66 Millions d’Impatients en visite à Généthon !

À Évry, en région parisienne, ils sont 180 collaborateurs, chercheurs, pharmaciens, médecins, ingénieurs et techniciens à travailler dans les 6000m2 des laboratoires de Recherche & Développement de Généthon. Financé pour 44% par l’AFM-Téléthon grâce aux recettes des animations organisées lors du Téléthon, Généthon a pour mission la mise au point des traitements pour soigner les maladies génétiques rares et les résultats des recherches à Généthon profitent également souvent aux maladies plus courantes.

Alors qu’à son lancement en 1990, Généthon manquait de soutien, même au sein de la communauté scientifique, concernant ses recherches en génétique, puis plus tard en thérapie génique, le centre est aujourd’hui une référence dans le monde entier.

Treize projets de thérapie génique sont actuellement en phase d’essai clinique ou pré-clinique et 66 Millions d’Impatients a eu la chance de pénétrer dans les laboratoires et d’échanger sur ces sujets avec les équipes de Généthon.

Missions et actualités à Généthon, par Serge BRAUN, directeur scientifique de l’AFM-Téléthon 

Généthon a été créé en 1990 et à l’époque on connaissait très peu de gènes. Il fallait 10 ans pour identifier un gène et peu de gens s’y intéressaient. En 1992, Généthon publiait pourtant les premières cartes du génome humain : c’était une première mondiale.

Après que de nombreux gènes ont été identifiés, il n’était plus dans les missions de Généthon de travailler sur les gènes puisqu’étant une création de l’association de malades l’AFM-Téléthon, son objectif est de trouver des traitements. À partir de 1995/96, la mission de Généthon a donc changé pour s’orienter vers la thérapie génique. Il a alors fallu mettre au point des médicaments intégrant des transporteurs de gènes, que l’on appelle les « vecteurs ». Cela n’était pas propre à Généthon, partout dans le monde, des chercheurs travaillaient sur les vecteurs. Les premières démonstrations de l’efficacité de la thérapie génique se sont révélées dans la maladie des « bébés bulles ». Une collaboration entre Généthon et le Téléthon italien a permis de développer un médicament dont les premiers essais cliniques ont eu lieu au début des années 2000. Il a ensuite fallu de nombreuses années pour développer des vecteurs de gènes à un niveau d’efficacité et de sécurité suffisant pour qu’enfin, le médicament arrive sur le marché en 2016. En parallèle, Généthon a continué à développer la même technologie pour d’autres immunodéficiences et des avancées ont également été obtenues en ophtalmologie.

Généthon est organisé comme une société de biotechnologie à but non lucratif, avec des équipes de recherche, des équipes de développement clinique réglementaire et diverses plateformes, où nous faisons notamment du développement de procédés de production. Un transfert de ces recherches est ensuite dirigé vers une société indépendante, qui s’appelle « Yposkesi », qui est à but lucratif, mais doit garantir notre indépendance en approvisionnement en lots cliniques, et est détenue en partie par Généthon, l’AFM-Téléthon et BPI-France.

Les thérapies développées à Généthon sont poursuivies en propre ou sont reprises par d’autres, jusqu’à « la mise sur le marché », c’est-à-dire l’enregistrement par les autorités de santé. Après avoir obtenu les premiers succès dans les maladies du sang ou du système immunitaire où les cellules des malades sont corrigées génétiquement avant d’être réinjectées aux malades, nous nous permettons maintenant des applications pour des maladies de différents organes, dont les muscles, où le vecteur (un dérivé de virus appelé AAV) est injecté directement dans le sang.

Nous travaillons actuellement à Généthon sur 13 programmes dont 8 sont en phase d’essai clinique. Cela correspond presque à un portefeuille d’industrie pharmaceutique classique. Un certain nombre sont développés en partenariat avec des sociétés pharmaceutiques ou de biotechnologie, notamment américaines et françaises.

Cependant, deux enjeux principaux se présentent à nous actuellement. Il faudrait, d’une part, éviter que les fruits de nos recherches ne partent à l’étranger et il faut d’autre part désormais développer la production à grande échelle de ces produits car il s’agit de procédés de fabrication dont les rendements doivent encore être améliorés. À ce jour, Yposkesi produit les traitements pour les essais cliniques, mais il est possible, à terme, qu’elle produise et commercialise les médicaments développés à Généthon.

Seul, Généthon ne peut tout pas assumer sur le plan financier et celui des ressources humaines. Nous avons donc tissé des partenariats académiques et industriels et avons bien entendu, plus que jamais, besoin de l’aide des dons du Téléthon. En effet, on parle de très nombreuses maladies, pour lesquelles chaque médicament est très coûteux à développer. L’efficacité des traitements est désormais démontrée et par exemple, pour les « bébés bulles », il s’agit, non pas de traitement à vie, mais de guérison grâce à un traitement unique ! En outre, cette recherche pour les maladies rares telles que les bébés bulles bénéficie d’ores et déjà aux maladies fréquentes, comme certains cancers notamment. Cependant, il y a des maladies très rares qui n’intéresseront jamais les industriels et pour lesquelles la mise au point des traitements ne sera possible que grâce aux dons et au Téléthon.

La banque d’ADN de Généthon, par Safaa SAKER, pharmacienne, biologiste et responsable de la banque d’ADN de Généthon 

C’est au sein de la banque d’ADN et de cellules de Généthon que tout commence. Nous sommes le premier service créé dès la création de Généthon dès 1990. Notre mission, dès le début, était de collecter les prélèvements des familles atteintes de maladies génétiques, d’extraire, de stocker et d’assurer les contrôles de qualité de l’ADN qui est la matière première pour les chercheurs. Bien sûr, tous les prélèvements sont codés de façon anonyme, en conformité avec la  CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés), afin de respecter la vie privée des patients, tout en permettant de suivre la traçabilité et la généalogie des échantillons prélevés. La banque de Généthon est la plus grande banque européenne spécialisée dans les maladies rares avec 467 pathologies.

Parfois, nous prélevons des échantillons de sang sur des personnes malades (ou des donneurs sains) pour des maladies rares pour lesquelles il n’y a malheureusement pas pour l’instant de projet de recherche, dans l’éventualité de futurs travaux.Afin de ne pas manquer d’échantillons sur lesquels il y a une forte demande, nous utilisons une technique qui permet de contourner ce que l’on appelle « la mort programmée des cellules » et de faire en sorte que ces dernières se divisent à l’infini pour les conserver ainsi très longtemps. Cette technique est basée sur un virus de la famille d’herpès, l’Epstein Barr Virus, qui va induire une transformation des lymphocytes du patient et ainsi leur immortalisation.Ainsi, avec un prélèvement nous pouvons extraire des millions de copies d’ADN qui pourront alors être étudiées partout dans le monde par la communauté scientifique. Les tubes des cellules immortalisées sont conservés dans l’azote liquide à -196°C. Ils peuvent ainsi « hiberner » indéfiniment. Lorsque nous avons une demande d’un chercheur, nous avons donc la possibilité de lui envoyer cette « matière première », même plusieurs années après le prélèvement.

À ce jour, nous avons « immortalisé » la majorité des prélèvements des patients qui sont dans notre banque, ce qui constitue une source à l’infini de matières premières pour les chercheurs.
La conservation de ces ampoules de cellules (plus de 320 000) est assurée avec le maximum de sécurité, dont une duplication systématique des lignées sur un autre site. Nous collaborons évidemment avec toutes les équipes de l’INSERM et du CNRS en France mais également avec de nombreux chercheurs à l’étranger. Cela passe par des conventions de collaboration qui respectent la loi bioéthique et les législations en vigueur. La réalisation de toutes nos prestations se fait selon une grille tarifaire.

Notre travail est assez ambivalent car d’un côté, nous avons l’impression de faire des progrès à notre niveau et d’avancer rapidement, puisqu’auparavant il fallait 10 ans et des prélèvements issus de plusieurs familles atteintes par une même maladie rare pour identifier un gène, alors qu’aujourd’hui nous parvenons à le faire en 2 ou 3 mois grâce à une seul patient. En outre les coûts ont énormément baissé et vont continuer à diminuer. D’un autre côté, pour les malades, la mise au point des traitements est très longue. Même si l’on peut se réjouir d’avoir 467 pathologies dans notre banque, et que grâce à la banque de Généthon et au Téléthon plus de 140 Gènes ont été localisés et/ou identifiés, il ne faut pas perdre de vue qu’il y a entre 5000 et 7000 maladies rares. Le chemin est donc encore très long.

Le pôle de technologie des bio-productions, par Magali TOUEILLE, responsable développement des bioprocédés-purification 

À Généthon, les équipes de recherche travaillent sur l’identification des causes des maladies génétiques et sur les vecteurs grâce auxquels on pourra suppléer les gènes défaillants. Pour produire ces vecteurs, les chercheurs utilisent des cellules humaines dans lesquelles ils ajoutent de l’ADN qui va contenir la « recette » de fabrication des vecteurs-médicaments. Pour faire les preuves de concept de leurs vecteurs, les équipes de recherche travaillent sur des cellules de malades puis sur des petites souris et ont donc besoin de très petites productions de vecteurs.Notre activité au pôle de technologie des bio-productions se situe après cette phase de recherche. Nous travaillons à développer et à optimiser les procédés de production à plus grande échelle afin d’injecter le vecteur chez de grands animaux ou chez les humains pour les essais cliniques. Ici on ne fabrique pas les médicaments mais nous déterminons tout le procédé qui sera transféré à Yposkesi, qui produit les vecteurs de grade pharmaceutique. La phase de développement et d’optimisation des procédés sur laquelle nous travaillons dure au minimum 6 mois, jusqu’à une année, voire plus si l’on rencontre des difficultés lors des montées en échelle progressives.
Actuellement, nous continuons d’améliorer les rendements de production des thérapies géniques « in vivo » et sur la production de vecteurs dits « AAV » (virus adéno-associés). Il nous faut perpétuellement nous adapter en fonction des projets de recherche et travailler souvent en collaboration avec des chercheurs et des fournisseurs pour mettre au point des outils et des machines qui vont contribuer aux innovations.

Dans notre unité, il y a 3 équipes distinctes. L’une s’occupe de la culture cellulaire pour permettre aux cellules de produire les vecteurs. Une autre équipe est en charge de la purification, puisqu’il faut réussir à isoler les vecteurs des cellules et les débarrasser de tout contaminant. Enfin, il y a une équipe qui travaille sur tous les contrôles qualité pour s’assurer que le produit répond bien à toutes les spécifications attendues.

Auparavant, les cellules productrices étaient cultivées en mode adhérent, dans des boites de cultures contenant des plateaux superposés permettant d’augmenter la surface d’adhérence, et donc la quantité de culture réalisable. C’est une technique toujours utilisée mais qui est assez limitante en termes de volume. Aujourd’hui le procédé de mise en culture change. Des chercheurs ont eu l’idée de passer d’une production en 2 dimensions (sur les plateaux), à une production en 3 dimensions, grâce à des bioréacteurs qui permettent d’agiter les cellules à l’aide d’une hélice. Les bioréacteurs réduisent aussi beaucoup le nombre de manipulations par les opérateurs par rapport à la culture sur des plateaux et diminuent donc le risque de contamination.

Des années ont été nécessaires pour passer petit à petit de productions de 2 litres à des bioréacteurs qui contiennent 10 litres, puis 50 et 200 litres de culture. On teste l’augmentation des quantités petit à petit, car bien sûr, moins on a de produits, moins les essais sont coûteux. À chaque étape de montée en échelle, il y a des obstacles biologiques et techniques à franchir qui représentent de véritables challenges.
Concrètement, cette phase consiste à faire pousser les « cellules usines » qui sont utilisées pour produire les AAV. Lorsqu’un volume suffisant de cellules est obtenu dans les bioréacteurs, on leur ajoute une série de gènes qui sont nécessaires à la multiplication et l’assemblage des particules d’AAV dans les cellules. À l’issue de cette étape, on obtient donc 200 litres qui vont contenir un milieu de culture, c’est à dire le milieu nutritif grâce auxquels les cellules poussent, les cellules elles-mêmes et enfin les vecteurs AAV. Or nous avons uniquement besoin des AAV, donc il faudra purifier le produit obtenu. Pour cela nous utilisons différentes techniques comme le recours à des billes microscopiques, que l’on appelle des résines de chromatographie, recouvertes de molécules spécifiques qui fixent uniquement les vecteurs AAV, comme l’association d’une clé avec la serrure correspondante. Cette étape permet de concentrer le vecteur. Ainsi, de 200 litres, on passe à 1 litre, voire 1,5 litre de produits concentré et purifié. Il y aura encore, par la suite, des phases de concentration des AAV pour finalement obtenir l’équivalent d’une canette de soda d’AAV pur et utilisable pour une injection humaine. La totalité du procédé sur un bioréacteur de 200 litres prend environ 3 semaines. Par la suite, les contrôles qualité peuvent prendre plus de 6 mois. Cette préparation à partir des 200 litres initiaux permettra de traiter un nombre variable de malades en fonction des pathologies. Si on s’adresse à un petit organe comme l’œil par exemple, on a de quoi traiter 12 à 15 patients. En revanche, s’il s’agit de maladies neuromusculaires, qui touchent donc l’ensemble du corps du patient, il arrive que le contenu entier d’un bioréacteur de 200 litres soit nécessaire pour soigner une seule personne uniquement. C’est pourquoi nous consacrons de gros efforts d’optimisation des rendements de production et de purification pour répondre aux besoins pour tous les malades, ce qui au passage permettra aussi de réduire les coûts de production et donc du médicament.

Crédit photo : ©C.Hargoues

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