L'art-thérapie moderne, qu'est-ce que c'est ?

Et si on testait l’art-thérapie « moderne » ?

L’art-thérapie s’invite de plus en plus dans nos parcours de soins. On prescrit aujourd’hui aux patients une activité artistique au même titre qu’on leur prescrirait une activité sportive. Depuis une dizaine d’années, il se répand à l’hôpital, en maison de retraite, et même en milieu carcéral et dans le monde de l’entreprise !

Il existe en réalité deux grands courants en art-thérapie, l’approche dite « traditionnelle » et l’approche dite « moderne ». 66 Millions d’IMpatients était curieux de mieux comprendre cette dernière méthode, enseignée en faculté de médecine.

Art-thérapie moderne ou traditionnelle ?

Alors que l’art-thérapie traditionnelle est une spécialité de la psychothérapie et est enseignée en faculté de psychologie, l’art-thérapie moderne est quant à elle enseignée à la faculté de médecine à Grenoble, Tours et Lille et est à ce titre une discipline paramédicale.

Emily Rochard, art-thérapeute diplômée de la faculté de médecine de Tours, en poste dans le service de Soins de Suite et Réadaptation neurologique du Pr Dupont à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, nous explique la différence entre le courant moderne et traditionnel : « L’art-thérapie traditionnelle se base davantage sur une analyse de la production artistique des patients. Elle travaille sur l’interprétation verbale de la production. On parle souvent de mettre des mots sur des maux. Dans l’art-thérapie moderne, on travaille davantage sur l’émotion qui se dégage à travers le processus créatif au sens large. On ne travaille pas particulièrement sur les mécanismes psychologiques, même si nous avons bien sûr des connaissances de base qui nous permettent d’appréhender cet aspect le cas échéant. »

De l’intérêt de connaître cette différence côté patient…

Lorsque l’on parle d’art-thérapie à un patient, saura-t-il faire la distinction entre ces deux courants, et a t-il un intérêt particulier à la comprendre ? Après tout, toute aide n’est-elle pas une aide quel que soit le « courant » d’art-thérapie pratiqué ? Pour Emily Rochard, le principal est de bien expliquer au patient la démarche du thérapeute sans forcément rentrer dans un cours théorique sur la différence entre les deux mouvances. Certains patients sont d’emblée réfractaires à une approche psychologique car ils ont peur de se sentir jugés. L’art-thérapie moderne est alors plus adapté pour ces patients. A l’inverse, ceux qui ont besoin de parler de leurs difficultés ou de leur souffrance vont être davantage attirés par une approche verbale donc traditionnelle de la discipline. En réalité, c’est le médecin prescripteur qui saura évaluer les besoins de son patient et le dirigera vers un thérapeute qui saura l’accompagner.

Les indications de l’art-thérapie moderne

Discipline paramédicale, l'art-thérapie moderne exploite le pouvoir expressif, les effets relationnels et les gratifications esthétiques de l’Art dans un projet de soin. 
L'activité artistique permet de repérer les capacités et les difficultés du bénéficiaire afin de le guider, à travers un processus dynamique (objectif et stratégie thérapeutiques et outils d'évaluation), vers la restauration de pénalités existentielles :

  • Etre fier(e) de soi pour mieux prendre soin de soi
  • Avoir de l’espoir pour être capable de se projeter positivement
  • Etre à l’écoute de ses ressentis pour éprouver la saveur existentielle

Si l’art-thérapie ne guérit pas, elle donne envie de guérir. Le bien-être interagit ainsi sur la bonne santé . En art-thérapie moderne, le but est avant tout de valoriser les capacités préservées de la personne à travers une pratique artistique et d’induire une dynamique positive qui va aider la personne dans son processus de soin. Chaque thérapeute maîtrise et propose à ses patients un ou plusieurs modes d’expression artistique (arts plastiques, musique, danse, théâtre…), toujours en coordination avec une équipe médicale pluridisciplinaire.

Christel Letessier-Debrune, art-thérapeute et adjointe d’enseignement à l’école d’art-thérapie de Tours (AFRATAPEM), rappelle que la grande indication de l’art-thérapie moderne est la prise en charge des troubles de l’expression de la communication et de la relation.

Les applications sont donc très variées, s’adaptent à tous les âges de la vie, des enfants aux personnes âgées, et concernent souvent :

  • La cancérologie (où l’art-thérapie a été intégré dans les soins de support).
  • La gériatrie, avec une indication privilégiée sur les cas d’Alzheimer ou Parkinson, puisqu’en art-thérapie moderne on n’est pas forcément dans le verbal et que l’on peut restaurer une forme de communication pour ces patients à travers des moyens d’expression artistique.
  • Les troubles du spectre autistique.
  • Les problèmes d’addiction, car on va se servir du plaisir de la pratique artistique pour travailler sur ce que l’on appelle « le circuit de la récompense » qui est justement défaillant chez les personnes addictives.
  • Les enfants qui ont des troubles du comportement, de l’apprentissage ou des troubles déficitaires de l’attention, auprès de qui l’on va se servir de l’activité artistique pour améliorer la communication et la relation.
  • Les souffrances psychiatriques.
  • Etc.

Très peu de contre-indications pour l’art-thérapie…

La principale contre-indication est que le patient ne manifeste aucun intérêt pour l’art. Il n’est pas nécessaire d’avoir déjà pratiqué une activité artistique, ni d’avoir des facilités, mais il faut quand même en avoir envie.

Il faut évidemment également prendre en compte des contre-indications d’ordre physique comme certaines allergies, à la peinture par exemple si l’art-thérapeute propose des arts plastiques. Mais dans de tels cas, le thérapeute peut toujours s’adapter et remplacer la peinture par des collages, par exemple.

Peut-on choisir l’art que l’on va pratiquer ?

Il est évident que selon l’activité proposée, les patients seront plus ou moins réceptifs et auront plus ou moins envie d’assister à des séances d’art-thérapie. Les hommes, par exemple, ont tendance à trouver que la danse est une activité trop féminine et refuseront souvent de la pratiquer. Les arts plastiques quant à eux font souvent écho à la petite enfance… cela peut rappeler de bons comme de mauvais souvenirs.

En fait, l’entrée à la formation d’art-thérapeute nécessite que le candidat pratique déjà une activité artistique (avec un diplôme ou en autodidacte) car il doit pouvoir guider le patient, non pas dans une démarche de performance mais au moins d’évolution, afin qu’il se sente valorisé.

Chaque thérapeute développe des expressions artistiques de prédilection. Le choix du mode d’expression artistique est donc dirigé par l’art-thérapeute mais celui-ci peut toujours s’adapter au cas par cas pour trouver un support d’expression adapté et motivant. Cela dépend également des locaux dont l’art-thérapeute dispose.

Il faut prendre aussi en compte le fait qu’il s’agisse ou pas de séances collectives ou individuelles. La plupart du temps les séances se passent en solo avec le thérapeute, mais pour le théâtre, ce sera souvent des séances collectives qui ont l’avantage de sortir le patient d’un certain isolement. Encore une fois, c’est du cas par cas…

Exemples de cas concrets…

A la Pitié-Salpêtrière, où travaille Emily Rochard en neurologie, deux autres art-thérapeutes sont en fonction en diabétologie et en oncologie. C’est donc une activité de plus en plus intégrée par les équipes médicales.

Concrètement, l’art-thérapie peut aider les malades à travailler sur leurs difficultés de communication, à renouer avec la sphère sociale, surtout lorsqu’il s’agit d’activités pratiquées en groupe comme le théâtre, à améliorer ses fonctions motrices le cas échéant (d’ailleurs il arrive souvent que l’art-thérapeute travaille en coordination avec un ergothérapeute), à se sentir valorisé et à appréhender l’avenir avec un objectif positif par le biais de la production artistique et de l’accompagnement de l’art-thérapeute.

Emily évoque le cas du patient d’un confrère en soins palliatifs qui a probablement prolongé ses jours car il avait la volonté de terminer un tableau qu’il avait commencé. Elle précise : « L’objectif est souvent de relancer un élan existentiel à travers l’art-thérapie. Evidemment l’art ne guérit pas mais cela peut donner envie de se lever le matin, d’aller mieux. Je participe souvent au traitement des dépressions post AVC grâce à l’art-thérapie. En diabétologie, ma collègue utilise l’art-thérapie pour stimuler l’élan motivationnel afin d’aider les patients à bien suivre leurs traitements. Cependant l’objectif est parfois tout simplement de changer les idées à des patients, par exemple pour ceux qui sont en longs séjours à l’hôpital ou en établissement de soins. ».

Combien faut-il de séances, combien cela coûte-t-il ?

Au service de soins de suite et réadaptation neurologique où elle travaille, Emily Rochard obtient des résultats encourageants en une petite dizaine de séances. Elle a vu notamment l’une de ses patientes, présentant des idées suicidaires, repartir après quelques semaines d’hospitalisation et 8 séances d’art-thérapie avec un meilleur moral et l’envie de se soigner. La plupart du temps, les séances d’art-thérapie sont intégrées dans les soins et pris en charge par l’hôpital ou en établissement de soins comme les EHPAD. Il arrive cependant que des établissements privés les proposent comme une option avec supplément à la charge des patients.

Il y a également des arts-thérapeutes qui pratiquent en cabinet privé, notamment pour tous les cas de prise en charge des enfants pour les différents troubles de l’apprentissage ou de l’attention. Cela va souvent en complément de séances d’orthophoniste par exemple. Dans de tels cas, en moyenne, les séances coûtent une cinquantaine d’euros (souvent plus cher dans les grandes villes). Certaines mutuelles les prennent en charge, mais la plupart du temps les remboursements pour ce type de soins sont plafonnés ;or pour être efficaces, ces traitements doivent être suivis sur plusieurs séances.

Comment trouver un art-thérapeute ?

Nathalie Berthomier, directrice générale de l’AFRATAPEM estime entre 4000 et 5000 le nombre d’art-thérapeutes en France, toutes écoles confondues. La plupart exercent en établissement de soins, mais il est possible, comme nous l’avons vu plus haut, de consulter un art-thérapeute en cabinet privé. L’AFRATAPEM tient à disposition des usagers un annuaire des diplômés de l’école.

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