On le sait, avec l’âge augmente le risque d’être confronté à différents problèmes de santé et donc de se retrouver face à des ordonnances très longues nous rendant susceptibles de consommer beaucoup de médicaments différents. C’est ce que l’on appelle la « polymédication ».
Une étude a été menée, par le magazine 60 millions de consommateurs, la société Santéclair et France Assos Santé, durant 3 mois auprès de 450 000 personnes de plus de 65 ans ayant fait l’objet de dispensation de médicaments dans près de 2 700 pharmacies réparties dans la France entière. Parmi celles-ci, elles sont 155 000 à se voir prescrire au moins 7 médicaments différents en continu sur la durée de l’étude. En moyenne, elles prennent plus de 14 médicaments et l’un des patients avait même jusqu’à 58 médicaments différents. Ce chiffre est à mettre en regard du nombre de médecins prescripteurs qui s’élèvent en moyenne à 2,6. Ainsi pour 84% des patients, le médecin traitant n’est pas l’unique prescripteur, ce qui peut entraîner bien entendu des dysfonctionnements dans la coordination des soins et l’adaptation des traitements médicamenteux.
Si les traitements prescrits sont souvent indispensables, l’analyse des ordonnances montre que 9 patients sur 10 sont confrontés du fait des prescriptions longues à des situations à risque pour plusieurs raisons :
- parce que ces médicaments sont directement impliqués dans la survenue d’accidents graves, qui peuvent notamment entrainer des chutes, des accidents hémorragiques, etc. ;
- parce qu’il y a un risque d’interaction entre les différents médicaments consommés ;
- parce que les essais sur les médicaments sont menés sur des sujets en bonne santé et que l’on évalue donc mal leurs effets réels sur les personnes âgées qui sont souvent plus sensibles ;
- parce qu’il peut y avoir un défaut d’observance : le malade se lassant de prendre un traitement si lourd peut l’arrêter brusquement, partiellement ou non, au risque de ne pas prendre un médicament essentiel à son traitement.
Ces situations à risque dit « iatrogène », aggravées par la polymédication, entraînent un nombre important d’accidents estimé par l’Assurance maladie à* :
- 130 000 hospitalisations par an,
- 7500 décès annuels.
*Données citées dans le Rapport Charges et produits pour l’année 2018 de l’Assurance maladie
« UNE ORDONNANCE, ÇA NE SE RENOUVELLE PAS, ÇA SE RÉVISE »…
… Pour s’en assurer, il est bon de se poser régulièrement avec son médecin, en fonction de l’évolution de son état de santé, les questions :
- Pourquoi chaque médicament a été prescrit et leur indication est-elle toujours d’actualité ?
- Lorsque le médicament est toujours pertinent, a-t-il la meilleure balance bénéfice/risque dans sa catégorie pour le patient ?
- Y a-t-il une alternative et pourquoi pas une alternative non-médicamenteuse à ce médicament ?
- Est-ce que le médicament est correctement dosé (pour le savoir, il faut vérifier que le poids du patient n’a pas changé tout comme l’état de sa fonction rénale) ?
Interview de Monsieur Bernard, 83 ans, patient polymédiqué
Suite à une opération de chirurgie cardiaque l’été dernier, et à une autre intervention pour la prostate il y a une quinzaine d’années, Monsieur Bernard a vu ses ordonnances se rallonger peu à peu. Désormais il prend :
- 1 médicament pour l’insuffisance cardiaque ;
- Un autre pour l’hypertension ;
- De l’aspirine pour fluidifier le sang ;
- 1 médicament pour lutter contre le cholestérol ;
- 1 médicament complémentaire pour protéger l’estomac ;
- 1 laxatif à faible dose ;
- 1 complément alimentaire pour les articulations ;
- et occasionnellement des médicaments pour l’aider à dormir.
66 Millions d’IMpatients : Savez-vous à quoi sert chacun des médicaments que vous prenez ?
Monsieur Bernard : À vrai dire, je ne sais pas précisément quelle est la fonction de chaque médicament, surtout les bêtabloquants. Il faudrait analyser tout cela dans le détail mais les notices sont très longues et difficiles à lire. J’ai bien vu cependant que la liste des effets indésirables est très longue…
Trouvez-vous que ce traitement soit lourd ? Êtes-vous parfois découragé ?
Pas vraiment car c’est assez simple. Je prends mon traitement le matin à jeun et le soir avant le dîner. Parfois un cachet pour m’endormir avant de me coucher. Je n’ai rien à midi, ce qui me semble être un avantage. C’est ma femme qui, le plus souvent, me prépare tout. Si je devais le faire moi-même, cela ne me semblerait pas si compliqué, encore que pour l’un des médicaments, c’est tout un art ! Il faut en prendre un quart seulement et le couper n’est pas si évident. On en perd parfois un morceau.
J’ai finalement de la chance, d’abord parce que jusque-là j’ai pris peu de médicaments tout au long de ma vie, et aussi car ma liste de médicaments est finalement très courte comparée à celle de mon beau-frère ! Il y a quelques mois, il a été hospitalisé, et face à sa très longue ordonnance, les médecins ont choisi de tout arrêter, en prenant évidemment des précautions, et de faire des analyses en dehors de tout traitement pour tout mettre à plat. Sa femme est assez affolée par ses ordonnances et je pense qu’à sa place, je le serai également.
Combien de médecins voyez-vous régulièrement ? Trouvez-vous qu’il y a une bonne coordination entre eux ?
Je vois mon médecin traitant, un cardiologue, un urologue et un rhumatologue.
J’ai changé de cardiologue à un moment donné et la coordination s’est très bien passée. Le second cardiologue a pris le temps de me demander comment je réagissais au traitement et l’a légèrement modifié car il me convenait relativement bien. J’ai simplement pris l’un des médicaments le soir au lieu du matin car il me fatiguait durant la journée.
Un autre exemple de coordination qui m’a semblé efficace fut lors d’une récente opération pour une hernie, pour laquelle il a fallu que je prenne des calmants. Ceux qui m’avaient été indiqués en première intention contenaient trop de sel et le rhumatologue a immédiatement modifié le traitement.
Oseriez-vous demander à votre médecin de retirer un médicament qui ne vous semblerait pas essentiel ?
Je crois que c’est au cardiologue d’en juger. Il me fait contrôler assez souvent ma tension, mon rythme cardiaque et je fais des analyses de sang tous les deux mois, donc je pense qu’il sait bien ce qui me convient.
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