Médecines alternatives : gare au gourou!

Dans un rapport publié la semaine dernière, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) alerte une nouvelle fois les patients des risques que connaît le champs de la santé quant aux pratiques sectaires ou apparentées. 

« Tout est prétexte pour surfer sur la vulnérabilité et la faiblesse des malades ou de leurs proches. Face à la maladie ou aux aléas de la vie, des mandarins de la souffrance humaine, manipulateurs sans limite et sans scrupule ont fait de la détresse de bon nombre de nos concitoyens leur terrain de chasse ».

La mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a rendu public la semaine dernière son rapport d’activité pour les années 2013 et 2014. Au cours de cette première année, la Miviludes a été saisie de près de 2400 affaires. Le domaine de la santé concentre un gros tiers (39%) des signalements, pointe l’organisme qui note « l’explosion des produits et des méthodes miracles ».

Les dérives sectaires très fréquentes en santé

Médecines alternatives, complémentaires, douces ou encore naturelles, les pratiques non conventionnelles présentées comme étant thérapeutiques connaissent un développement croissant. Les techniques proposées sont très variées et en constant renouvellement. Pour la Miviludes, « la santé est un terrain propice au développement de l’emprise mentale, que l’on soit dans un contexte sectaire classique, du fait du pouvoir que le gourou peut exercer sur la santé de l’adepte, ou que l’on se trouve dans le cadre de pratiques de soins douteuses ». 

Dans les cas les plus graves, le patient est incité à rompre avec son environnement familial et social ou encore son traitement médical. Cerise sur le gâteau, il devra également satisfaire les exigences financières exorbitantes de son « thérapeute ». Le risque est d’autant plus important que la personne qui consulte le soi-disant professionnel de santé est dans une période de fragilité personnelle. 

« L’influence du praticien sur son patient peut en effet être considérable, de par l’espoir qu’entretient la promesse d’une guérison, en particulier pour les malades du cancer, et parce que ces pseudo-thérapies se présentent toujours comme des modes de vie à part entière, de par la relation de pouvoir entre soigné et soignant qui devient quasi exclusive du fait de la rupture avec l’environnement familial, social et professionnel qu’elles induisent ».

Les patients gravement malades, victimes idéales

Près de 30 % des personnes diagnostiquées d’un cancer utilisent au moins une forme de médecine complémentaire et alternative, selon une étude réalisée en 2004-2005 dans l’Est de la France, citée par la Miviludes. Un chiffre probablement en deçà de la réalité, estiment certaines associations de défense des victimes de dérives sectaires tant la progression des pratiques et des produits miracles en matière de santé et de bien-être est importante.

Il y une dizaine d’années, Jacqueline Starck, une femme de nationalité belge est tombée entre les pattes de trois illuminés adeptes de la biologie totale qui l’ont méthodiquement découragée de se tourner vers la médecine traditionnelle alors qu’elle avait manifestement développé une tumeur au sein. Ivre de douleurs, Jacqueline Starck s’est quand même décidée, un an et demi après avoir ressenti sa tumeur, à se rendre en clinique. Trop tard, elle décédera quelques semaines plus tard, en juin 2007. 

« Quand les médecins ont diagnostiqué le cancer, ma mère a compris qu’elle avait été abusée et qu’il était probablement trop tard. Elle s’est effondrée », se souvient sa fille, Nathalie de Reuck qui témoigne du calvaire de sa mère dans un ouvrage publié en 2010

Des exemples de ce genre, l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi) peut en fournir des quantités. Pour cette association dont la mission, on l’aura compris, est d’aider les victimes de pratiques abusives exercées par des organisations sectaires, l’issue n’est pas toujours fatale. Sans aller jusque-là, ces dérives sont susceptibles de générer de lourds préjudices. 

Les manifestations classiques de la dérive sectaire

Autre exemple, celui de Cerise*, une femme aujourd’hui âgée de 36 ans qui est restée pendant six ans sous l’emprise d’une « thérapeute » sans scrupules. Durant cette période, Cerise a coupé les liens avec ses parents et ses amis et a accumulé des milliers d’euros de dettes. Là aussi, le témoignage est poignant. « Tout a commencé alors que j’étais sous traitement antidépresseur et anxiolytique, suite à une rupture amoureuse. De nouveaux « amis » m’ont encouragée à me libérer de ma dépendance aux médicaments et fait part de leur expérience très positive avec une sorte de psy. J’ai pris rendez-vous. » 

Reiki, kinésiologie, sophrologie, reprogrammation ADN ou encore communication avec les esprits, le piège s’est progressivement refermé sur la jeune femme. Au plus fort de sa relation avec son ex-gourou, elle ne pouvait prendre aucune décision sans lui en avoir parlé. Pas question non plus de se confier à d’autres personnes. C’est pourtant grâce au soutien de sa mère que Cerise a ouvert les yeux. « Ce qui devait être une simple thérapie psychologique était devenu un engrenage malsain auquel il était temps de mettre fin ». 

Voilà environ 5 ans qu’elle est libérée de cette emprise. « Les choses vont de mieux en mieux pour moi : j’ai définitivement reconstruit ma vie et tout va bien », indique-t-elle. Isolée du monde extérieur pendant de longues années, il lui a été impossible de nouer des relations amoureuses ou amicales. 

« Les conditions dans lesquelles j’aurais pu par exemple fonder une famille ont été retardées et modifiées du fait de cette « expérience ». Quant à ses relations familiales, elles ont été plus que perturbées. « Sans la médiation de ma mère, je n’aurais aujourd’hui plus aucun contact avec mon père. « Les séquelles psychologiques ont été longues à s’effacer. J’ai dû me réadapter à la vie en société et au monde réel ».

Le bon sens doit rester votre meilleur allié

Ce témoignage comme « les milliers de signalements et d’interrogations reçus au cours des douze dernières années sont la preuve indiscutable de la nécessité d’une vigilance de tous les instants des pouvoirs publics face à la déferlante sectaire en matière de santé », indique la Miviludes. 

Quelle attitude adopter à titre individuel ? Le mieux pour se prémunir des risques que présentent ces charlatans est encore de les voir venir. Rappelons à cet égard que les techniques utilisées par ces pseudo thérapeutes ont en commun de ne pas être validées scientifiquement et de proposer des solutions simplistes à des processus complexes. 

Les promoteurs de ces méthodes de traitement dites « naturelles » prétendent assurer la guérison sans effets secondaires, là où la médecine conventionnelle a échoué. « Il est essentiel également, rappelle la Miviludes, de ne pas perdre de vue que les mouvements sectaires et les pseudo-thérapeutes ont en commun une principale motivation : l’argent et la mise sous emprise pour mieux manipuler la victime ». 

Si le thérapeute est un professionnel de santé et que ses pratiques paraissent douteuses (ce qui arrive malheureusement selon la Miviludes), il ne faut pas hésiter à alerter le conseil de l’ordre compétent. Dans le cas où le traitement est réalisé par un non médecin, le patient peut alors se tourner vers l’Unadfi ou encore la Miviludes. Sur son site, cette dernière fournit les coordonnées de l’ensemble des associations susceptibles de venir en aide aux personnes (victimes directes ou proches) qui se trouveraient confrontées à un charlatan. 

* Le prénom a été changé

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