« Nous souhaitons une plus grande implication des usagers de la santé dans la politique européenne de santé »

Depuis le 1er janvier, la France préside le Conseil de l’Union européenne (UE). Cette présidence s’achèvera fin juin. Un programme a été défini pour les six mois de cette présidence, avec des priorités dans les différents domaines d’intervention de l’UE. Qu’attendre de cette présidence en matière de santé ? Quel bilan tirer de la crise du Covid-19, même si celle-ci est loin d’être terminée ? Comment porter plus largement la voix des usagers au niveau européen ? Tour d’horizon avec Gérard Raymond, président de France Assos Santé.      

La mission de France Assos Santé en faveur de la promotion des droits des usagers du système de santé est connue à l’échelle hexagonale. Qu’en est-il de votre implication au niveau européen ?   

Notre activité sur les questions européennes de santé a débuté il y a un peu plus de dix ans, à l’époque du Comité interassociatif sur la santé (CISS), qui a précédé la création de France Assos Santé. Elle est allée crescendo au fil des années. Nous n’avons pas attendu que le contexte pandémique impose son calendrier pour être actifs au sein de l’UE. France Assos Santé est membre de l’Alliance européenne pour la santé publique (EPHA), qui regroupe une centaine d’organisations non gouvernementales, d’associations de patients et autres professionnels de santé, et de l’Alliance européenne pour une R&D responsable et des médicaments abordables, qui rassemble des organisations de consommateurs, de patients et de santé publique. En réalité, les deux dimensions, française et européenne, sont indissociablement liées.

Concrètement quelles actions France Assos Santé mène-t-elle, exemple ?

Actuellement, deux dossiers nous occupent plus particulièrement, en lien, chacun, avec le médicament. Depuis 2019, France Assos Santé coordonne un groupe de travail européen interassociatif sur la lutte contre les pénuries de médicaments, un combat de longue date de nos associations membres qu’elles ont entamé dès 2010, avant la création de notre union. Et, parallèlement, nous nous battons pour obtenir la révision de la directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux, qui fait aujourd’hui obstacle à l’indemnisation des victimes des effets indésirables des médicaments.

Pour la première fois depuis quatorze ans, la France préside le Conseil de l’Union européenne. C’est donc un événement. Qu’attendez-vous de cette présidence ?

Nous en attendons beaucoup, mais la présentation des priorités de cette présidence, le 9 décembre dernier, par le chef de l’Etat, nous a déçus : la place réservée aux questions de santé y était très marginale.1 Or une majorité de Français (67 %) estime que la santé doit faire partie des priorités de cette présidence, selon un sondage Harris Interactive, publié le 2 décembre.2 C’est d’autant plus important que nous entamons, en ce début 2022, notre troisième année d’épidémie de Covid-19.

En tant qu’association, quelle est votre appréciation de la gestion justement de la crise sanitaire et des décisions de l’Union européenne (UE) en la matière ?

En dépit de la rapidité avec laquelle l’épidémie s’est répandue, l’Union européenne a su s’adapter vite et surtout faire corps face à la catastrophe. Citons à cet égard trois mesures emblématiques : l’accès très rapide aux nouveaux vaccins et traitements contre le virus, grâce à un système d’évaluation accéléré mis en place par l’Agence européenne du médicaments (EMA), la mise en œuvre d’achats conjoints de vaccins, ce qui a permis non seulement de négocier les prix, mais aussi de garantir une répartition équitable des vaccins entre les Etats membres, et la lutte contre les pénuries de médicaments qui est enfin devenue une priorité de la politique de santé de l’Union européenne, après des années de constante augmentation du nombre de ces pénuries. La crise sanitaire a été un accélérateur de ce point de vue.

Après les bons points, les moins bons. Y en a-t-il eu ?    

Effectivement, il y a eu des occasions perdues. En premier lieu, il est difficile de ne pas critiquer la manière dont l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA) a été mise en place par la Commission européenne et le Conseil de l’UE, en excluant de facto le Parlement européen, organe démocratiquement élu, du processus d’approbation de cette instance et de sa gouvernance. Forte présence de l’industrie pharmaceutique, absence des représentants de patients et des professionnels de santé, absence de conditionnalités des financements qui seront attribués, manque de transparence, etc., cette opacité n’est pas forcément de bon augure. Enfin, et dans le contexte sanitaire que nous connaissons, nous ne pouvons que regretter l’opposition de l’UE à la levée temporaire des brevets sur les vaccins anti-Covid, étape pourtant nécessaire pour généraliser l’accès aux vaccins au niveau mondial et mettre fin à cette pandémie.

Quelles sont vos attentes vis-à-vis de l’Union européenne de la santé ?

Elles sont pour l’essentiel au nombre de deux. Nous souhaitons une plus grande implication des patients et des usagers de la santé dans la politique européenne de santé et, en l’occurrence, un rééquilibrage de leur parole et de leur influence par rapport à celles des laboratoires pharmaceutiques, comme on vient de l’évoquer avec la task-force HERA, nouvellement créée. Il conviendrait également de favoriser une politique de prévention des pénuries de médicaments qui ne se limite pas à la mise en œuvre de la souveraineté sanitaire. Diverses pistes existent, comme la généralisation de plans de prévention des pénuries ou encore l’obligation de stocks de sécurité pour les industriels, assortie d’une plus grande transparence en matière de gestion des stocks disponibles et de sanctions dissuasives en cas de non-respect des obligations.

Et quels pourraient être les leviers pour associer davantage les usagers et acteurs du système de la santé à la construction de l’Europe de la santé ?

Parmi ceux-ci, il faudrait prévoir la participation systématique de représentants des usagers dans tous les mécanismes de gouvernance de la politique européenne de la santé, sur le modèle de la démocratie en santé en France. Et dans cette optique, il faudrait favoriser la participation des représentants des usagers par rapport à celle des patients-experts, qui ne portent pas toujours un point de vue collectif.  Le développement du numérique en santé au sein de l’Union Européenne devra également permettre, dans un cadre sécurisé et harmonisé, de permettre aux usagers de la santé de devenir davantage acteurs de leurs parcours de soins et donc de leur santé.

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