Fin mars, France Adot a rejoint France Assos Santé, venant ainsi renforcer les rangs des défenseurs du don d’organes et du sang au sein du réseau. La Fédération des associations pour le don d’organes et de tissus humains a vu le jour en 1969. Elle compte aujourd’hui 66 associations départementales. Retour sur ses actions et missions, avec Marie-Claire Paulet, la présidente de France Adot.
Pour France Adot, tout a commencé avec les donneurs de sang. C’est en effet à leur initiative que, le 30 juillet 1969, France Adot a été créée, en l’occurrence par Pierre Grange, alors à la tête de la Fédération française des donneurs de sang bénévoles (FFDSB) – également membre du réseau de France Assos Santé. « Les donneurs de sang ne sont pas restés, mais nous avons toujours eu des liens assez forts avec eux, explique Marie-Claire Paulet, la présidente de France Adot. Quand nous recrutons pour le don de moelle osseuse, les bénévoles se rendent sur les collectes de sang de l’Etablissement français du sang (EFS) qui prend en charge les futurs donneurs. » Le don de moelle osseuse, qui n’a strictement rien à voir avec la moelle épinière, est l’autre combat mené par France Adot : la greffe de moelle osseuse, autrement dit de cellules souches hématopoïétiques, peut en effet sauver des vies, notamment en cas de maladies graves du sang comme les leucémies.
Le premier président de la fédération qui s’appelle alors FFDOT – nom qu’elle conservera jusqu’en 1990 – est un pharmacien, Maurice Magniez. Parmi ses soutiens, de nombreux médecins, dont le prix Nobel de médecine, l’immunologue Jean Dausset. En 1969, mettre en avant le don d’organes était très novateur, rappelle Marie-Claire Paulet : « Il y a cinquante ans, on parlait très peu du don d’organes, sans compter que les moyens d’information n’étaient pas aussi développés qu’aujourd’hui ».
En parler de son vivant
Les progrès de la médecine, notamment avec le succès des transplantations d’organes (pancréas, cœur, cœur-poumon, intestins…) et, concomitamment, ou presque, la découverte des premiers immunosuppresseurs, vont, au décours des années 1970, contribuer sinon à populariser du moins à rendre visible ces avancées et donc le don d’organes. D’autant que c’est un Français qui réalisera en 1968 la première greffe cardiaque en Europe, le Pr Christian Cabrol, infatigable militant du don d’organes et proche de France Adot. En 1994, l’Etablissement français des greffes, établissement public national de l’Etat, voit le jour. Il sera remplacé en 2005 par l’Agence de la biomédecine. Malgré cela, déplore Marie-Claire Paulet, « le taux d’opposition au don d’organes reste élevé en France, de plus de 36 % ». Plusieurs paramètres rentrent en ligne de compte, l’âge du donneur, les conditions du décès ou encore la localisation géographique : Hauts-de-France, Ile-de-France, PACA et DOM étant les régions où le taux d’opposition dépasse les 40 %, voire les 50 % en ce qui concerne Provence-Alpes-Côte d’Azur.
La loi prévoit pourtant que, sauf inscription au registre national des refus de dons d’organes, mis en place en 1998, toute personne est donneuse. Faut-il encore en avoir parlé de son vivant avec ses proches ou, à défaut, être porteur d’une carte de donneur (ou d’ambassadeur) – la « carte du oui », ainsi rebaptisée par France Adot qui l’a lancée en 1970. « Le problème, c’est que ce registre ne marche pas, constate Marie-Claire Paulet. Si vous réalisez un sondage dans la rue, vous obtiendrez 80 % de réponses favorables au don d’organes. Mais quand on est confronté au décès d’un proche, la réaction n’est plus forcément la même, spécialement lorsque les circonstances du décès sont brutales et/ou inattendues (un jeune adulte). Dans ce type de situation, où la décision doit être rapidement prise, la demande des infirmiers de la coordination hospitalière est souvent insupportable à entendre pour les familles. » D’autant que, dans la pratique, ceux-ci s’appliquent surtout à recueillir la non-opposition des proches. Quoi qu’il en soit, poursuit notre interlocutrice, parmi les témoignages de familles reçus par France Adot, certaines d’entre elles racontent que le don d’organes les a aidées à faire le deuil de leur enfant. « C’est très compliqué de se mettre à la place des personnes, raison pour laquelle les campagnes d’information et de mobilisation du public sont indispensables, souligne Marie-Claire Paulet. On l’a vu avec le sida ou encore la mucoviscidose. »
Sensibiliser, mobiliser le public
Autre donnée à prendre en compte pour expliquer la stagnation, voire la baisse des dons d’organes et de moelle osseuse – et même du sang –, le contexte : d’abord les années Covid et désormais les crises de tous ordres, nationales et internationales, soit une succession d’événements qui incitent au repli sur soi, alors même que les techniques en matière de greffe, grâce à la robotique notamment, ne cessent de progresser, à l’instar des premières greffes des îlots de Langherans, au niveau du pancréas. « En 2023, des médecins américains ont réalisé la première greffe d’un cœur issu d’un porc génétiquement modifié sur un patient de 57 ans atteint d’une arythmie réfractaire, note la présidente de France Adot. Des valves de porc sont déjà utilisées en remplacement de valves cardiaques humaines. Ce sera peut-être la solution… » Dans l’immédiat, l’enjeu pour l’association est de continuer à mobiliser les Français, de tous âges, au don (indispensable) d’organes et de moelle osseuse – dans ce dernier cas, les critères sont assez stricts et limités, notamment aux personnes de moins de 36 ans, de préférence des hommes, les femmes ayant, de par leur vie, développé davantage d’anticorps. « Le don de moelle osseuse est le parent pauvre de l’Agence de la biomédecine, regrette Marie-Claire Paulet, surtout quand on compare le nombre de donneurs enregistrés sur le registre français (150 000) par rapport à celui du registre allemand, par exemple, qui en compte 20 fois plus. Résultat, la France est contrainte d’acheter des greffons à l’Allemagne. Il faudrait faire plus de 20 000 recrutements par an, qui est la moyenne actuelle. »
Le fait de rejoindre France Assos Santé permettra-t-il de donner davantage de visibilité aux dons d’organes et de moelle osseuse ? C’est le vœu formulé par la présidente de France Adot, qui entend aussi profiter de cette opportunité pour faire connaissance avec les autres associations membres. Dans deux ans, Marie-Claire Paulet cèdera son siège, au terme de vingt-quatre ans à la tête de l’association, « des années très intéressantes, très riches » : « J’ai appris de belles choses au contact de toutes les personnes que j’ai été amenée à rencontrer ». Et ce n’est donc pas fini. Bienvenue chez France Assos Santé.
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