Plan national maladies rares 2025-2030 : de l’ambition mais du flou aussi

En France, près de 3 millions de personnes, soit 5 % de la population, vivent avec une maladie rare. Avec plus de 7 000 pathologies identifiées, souvent chroniques et invalidantes, le parcours est semé d’obstacles : errance diagnostique, prise en charge fragmentée et recherche thérapeutique limitée. Très attendu, le 4e Plan National Maladies Rares (PNMR 4) a enfin été dévoilé en février dernier. Si les associations de patients saluent ses ambitions, elles pointent des moyens insuffisants, des objectifs encore flous et l’absence d’une stratégie innovante pour encourager le développement de traitements pour les maladies ultra-rares sans modèle commercial.

Fruit d’une collaboration étroite avec les associations, ce PNMR 4 mobilise 223 millions d’euros par an. L’objectif : réduire les inégalités d’accès aux soins et améliorer la qualité de vie des patients grâce à un effort coordonné entre soignants, chercheurs et acteurs associatifs.

L’errance diagnostique, toujours un fléau

Premier combat : poser un diagnostic plus vite. Un parcours du combattant pour de nombreux patients, dont près de 80 % sont touchés par une maladie d’origine génétique. Un quart d’entre eux attend plus de cinq ans pour savoir enfin ce dont ils souffrent. Les avancées sont notables : grâce au séquençage du génome, le taux d’élucidation est passé de 20 % en 2015 à 50 % aujourd’hui. Mais c’est encore trop peu, rappelle Cécile Foujols-Gaussot, vice-présidente de l’association Alliance Maladies Rares : C’est tellement dur de ne pas savoir de quoi on souffre. L’errance diagnostic doit être éradiquée. C’était déjà un des objectifs du PNMR 3, des progrès ont été faits, mais pour les patients il faut que ça aille encore plus vite ».

Pour y parvenir, le PNMR 4 mise sur le renforcement de l’expertise clinique et génétique, et sur des outils technologiques de pointe comme le séquençage haut débit. Trois plateformes sont déjà opérationnelles : SeqOIA (Île-de-France), AURAGEN (Auvergne-Rhône-Alpes) et genEPII (Grand Est). L’intelligence artificielle apparaît aussi comme un levier majeur. « Elle représente un espoir considérable pour réduire les délais et améliorer la précision diagnostique des maladies rares », souligne Cécile Foujols-Gaussot. En croisant des milliards de données génomiques, l’IA transforme des données brutes en informations médicales exploitables.

Autre avancée majeure : l’élargissement du dépistage néonatal de 13 à 16 maladies, avec l’introduction d’un test génétique pour l’amyotrophie spinale. « Le dépistage néonatal de trois maladies supplémentaires est un point très positif du PNMR 4. Nous souhaitons que le dépistage néonatal s’étende rapidement à encore plus de maladies, notamment à toutes celles qui sont candidates au dépistage génétique et pour lesquelles il existe des traitements qui, administrés tôt, sont très efficaces », explique Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’association AFM‑Téléthon. Cécile Foujols-Gaussot abonde : « Quand une thérapie est disponible, ce n’est pas entendable qu’un enfant meure d’une maladie parce qu’elle n’a pas été détectée à temps ».

Mais ce combat passe aussi par la formation. Les médecins généralistes ne peuvent connaître les 7 000 maladies rares existantes. Le PNMR 4 prévoit donc des modules dédiés dans les cursus médicaux et des programmes de formation continue, pour développer « la culture du doute » : face à des symptômes inhabituels, envisager la possibilité d’une maladie rare et orienter rapidement vers un centre de référence.

Mieux accompagner les patients

Poser le diagnostic marque souvent l’entrée dans un nouveau labyrinthe. « Si les patients ne sont pas orientés vers le bon centre de compétence ou de référence, ils sont perdus », déplore Cécile Foujols-Gaussot. Centres de compétence, plateformes de coordination, équipes relais, dispositifs d’appui … Les structures existent mais restent complexes à appréhender.

Pour éviter les ruptures dans le parcours, les associations réclament la création de référents de parcours de santé. Leur rôle ? Accompagner les patients à chaque étape, du premier rendez-vous hospitalier jusqu’au suivi à domicile. « À terme, ce nouveau métier permettrait à notre système de santé d’améliorer les parcours de santé des personnes malades, mais aussi de faire des économies », insiste Laurence Tiennot-Herment.

Autre enjeu majeur : les inégalités territoriales. Certaines pathologies rares affectent plusieurs organes et nécessitent la mobilisation de plusieurs filières spécialisées — parmi les 23 existantes, comme OSCAR (maladies rares osseuses), TÊTECOU (maladies rares de la tête et du cou) ou FIMATHO (malformations abdomino-thoraciques). Le PNMR 4 augmente de 30 % le budget consacré aux centres de référence et de compétences. Cela permettra de financer les nouveaux centres labellisés à la fin du PNMR3. « Cela pérennisera les centres existants et assurera un maillage territorial plus équitable. Il ne sera plus nécessaire de traverser toute la France pour être soigné », se réjouit Cécile Foujols‑Gaussot. Mais attention au risque d’éparpillement, met en garde Laurence Tiennot-Herment : « On ne développe pas la même compétence si on voit trois malades concernés par une maladie rare ou si on en voit 50. Or, les patients viennent chercher dans les centres une vraie expertise ».

Pour harmoniser les pratiques, le plan prévoit également de renforcer la diffusion des Protocoles Nationaux de Diagnostic et de Soins (PNDS). Ces documents, élaborés par les centres de référence, définissent les bonnes pratiques, les calendriers de suivi et les options thérapeutiques pour chaque pathologie. Un outil clé pour éviter les ruptures et garantir un suivi cohérent. Aujourd’hui, la France ne compte que 400 PNDS pour 7 000 maladies rares. « Élaborer ou actualiser un PNDS nécessite de trouver un médecin qui connaît très bien la pathologie et de lui dégager du temps pour le faire. Le 4e plan prévoit 2,7 millions d’euros dédiés aux PNDS. J’espère que ce budget permettra d’en développer beaucoup » précise Cécile Foujols‑Gaussot.

Maladies ultra-rares : l’appel de l’AFM-Téléthon pour un fonds dédié

Parmi les 7 000 maladies rares recensées, 85 % touchent moins d’une personne sur un million et 95 % n’ont aucun traitement spécifique. Le PNMR 4 encourage la mise en réseau des chercheurs et des cliniciens pour favoriser les collaborations, soutient les biobanques et les bases de données afin d’améliorer la collecte de données cliniques et génétiques et optimiser les essais cliniques. « L’importance de soutenir les réseaux européens de référence maladies rares (ERNs) et le besoin d’interconnexion des bases de données pour faciliter la recherche et l’accès des patients aux traitements innovants.  ont bien été identifiés dans le cadre du plan. L’interconnexion est essentielle pour identifier les patients, standardiser les critères pour les inclure dans des cohortes et suivre ensuite les données cliniques après la prise de traitements », développe Laurence Tiennot-Herment.

Le PNMR 4 prévoit également le financement de projets de recherche innovants dans les domaines de la génétique et des thérapies géniques, sans détailler toutefois les montants alloués. « En matière de médicaments, il y a trois piliers : la recherche, le développement et l’industrialisation. En France, nous sommes très bons en matière de recherche mais il y a un trou dans la raquette au niveau du développement de médicaments. C’est la phase qui coûte le plus cher et notre écosystème français ne permet pas de donner toutes ses chances à un candidat médicament », rappelle Laurence Tiennot-Herment.

Après plusieurs années d’investissement, les laboratoires se recentrent aujourd’hui sur les pathologies les plus rentables, abandonnant les plus rares et les plus complexes. Pourtant, les thérapies innovantes, déjà efficaces pour certaines maladies rares, pourraient bénéficier à d’autres, voire à des maladies plus fréquentes. Face à ce désengagement, l’AFM-Téléthon en appelle aux pouvoirs publics. La France, pionnière dans ce domaine, doit créer un mécanisme financier pour soutenir le développement de traitements sans modèle commercial viable. Car pour des milliers de patients, il n’existe aucune alternative.

L’association propose la création de Fiturare, un dispositif public d’intervention et d’innovation pour les maladies ultra rares sans modèle commecial. Ce dispositif financerait des projets ciblés sur des besoins thérapeutiques précis, avec une évaluation rapide de leur potentiel et de leur faisabilité. Selon Laurence Tiennot-Herment, « son financement pérenne pourrait reposer sur l’Assurance maladie — puisque l’enjeu est bien de soigner des malades — ainsi que sur une contribution de l’industrie pharmaceutique, afin de pallier les défaillances du marché ».

Traduire les promesses en actions

Des intentions aux actes : les modalités opérationnelles sont encore attendues et la coordination entre les ministères de la Santé, de la Recherche et de l’Éducation devra s’intensifier pour garantir une mise en œuvre efficace. Le déploiement des moyens financiers et humains devra suivre, tout comme la définition d’indicateurs clairs pour mesurer les avancées et ajuster les dispositifs.

« A charge pour nous, associations de malades, de continuer à mettre la pression pour que les ambitions de ce plan, pour lesquelles il n’y a pas toujours de budget identifié, se traduisent en actions », prévient Laurence Tiennot-Herment. Même son de cloche à l’association Alliance Maladies Rares. « Le PNMR 2025/2030 doit le plus vite possible se traduire en dispositifs opérationnels afin de pouvoir être financé par les prochaines lois de finances, relève Cécile Foujols‑Gaussot. Cinq ans ça passe très vite. »

Les maladies rares en quelques chiffres

  • 7 000 maladies rares
  • 300 millions de personnes malades dans le monde, 30 millions en Europe, 3 millions en France
  • 25 % des personnes atteintes attendent au moins 5 ans pour un diagnostic
  • 70 % des personnes malades diagnostiquées sont des enfants
  • 84 % des maladies rares affectent moins d’une personne sur 1 million
  • 94 % des maladies rares sont sans traitement curatif

Liens utiles

Plateforme maladie rare : outil central pour l’information, l’orientation et le soutien des patients, des familles et des professionnels de santé concernés par les maladies rares. Il regroupe en un seul espace les ressources essentielles pour faciliter l’accès au diagnostic, aux soins et à la recherche.

Orphanet : portail d’information de référence dédié aux maladies rares et aux médicaments orphelins. Il offre une base de données exhaustive comprenant une classification des maladies rares, des descriptions cliniques détaillées, ainsi que des informations sur les centres d’expertise, les laboratoires réalisant des tests diagnostiques et les associations de patients.

RDK : application mobile conçue pour aider les professionnels de santé à identifier les maladies rares. Il donne accès à des connaissances actualisées sur ces pathologies et oriente vers les établissements de santé experts.

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