Chercheurs et patients parlent troubles auditifs

Lorsque l’on est malade et encore davantage lorsque l’on est malade chronique, on garde forcément un œil sur les progrès de la médecine en espérant qu’ils pourront soulager notre quotidien.

La plupart du temps, ce sont les médecins ou les associations de patients qui font le lien entre les patients et les chercheurs pour nous parler des avancées en cours, mais l’INSERM via sa « Mission Associations Recherche Société » organise désormais plusieurs fois par an des rencontres, un peu partout en France, durant lesquelles les chercheurs accueillent les malades, voire ouvrent les portes de leurs laboratoires. Des sessions de quelques jours, organisées avec l’aide des associations de malades, sont programmées autour d’un thème précis comme dernièrement le diabète ou la transplantation d’organes et les greffes.

Les dernières rencontres organisées par l’INSERM ont eu lieu en novembre et ont concerné les troubles auditifs. Ainsi, durant une petite semaine en novembre dernier, les patients et leurs proches ont pu se rendre dans différents centres de recherche, facultés de médecine et CHU à Lille, Paris, Tours, Lyon, Clermont-Ferrand, Marseille et Montpellier.

A cette occasion, 66 Millions d’IMpatients s’est rendu à la Faculté de Médecine Bichat à Paris, où plusieurs ateliers se succédaient durant l’après-midi pour nous parler de la réhabilitation de l’audition et de la prise en charge des surdités, et pour nous faire visiter les laboratoires où chirurgiens et chercheurs inventent les robots de chirurgie mini-invasive et s’entrainent pour les interventions !

Retour sur les bancs de l’école

Une quarantaine de patients, parfois accompagnés de proches sont réunis dans une salle de conférence de la faculté de médecine où Evelyne Ferrary, directrice adjointe de l’« Unité mixte de recherche de réhabilitation chirurgicale mini-invasive et robotisée de l’audition » nous reçoit et nous présente le laboratoire. Elle poursuit cet accueil avec un exposé sur les causes et les solutions de réhabilitation des surdités, puis nous donne le programme de l’après-midi et nous répartit par petits groupes pour participer à différents ateliers animés par des chercheurs, des chirurgiens, des orthophonistes, etc.

Le docteur Ghizlene Lahlou nous parle alors plus spécifiquement des surdités d’origine génétique et nous explique comment elles peuvent se transmettre d’une génération à une autre. Elle nous présente même des cas cliniques pour nous rendre cet exposé plus concret.

Puis c’est au tour du docteur Elisabeth Mamelle de tout nous dire sur le déroulement d’une intervention chirurgicale lors de la pose d’un implant cochléaire. Ce type d’implant « est un dispositif qui transforme les informations auditives acoustiques en signal électrique délivré directement au nerf auditif. Il s’adresse essentiellement à des surdités sévères à profondes, bilatérales notamment chez les adultes devenus sourds et chez les enfants sourds congénitaux. » (source cochlea.eu). Une partie de cet implant est mise en place chirurgicalement dans la cochlée et on ne peut qu’être impressionnés lorsque le docteur Mamelle nous montre, schémas et photos à l’appui, comme cette opération est précise et délicate.

Bien entendu, dans la prise en charge des surdités, le rôle des orthophonistes pour la rééducation de l’audition a une place importante. C’est alors Stéphanie Borel qui nous parle de son travail, de l’importance de ne pas laisser des patients souffrant de surdité dans un trop grand isolement, de mettre en place des stratégies de communication, de donner des informations à leur entourage, etc…

QUESTIONS AU DOCTEUR EVELYNE FERRARY, DRECTRICE ADJOINTE DU LABORATOIRE

Depuis combien de temps préparez-vous cette journée de rencontres ?

Il faut s’y prendre effectivement suffisamment à l’avance pour mobiliser l’équipe, organiser le planning et demander à chacun de préparer un exposé.

Mobiliser l’équipe n’est pas forcément évident : c’est du temps que nous ne passons pas à consulter, opérer ou faire des travaux de recherches, mais ces journées sont importantes et il fallait que nous y participions. Je pense qu’il est essentiel de pouvoir communiquer avec nos patients.

Les patients réunis aujourd’hui dans ce contexte ont-ils posé des questions qu’ils n’osent pas vous poser lorsqu’ils sont hospitalisés ou en consultation ?

C’est vrai que l’on n’est plus du tout dans la même position ici en tant que médecins. C’est un peu déstabilisant. La relation change : si les patients qui viennent à ces rencontres posent finalement sensiblement les mêmes questions qu’en consultation, ici nous ne sommes pas leur médecin, celui qui va les opérer. On n’a pas de blouse, on n’est pas dans un bureau, on oublie un peu notre casquette de chirurgien même si, bien entendu, on transmet nos connaissances. On est un peu comme des enseignants en faculté de médecine. Répondre ici aux questions n’est pas assorti d’une pression par rapport à un résultat attendu par notre patient.

Visite du laboratoire

Enfin, nous pénétrons dans les coulisses de la chirurgie de l’implant cochléaire. Dans le laboratoire nous attendent le docteur Yann Nguyen, chirurgien, et Renato Torres, chercheur qui travaille sur un robot permettant au chirurgien de placer avec encore plus de précision la minuscule partie de l’implant à installer dans l’oreille.

Nous voyons de près le fameux implant et on observe tour à tour une cochlée au microscope. Mais bien loin de rester de simples observateurs, le chirurgien nous fait essayer un outil de simulation utilisé par les jeunes chirurgiens pour s’exercer à pratiquer un fraisage de l’os temporal. Cela ressemble à une sorte de joystick relié à un écran d’ordinateur et l’on sent sous ses doigts comme un véritable « contact ». L’outil est vraiment stupéfiant et développé grâce à des collaborations avec l’aviation, très en avance sur ce type de simulateur !

Puis le docteur Nguyen nous prête des lunettes 3D et nous projette une intervention chirurgicale en 3 dimensions. Encore un outil pédagogique pour les jeunes chirurgiens qui nous fait prendre conscience des difficultés de cette chirurgie si délicate.

C’est au tour de Renato Torres de nous présenter son « bébé », un robot d’assistance à la micro-chirurgie dont l’un des principaux objectifs est d’améliorer la gestuelle chirurgicale dans une procédure où il est très important de réduire les mouvements involontaires de la main du chirurgien, étant donné la minutie qu’exige ce type d’opération.

A la fin de la visite du laboratoire, une participante qui a justement un implant cochléaire est émue et dit à nos hôtes « C’est fantastique de voir cela ! C’est très touchant de voir comment vous travaillez pour nous soigner et on n’imagine pas tout ce travail en coulisses ».

Outil de simulation de fraisage de l’os temporal     Prototype d’un robot d’assistance à la microchirurgie de l'oreille

 

 

 

 

LES AVIS DES PARTICIPANTS

Jean-François : « J’ai entendu parler de ces rencontres par l’association dont je suis membre. Je sais désormais que ma surdité est congénitale et d’ailleurs une enquête génétique dans ma famille est en cours. De fait, je ressens le besoin de m’informer non seulement pour moi, mais également pour mes enfants et petits-enfants. C’était très intéressant aujourd’hui car on nous a ouvert des portes auxquelles on n’a jamais accès. Je ne me rendais pas compte de ce qu’était une chirurgie d’implant cochléaire. A l’hôpital, on a parfois du mal à croiser le chirurgien, même pour le remercier. De telles rencontres, notamment avec des chercheurs, ce n’est pas commun, d’autant moins lorsqu’on est handicapé. J’ai posé des questions que je n’aurais pas forcément posées en consultation. Je suis heureux de pouvoir participer à de telles rencontres malgré ma surdité. Je suis sourd complet, avec des implants et j’ai pu tout suivre : merci aux docteurs, merci à la technique et merci d’avoir réuni tout le monde ! Je reviendrais avec plaisir à ce genre de rencontres. »

Philippe : « Je fais partie d’une association, donc je vais souvent à des réunions, des conférences. Je trouve que cette journée présentait un excellent niveau de vulgarisation. J’ai découvert des choses même si je m’attendais davantage à un échange entre chercheurs et patients qu’à des exposés. C’était assez professoral finalement et j’aurais aimé peut-être que les chercheurs nous écoutent et entendent nos besoins en tant que patients. »

Diane : « J’ai été implantée en 2015 à droite et 2017 à gauche et j’ai entendu parlé de ces rencontres par l’association dont je suis membre. Aujourd’hui tout m’a intéressée en tant que patiente. Il y a en général peu de place pour la pédagogie dans notre parcours de malade. Les médecins et les orthophonistes manquent de temps. Le patient est souvent dans le flou et lorsque l’on cherche nous-mêmes des informations, c’est très complexe. Ces rencontres où le visuel est à l’honneur, où tout est sous-titré, c’est le paradis des gens qui entendent mal ! J’ai appris des choses aujourd’hui, notamment sur la surdité congénitale. Je n’emmagasine pas tout d’un coup mais je sais qu’une fois à la maison, je vais pouvoir me replonger sur les différents sujets avec plus de facilités. Mon mari m’accompagne et c’est agréable pour nous deux car cela nous permet d’avoir un échange plus nourri sur ma maladie. »

La prochaine édition des rencontres chercheurs-patients de l’INSERM aura lieu du 18 au 22 juin 2018 sur la thématique « Maladies allergiques et inflammatoires pulmonaires ».

1 commentaires

  • J'ai beaucoup aimé cette rencontre et ressenti une reconnaissance infinie envers les chercheurs qui sont visiblement passionnés par l'audition et tout ce qui pourrait l'améliorer. Le seul petit problème est que les conférences n'étaient pas accessibles sur le plan auditif; il aurait fallu installer des BIM portatives dans les salles. Nous avions beau nous concentrer , il manquait toujours un mot pour comprendre toute la phrase. On nous a remis une documentation très complète que nous ne pouvions pas lire en même temps que d'écouter les intervenants : nous avons complété en lisant cette documentation après la réunion.Heureusement, on s'est divisés en petits groupes et la proximité a facilité les échanges. Globalement, c'était formidable! 

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