Politique publique en faveur d’une alimentation bonne pour la santé et durable : à la recherche de la SNANC perdue ?

S’il y a un texte que l’on n’attendait plus, tant sa parution a pris du retard, c’est bien celui de la Stratégie Nationale pour l’Alimentation, la Nutrition et le Climat (SNANC). C’est finalement via une fuite dans le média Contexte fin novembre d’une version encore à l’état de projet, datée d’avril, que nous avons eu des nouvelles de cette stratégie remisée au placard depuis un an et demi.

La SNANC, c’est quoi ?

Pour rappel, en réponse aux recommandations de la Convention Citoyenne pour le Climat, la publication d’une SNANC était prévue par la loi Climat et Résilience de 2021. Cette stratégie sur dix ans a pour objectif de sortir des mesures en silo en alliant les enjeux d’alimentation, de santé et d’environnement. Les priorités et objectifs fixés par cette stratégie influeront ensuite sur les orientations des différents plans – sa déclinaison opérationnelle –, qui arrivent à leur échéance et doivent être actualisés :

  • le PNNS, Programme National Nutrition Santé, sous l’égide du ministère de la Santé
  • le PNA, Programme National pour l’Alimentation, sous l’égide du ministère de l’Agriculture
  • et le PNSE, Programme National Santé Environnement, sous l’égide du ministère de la Transition écologique.

Seul hic, la loi exigeait une publication de cette stratégie… pour juillet 2023 ! Les travaux d’élaboration puis de consultation des parties prenantes ont bien été entamés, mais la démission de la Première ministre Elisabeth Borne, les protestations agricoles et les élections européennes, la dissolution et les législatives anticipées, la pause estivale et la vacance gouvernementale ont fini par avoir raison de ce dossier, remisé au second plan.

Que contient ce projet ?

Dans ce projet sont prévus, outre une vingtaine d’objectifs, 15 actions phares qui seraient mises en œuvre « dès 2025 » ainsi que des objectifs chiffrés à atteindre pour 2030, avec en premier lieu la diminution de 30 % de la prévalence du surpoids et de l’obésité chez les enfants et les adolescents.

Dans son ensemble, même si certaines mesures restent à préciser ou pourraient faire l’objet d’une rédaction plus ambitieuse, les orientations prévues vont dans le bon sens au regard des enjeux de santé publique qui sont les nôtres : citons par exemple celle visant à améliorer la composition nutritionnelle de l’offre alimentaire à travers des seuils maximaux en sel, sucres, gras, et minimaux en fibres, ou encore à faciliter l’accès aux aliments sains et durables pour tous les consommateurs, y compris en aidant les ménages les plus modestes.

Nous nous réjouissons particulièrement de voir que l’on sort enfin du schéma classique faisant peser les problématiques de santé liées à une mauvaise alimentation sur la seule responsabilité du consommateur. Ce projet acte enfin que l’information et l’éducation à la santé, certes nécessaires, ne suffisent pas à garantir une alimentation favorable à la santé. Ainsi des actions ciblent également les acteurs de l’agro-industrie, et une mesure contraignante est inscrite en matière d’encadrement du marketing pour les produits alimentaires défavorables à la santé qui s’adresse spécifiquement aux jeunes. Le texte qui a fuité prévoit en effet « [d’interdire] à l’horizon 2030 les publicités et parrainages pour des produits alimentaires de mauvaise qualité nutritionnelle et ayant un impact défavorable sur l’environnement, autour des programmes jeunesses et pendant les heures où les jeunes sont les plus exposés (y compris sur internet et les réseaux sociaux) dans une démarche de co-construction avec les parties-prenantes ». Néanmoins, le document indique que cette mesure est en attente d’un arbitrage interministériel, la DGMIC, Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la Culture, étant opposée à une mesure d’interdiction.

Au regard du contexte actuel d’augmentation des dépenses de santé qui alimentent des inquiétudes quant à la pérennité de notre système de santé et de la prise en charge publique des dépenses de soins, les chiffres relatifs au surpoids et à l’obésité1, ainsi que le constat de l’augmentation des maladies non-transmissibles2 doivent nous interpeler plus que jamais. France Assos Santé tient à rappeler qu’agir ambitieusement en prévention est une nécessité, notamment en prenant les mesures structurelles qui s’imposent concernant les produits néfastes pour la santé (produits trop gras, trop sucrés, trop salés, produits ultra transformés etc.). Parmi les mesures qui, selon l’Organisation Mondiale de la santé (OMS), sont les plus efficaces pour enrayer l’épidémie d’obésité et de maladies chroniques, figure la limitation de l’exposition des plus jeunes au marketing et à la publicité pour les produits défavorables à la santé. Le lien entre publicités promouvant des produits alimentaires défavorables à la santé, consommation excessive de ces produits par les consommateurs – et notamment les enfants –, et surpoids, obésité et maladies chroniques qui seraient évitables avec une alimentation saine et durable, est clairement établi aujourd’hui : réguler le marketing et la publicité est un levier majeur à actionner en matière de promotion de la santé et de prévention.

Cette mesure d’encadrement du marketing de la malbouffe qui cible les enfants est une demande de longue date de nos associations de personnes malades, de consommateurs et de familles, échaudées par les limites manifestes des démarches volontaires basées sur la responsabilisation des acteurs de l’agro-industrie et de la publicité (comme en témoignent les évaluations des chartes successives visant à promouvoir une alimentation et des comportements favorables à la santé dans les programmes audiovisuels et les publicités). Elle est à la hauteur de l’urgence en matière de santé publique sur laquelle nous alertons et elle est nécessaire pour parvenir à des environnements qui soient réellement favorables à la santé.

Et maintenant ?

Dans le contexte actuel de turbulences politiques, il est fort à craindre que la SNANC ne passe, à nouveau, au second plan ou qu’elle soit revue à la baisse et sorte dans une version rabotée.

Nous, associations de personnes malades, de consommateurs et de familles, aux côtés des associations de défense de l’environnement, appelons les pouvoirs publics à saisir au contraire la fuite de cette version quasi finalisée comme une opportunité pour remettre ce texte à l’agenda et en concertation avec tous les acteurs concernés !

Nous nous tenons prêts à nous mobiliser collectivement en faveur d’une alimentation qui soit à la fois bonne pour la santé et pour l’environnement, et accessible à toutes et tous.


1 En 2020, près d’un adulte sur deux était en surpoids, un sur cinq était obèse. En 30 ans, le taux d’obésité a doublé chez les adultes et a été multiplié par quatre chez les 18-24 ans. Les enfants sont particulièrement touchés, avec 20% des 6 à 17 ans en surpoids en 2020, dont 5,4% souffrant d’obésité.

2 Vers une alimentation durable : Un enjeu sanitaire, social, territorial et environnemental majeur pour la France, rapport d’information n°476 6 (2019-2020), déposé le 28 mai 2020, Sénat.

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