Après un parcours chaotique de plus de 4 mois le PLFSS 2025 est adopté, et devrait maintenant passer entre les mains du Conseil Constitutionnel avant sa promulgation définitive.
L’Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) a été revalorisé pour atteindre 265,9Mds, soit une hausse de 3,4% contre 2,8% initialement prévue, pour permettre notamment d’injecter des financements complémentaires pour l’hôpital et les EHPAD. Cette trajectoire financière conduira à un déficit de près de 15,5Mds pour la seule Branche Assurance maladie, avec une perspective inquiétante pour les années à venir. La question des recettes nouvelles ayant été trop peu explorée, l’équilibre restera très fragile, de manière durable, avec des menaces concernant les prises en charge des soins.
Si la hausse du ticket modérateur sur les consultations médicales et les médicaments a finalement été abandonnée, nous pouvons craindre des restrictions indirectes du fait d’un certain nombre de mesures présentes dans le texte.
Panorama des principales mesures pour les usagers
Des mesures positives sont à souligner
- Elargissement du dispositif MonsoutienPsy, avec la suppression de l’obligation d’adressage par le médecin. Le nombre de séances était déjà passé de 8 à 12 récemment, et le tarif augmenté pour inciter les psychologues, encore trop peu nombreux, à intégrer le dispositif. France Assos Santé avait demandé la mise en œuvre de ces mesures qui restreignaient l’accès au dispositif, notamment pour les millions de personnes qui n’ont pas de médecin traitant et dans la mesure où les 8 séances prises en charge jusqu’ici pouvaient être trop restrictives.
- Définition et suivi des objectifs, dans les conventions médicales, des engagements des Professionnels de santé conventionnés en matière de répartition territoriale de l’offre de soins et protection de leur indépendance pour lutter contre la financiarisation. Si cette disposition est encore trop timide, car peu contraignante, il s’agit d’un petit pas vers des engagements pour permettre un meilleur accès aux soins aux usagers. Il sera nécessaire d’aller plus loin néanmoins en matière de régulation de l’installation.
- Création de consultation longue de gynécologie et de santé sexuelle pour les femmes en situation de handicap résidant dans un établissement médico-social.
- Généralisation des centres de Médiation en santé sexuelle avec prise en charge intégrale
- Hausse de la taxe sur les boissons avec sucres ajoutés. Cette mesure était soutenue par France Assos Santé et nous regrettons que d’autres mesures visant les produits néfastes pour la santé – alcool, malbouffe, tabac notamment – n’aient pas été adoptées.
Nous sommes partagés sur d’autres mesures, notamment l’annualisation des consultations de prévention dentaire pour les enfants et les jeunes de 3 à 24 ans, qui en soi est une bonne nouvelle, mais qui est gâchée par la suppression de la prise en charge intégrale, puisque désormais un ticket modérateur est instauré, pris en charge par la complémentaire santé, pour ceux qui en ont une… Nous rappelons que si 4% de la population n’a pas de complémentaire santé, ce taux grimpe à 12% pour les populations aux revenus les plus modestes, celles qui sont précisément les plus éloignées des soins et de la prévention. Cette hausse de restes à charge risque donc d’entrainer un renoncement à ces consultations préventives, très dommageable.
Mais aussi des mesures franchement pénalisantes pour les usagers :
- Baisse de l’indemnisation des arrêts de travail: En effet le budget prévu viendra réduire le montant maximum des Indemnités journalières maladie, qui étaient plafonnées à 1.8 SMIC (3 240€ bruts) et qui passent désormais à 1.4 SMIC maximum soit (2 520€ bruts). Une évaluation fait état d’une perte de 360€ bruts en moins par mois pour 1 français sur 2, avec un transfert vers les employeurs et prévoyance, pour les personnes qui peuvent bénéficier de ces compléments d’indemnisation.
- Instauration d’une « Taxe lapin »: Cette disposition qui a fait parler d’elle depuis quelques années, a été introduite par le Sénat dans le PLFSS. Elle consiste en une pénalité qui pourra être réclamée par un professionnel de santé libéral ou en établissement, centre de santé en cas de rendez-vous non honoré, sauf motif « légitime ». Les modalités seront prévues par décret : montant, délai raisonnable, motif légitime, etc..
France Assos Santé appelle le Conseil Constitutionnel à censurer cette mesure, sur la forme, puisqu’elle n’a rien à faire dans un Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale. Dans la mesure où elle n’impacte en rien le budget de la Sécurité Sociale, il s’agit donc d’un cavalier législatif. Mais aussi sur le fond, car elle entre en contradiction avec l’article R4127-53 du Code de la Santé Publique qui stipule que seuls les actes réellement effectués peuvent être facturés. France Assos Santé a exprimé sa totale opposition à cette pénalité qui viendra altérer encore davantage la relation de soins. Nous rappelons que le nombre de rdv non honorés est inférieur à 4% selon le syndicat MG France et les données de Doctolib, ce qui correspond à une minorité de situations et aux aléas classiques : problème familial, de transports, patients à l’état de santé mentale dégradé, etc. Cette taxe est très mal venue dans un contexte où les patients ne parviennent pas, pour certains, à trouver un médecin traitant et va juste réussir à crisper une relation de soins déjà inflammable dans un contexte de pénurie médicale ! Si des mesures doivent être prises pour éviter au maximum les rendez-vous non honorés, celles-ci doivent être organisationnelles et éducatives, et non punitives.
- Durcissement des conditions de prise en charge des transports et analyses biologiques avec introduction d’un formulaire indiquant que la prescription est conforme aux indications. Cette disposition, qui existe déjà pour certains médicaments, n’est en soi pas problématique, dans la mesure où l’idée serait d’améliorer la pertinence des prescriptions, et de fait d’éviter le gaspillage, mais les modalités sont totalement injustes et pénalisantes pour les patients. En effet, si le prescripteur ne remplit pas le formulaire ou ne consulte pas le Dossier Médical Partagé du patient, la seule conséquence sera le non remboursement pour le patient, alors que rien n’indique que la prescription n’est pas justifiée, et le professionnel de santé qui est le responsable de la prescription, ne se voit appliquer aucune sanction s’il ne respecte pas les conditions de prescriptions. France Assos Santé avait proposé une rédaction permettant de faciliter le remplissage du formulaire pour le prescripteur, avec un logiciel d’aide à la prescription, tout en supprimant la pénalisation du patient si le professionnel de santé ne respecte pas les conditions de prescription.
Concernant les produits de santé, plusieurs mesures sont à noter :
Des avancées concernant la lutte contre les pénuries de produits de santé :
La législation concernant les pénuries médicaments est régulièrement étoffée à l’occasion des LFSS. Les sanctions à l’encontre des industriels restent cependant peu nombreuses et peu dissuasives[1]. La LFSS 2025 vient renforcer le dispositif, ancrant cependant une certaine fatalité : « vivre avec » les pénuries à défaut de pouvoir les prévenir. La Loi apporte de premières dispositions bienvenues pour la prise en charge de dispositifs médicaux alternatifs en cas de pénuries.
Médicaments
- Sanctions : amélioration du dispositif : La loi renforce le montant maximum des sanctions et augmente leur temps de publication sur le site de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) en le portant de 1 mois à 1 an.
Pour rappel les principales obligations concernant les médicaments à intérêt thérapeutique majeur consistent à informer d’une rupture ou d’un risque de rupture, de constituer des stocks de sécurité, de mettre en place des plans de gestion des pénuries, d’informer ou de mettre en place des alternatives lors d’une décision d’arrêt de commercialisation - Stock de sécurité : un potentiel recul
Les stocks de sécurité sont essentiels pour prévenir les pénuries et nous donner collectivement le temps d’agir pour limiter les conséquences pour les personnes malades. Les pénuries de Quiétapine actuelles constituent un dramatique exemple : des stocks conséquents auraient permis de réduire, chez les patients concernés, le risque de suicide, de rechute et d’hospitalisation.
La LFSS 2025 ne renforce pas le dispositif actuel mais risque au contraire de l’affaiblir en introduisant dans le code de la santé publique la possibilité de fixer à la baisse ces stocks de sécurité sur décision de l’Agence nationale de sécurité du médicament. - Renforcement des plans de gestion des pénuries : Les plans de gestion des pénuries précisent les points de fragilité, les actions de prévention des ruptures de stock et de réduction de leur impact en termes de santé publique.
Un décret viendra définir le contenu, les conditions d’élaboration et d’actualisation de ces plans et les conditions dans lesquelles le directeur général de l’ANSM peut soumettre à des exigences renforcées les médicaments qui font régulièrement l’objet de risques de ruptures ou de ruptures de stock - Des mesures de «sauvegarde» renforcées : La nouvelle loi renforce le recours à l’ordonnance conditionnelle ou la délivrance à l’unité des médicaments qui seraient considérés en rupture ou à risque de ruptures.
- Des mesures de remplacement renforcées : Le pharmacien pourra remplacer un médicament par un autre-sur la base d’une recommandation de l’ANSM, non seulement en cas de rupture (législation précédente) mais également en cas de risque de rupture.
Dispositifs médicaux : prise en charge possible des alternatives en cas de pénuries
En 2023, 105 dispositifs médicaux ont été signalés en pénurie auprès de l’ANSM, affectant de très nombreux patients. Ces pénuries ont touché divers types de dispositifs médicaux, des consommables (produits à usage unique) aux équipements spécialisés. Toutes les disciplines médicales et chirurgicales sont concernées (cardiologie, chirurgie, pédiatrie, radiologie, orthopédie, neurologie, thérapie cellulaire).
Une mesure permettra une prise en charge provisoire et dérogatoire d’une ou plusieurs alternatives à des dispositifs identifiés en tension, au tarif de ces derniers.
Substitution des médicaments Biosimilaires en pharmacie d’officine : une fausse bonne idée
La nouvelle loi introduit la possibilité de substitution de médicaments de biosimilaire en pharmacie de ville après 1 an de commercialisation (contre 2 ans actuellement).
France Assos Santé est favorable aux mesures qui permettent de préserver les comptes de l’assurance maladie, en conséquence nous soutenons le recours aux médicaments biosimilaires. En revanche, nous regrettons cette disposition, qui, en rendant possible la substitution après une seule année de commercialisation des médicaments, ne permet pas d’avoir un recul suffisant sur l’utilisation de ces produits.
[1] 6 sanctions financières pour un total de 560 000 euros en 2023
Une inflexion à noter en 2024 : 11 laboratoires pour un montant de 8 millions d’Euros en septembre 2024 https://ansm.sante.fr/actualites/lansm-prononce-8-millions-deuros-de-sanctions-financieres-a-lencontre-des-laboratoires-pharmaceutiques-qui-nont-pas-respecte-leurs-4-mois-de-stock-de-securite
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