge du risque santé, de pouvoir moduler les cotisations de leurs assurés en fonction de leurs comportements et de la prévisibilité du risque qu’ils représentent. Ainsi, les positions de François Fillon vont plutôt dans le sens d’une valorisation des bons comportements qui pourraient aller jusqu’à permettre de payer moins cher leur couverture santé à ceux qui présentent moins de risque, avec tout ce que cela représente de flicage des comportements de chacun pour sélectionner les « bons cotisants » et exclure les mauvais. Alain Juppé s’affiche quant à lui comme beaucoup plus conscient du risque de discrimination que portent en elles-mêmes ces pratiques simplistes d’individualisation des cotisations en fonction de comportements à priori reconnus comme vertueux.

Ceci d’autant que l’on sait à quel point de telles approches sont contre-productives en matière de santé, domaine où la promotion des bons comportements et la réalisation des risques sont plus complexes et aléatoires que dans celui de l’assurance automobile des conducteurs ! Le choix de s’engager dans cette voie d’une individualisation poussée de la prise en charge du risque santé est un choix sans retour, qui ne peut qu’aboutir à l’exclusion des malades… et progressivement de tous ceux qui présentent le moindre risque santé, c’est-à-dire tout un chacun lorsqu’on sait qu’un Français sur six est atteint d’une pathologie chronique. La sélection du risque doit être tenue à l’écart de la prise en charge en santé si l’on souhaite conserver un minimum de mutualisation du risque santé, car il n’y a ensuite pas de limite à cette logique de sélection.

Du point de vue de l’intérêt des malades et des usagers pour l’accès de tous à des soins de qualité, il n’y a pas photo : le programme de M. Fillon se rapproche du prototype de ce qu’il ne faut pas faire !!

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