Permettre à chacun dès le plus jeune âge d’adopter les bonnes pratiques pour entretenir son capital santé, est l’une des 20 propositions pour l’avenir du système de santé élaborées par France Assos Santé, dans le cadre des élections présidentielles et législatives 2022 et qui émanent de milliers d’hommes et de femmes, représentants des usagers issus d’associations agréées de santé.
Face au fléau que représente l’augmentation régulière, depuis plusieurs années, des maladies chroniques, il est temps de changer notre culture en matière de promotion de la santé pour agir concrètement, et dès l’enfance, en impliquant la famille, le système scolaire et extra-scolaire, les pouvoirs publics, sur l’alimentation, l’activité physique, l’environnement, le tabagisme, l’alcool, etc.
Pour faire écho à cette proposition sur l’entretien de son capital santé dès le plus jeune âge, France Assos Santé suggère d’ailleurs également d’élargir l’étiquetage établi sur le modèle du Nutriscore, à tous les produits de consommation, qu’ils soient alimentaires, cosmétiques, d’hygiène corporelle ou d’entretien ménager. France Assos Santé réclame également que chaque politique publique donne lieu à une évaluation d’impact sur la santé, qu’elle soit physique ou mentale, et de remettre en cause tout projet qui se révèlerait néfaste pour la santé. Celle des jeunes étant l’avenir de tout un système qui se fragilise chaque année un peu plus, il est grand temps de nous en préoccuper immédiatement.
La France fait l’autruche face à des défis de santé majeurs
Rappelons que si la France a l’une des espérances de vie les plus élevées d’Europe (85 ans pour les femmes, 79 ans pour les hommes), elle est sous la moyenne européenne en ce qui concerne l’espérance de vie en bonne santé, respectivement de 64,1 ans et 62,7 ans. Partout dans le monde, de nombreux pays font évoluer leur système de santé pour accorder plus de place à la promotion de la santé et agir sur les facteurs de risques comme une mauvaise alimentation, le manque d’activité physique, l’augmentation des perturbateurs endocriniens dans notre environnement, les méfaits du tabac, de l’alcool, etc.
En France, malheureusement, nous restons frileux dans le domaine de la prévention, comme le prouve l’annulation, au dernier moment, fin 2019, par l’Elysée, de la campagne de Santé Publique France, qui devait accompagner le Dry January. On peut également rappeler le non-engagement à voter une vraie politique de limitation des publicités destinées aux enfants, ou diffusées aux heures où ils sont le plus devant la télévision, des produits alimentaires délétères pour la santé (lire notre article sur le sujet).
Exemples dans d’autres pays… Observer pour tirer les leçons des forces et des faiblesses
Depuis 2010, en Finlande, un programme national nommé « Schools on the move » vise à intégrer des activités physiques tout au long de la journée. Après 45 minutes de cours, les élèvent font systématiquement une pause récréative de 15 minutes. Durant ces pauses, des animateurs organisent des jeux éducatifs prétextes pour une activité physique et incitent les enfants à créer leurs propres jeux. Même durant les cours, les enseignants sont invités à employer des moyens créatifs pour faire bouger leurs élèves durant la classe lors de courtes pauses, par exemple en leur faisant changer de place, terminer leur travail debout ou encore utiliser des ballons d’exercice à la place des chaises classiques.
Le système allemand qui prône les cours en matinée et le sport et les loisirs l’après-midi a longtemps été un modèle à suivre en Europe. Il a cependant des inconvénients et peut exacerber les inégalités principalement parce que les parents, qui ont la charge de leurs enfants tout l’après-midi, n’ont pas forcément tous les moyens d’inscrire leurs enfants dans les associations sportives, très puissantes outre-Rhin. De ce fait, de plus en plus d’écoles proposent une cantine puis des systèmes de garde et d’aide aux devoirs pour les enfants n’ayant pas les moyens ou l’envie de pratiquer d’activités extra-scolaires.
Aux Etats-Unis, la situation est paradoxale : alors que le sport lycéen et universitaire dispose d’infrastructures et de moyens sans équivalent dans le monde, tout en jouissant d’une énorme popularité, la pratique sportive est dans l’ensemble faible. Ainsi, on estime que moins d’un quart des élèves de 6 à 17 ans font assez d’exercice physique et que plus de 20% d’entre eux sont obèses. Parmi les raisons de ce paradoxe, on peut avancer le fait que l’éducation physique et sportive n’est pas obligatoire au lycée et peut être remplacée par une autre matière ou encore que la recherche grandissante parmi les clubs sportifs de la performance au détriment du « sport plaisir » décourage de nombreux jeunes à persévérer. Pour faire face à l’épidémie d’obésité et des maladies chroniques, aux Etats-Unis, une compagnie d’assurance santé offre même des paniers de fruits et légumes à ses adhérents (lire l’article de Forbes sur le sujet).
Enfin en Espagne, le sport après l’école est très répandu et structuré que cela soit dans le privé ou le public. La majorité des activités sportives se déroule au sein de l’établissement et sont dispensées par des professeurs en étroite collaboration avec les clubs, les associations locales et les fédérations. Afin d’être accessibles pour tous, les forfaits se veulent abordables.
Acquérir les bons réflexes en matière d’alimentation dès le plus jeune âge
Le surpoids et l’obésité, pourvoyeurs d’un grand nombre de complications de santé et de maladies chroniques, ont été multipliés par 6 chez les enfants, en France, depuis les années 1960. Parmi les maladies engendrées par le surpoids et l’obésité, figurent en très bonne place le diabète, les maladies cardio-vasculaires et les cancers. A eux-seuls, ces trois types de pathologies représentent un quart des dépenses de l’Assurance maladie, alors que nous ne consacrons que 2% de nos dépenses de santé à la prévention, et donc encore bien moins à la prévention concernant les enfants et les jeunes. Il est pourtant essentiel d’agir et d’agir même avant la naissance. En effet, l’étude publiée par l’INSEE, portant sur le fait que « Les inégalités sociales de santé apparaissent avant la naissance et se creusent durant l’enfance » est éloquente. Elle avance que « 94 % des femmes cadres déclarent ne pas avoir fumé pendant leur grossesse, contre 66 % des ouvrières » et qu’ « à 6 ans, les enfants de milieu social modeste sont plus souvent en surcharge pondérale et celle‑ci persiste plus souvent au cours de l’enfance et de l’adolescence. »
Bien entendu, l’école est également un lieu fondamental pour aider les jeunes à prendre de bonnes habitudes pour leur santé. Selon Jean-Pierre Lhermitte qui intervient en milieu scolaire dans le cadre des « Rendez-vous Conso » de l’UFC Que Choisir, l’important face aux jeunes est de créer des échanges interactifs. Il souligne que, dans l’ensemble, plus les jeunes avancent en âge, plus les jeux sont faits. « Les enfants en primaire sont attentifs et même prescripteurs parfois auprès des parents. Quand ils rentrent chez eux, ils lisent souvent les étiquettes en famille et cela ne manque pas d’interpeller les uns et les autres sur les sucres cachés notamment. Concernant les adolescents, l’approche est plus difficile. On sent qu’ils n’aiment pas toujours que l’on se mêle de leurs habitudes alimentaires et qu’ils ne sont pas prêts à renier sur les sodas ou les fast-foods. En revanche, c’est surprenant de voir qu’ils ne sont pas si ignorants que cela en la matière. Certes, ils ne connaissent pas bien la différence entre les glucides et les lipides mais ils regardent le Nutriscore et en savent long sur l’huile de palme contenu dans les pâtes à tartiner et la déforestation que cela entraine. J’avais également eu de très bons échanges avec une classe de lycée où l’un des élèves était diabétique et qui avait accepté d’en parler à ses camarades. Sans doute l’implication directe des jeunes dans les programmes de prévention est-elle à développer. Pour l’heure, à chaque début de séance quand j’entame l’échange en demandant à la classe ce que chacun a mangé au petit-déjeuner, je suis très inquiet des retours. Le petit-déjeuner est souvent inexistant ou très sucré et très largement pris devant la télévision et donc devant des publicités vantant des produits alimentaires néfastes pour leur santé. ».
Sur le sujet des écrans, dont la consommation a augmenté depuis la crise COVID chez les jeunes, il est établi qu’ils sont responsables de l’augmentation du surpoids. En effet, non seulement les prises alimentaires des jeunes concernés sont plus importantes mais les écrans dégradent également leur sommeil, or la qualité du sommeil peut influer sur la prise de poids (lire les recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique sur les Effets de l’exposition des enfants et des jeunes aux écrans).
Focus sur les jeunes et le tabac avec La Ligue contre le Cancer
La lutte contre le tabac doit également intervenir dès le plus jeune âge, car à l’adolescence, pour ceux qui fument leurs premières cigarettes, le danger est grand. L’Union Nationale des Associations Familiales (UNAF), dans son guide « Protéger mon enfant du tabac », réalisé en collaboration avec le Comité National contre le Tabagisme, rappelle que 2/3 des enfants qui testent la cigarette « juste pour voir » deviennent des fumeurs quotidiens, au moins une partie de leur vie. Là encore, il s’agit de protéger les jeunes en modifiant toute la culture ancrée autour de la cigarette dans notre pays. Une enquête à laquelle avait participé l’UNAF a par exemple révélé qu’en Ile-de-France, 92% des débitants de tabac vendent des cigarettes aux mineurs de 17 ans, alors que la loi le leur interdit.
Du côté de l’éducation nationale, la bonne nouvelle est qu’elle s’oriente de plus en plus vers une école promotrice en santé, avec des formations pour le personnel enseignant sur différents thèmes. Cependant, selon Sandrine Estragnat, Responsable Prévention au Comité du Rhône de la Ligue contre le cancer, la promotion en santé ne pourra probablement pas être entièrement portée par les enseignants. Les intervenants extérieurs, notamment par le biais des associations, sont et seront certainement toujours des partenaires essentiels. L’expertise d’associations comme La Ligue contre le Cancer, qui intervient en milieu scolaire depuis de nombreuses années est précieuse. Sandrine Estragnat, note par exemple que ces dernières années, dans le cadre des interventions de La Ligue, en milieu scolaire, pour lutter contre le tabac, les réactions et la position des jeunes a changé. Le tabac n’est plus aussi valorisé qu’avant et les adolescents fument moins.
Elle précise : « Nous intervenons dès l’école primaire et adaptons nos actions en fonction de l’âge des élèves. L’important est que les interventions soient interactives et de faire en sorte que les jeunes soient acteurs de leur savoir. Nous proposons donc des ateliers, en nous servant de notre outil Explo’ tabac qui permet de faire en sorte que chaque séance se construise très largement à partir de ce que les élèvent apportent. On part de leur savoir, de leur savoir-être, de leur savoir-faire. Pour capter leur attention, on cherche aussi à surprendre les élèves, à innover et à nous adapter à leurs préoccupations, à leurs usages, notamment avec l’explosion chez les jeunes des réseaux sociaux. »
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