D’après l’OMS (Organisation mondiale de la Santé), en 2013, dans le monde, le paludisme aurait touché près de 200 millions de personnes et provoqué le décès de plus de 500 000 d’entre eux. Les principales victimes de cette maladie transmises par des moustiques infectés, sont les enfants africains. Cependant, dans une centaine de pays, sur tous les continents, 40% de la population mondiale est exposée aux parasites qui déclenchent le paludisme. Les personnes voyageant dans ces pays n’y échappent pas plus que leurs habitants.
Il existe des traitements préventifs, qui sont malheureusement parfois très chers, plutôt fastidieux à suivre et qui ne vont pas sans effets secondaires… Ces traitements préventifs sont-ils vraiment indispensables ? Faisons le point avec le docteur Didier Ménard, de l’unité d’épidémiologie moléculaire du paludisme, à l’Institut Pasteur, au Cambodge.
66 Millions d’Impatients : Du fait de son prix, de la difficulté à le suivre et des effets secondaires*, le traitement préventif contre le paludisme lorsque l’on part dans des zones à risques n’est pas toujours pris. Faut-il pourtant le suivre à la lettre ?
Dr Ménard : À vrai dire, c’est parfois du cas par cas. En Afrique le risque de transmission est très élevé, donc le traitement préventif est incontournable. Il arrive que des personnes d’origine africaine vivant en France ne prennent pas le traitement lorsqu'elles se rendent en Afrique ou dans des zones à risques, pensant qu’elles sont immunisées. C’est prendre un très grand risque.
Cependant, je suis plus nuancé sur le cas du Cambodge par exemple. Si l’on ne s’aventure pas en forêt, que l’on reste par exemple à Phnom Penh, j’ai tendance à dire que c’est inutile de prendre un traitement préventif, alors que le Cambodge est bien inscrit sur la liste des zones à risques… Mais là encore, je ferai du cas par cas, car si vous avez l’intention de sortir, en tee-shirt sans manche, toutes les nuits à Phnom Penh, je ne peux pas vous assurer que vous ne croiserez absolument aucun moustique infecté. En réalité, la meilleure arme contre le paludisme est d’éviter de se faire piquer par des moustiques, en utilisant des répulsifs et en portant des vêtements couvrants. D’ailleurs il faut savoir que les traitements médicamenteux préventifs ne sont pas efficaces à 100%.
Le mieux est de contacter l’ambassade de France, ou, le cas échéant, l’antenne de l’Institut Pasteur, du pays où vous vous rendez.
*NDLR : le prix du traitement varie, selon les zones et les médicaments adaptés, entre 6€ et un peu plus de 100€ pour 1 semaine de déplacements en zone à risques. En outre, certains traitements nécessitent une prise quotidienne de médicaments durant le séjour et 4 semaines après le retour. Quant aux effets secondaires, ils peuvent aller de simples troubles digestifs à des symptômes dépressifs parfois sévères.
Le site du CHU de Caen résume bien le type de traitements à prendre selon les zones infectées : Cliquez ici
Quels sont les symptômes de la maladie ?
Toute fièvre qui apparaîtrait dans les 15 jours qui suivent une exposition possible doit être envisagée comme un paludisme. Les symptômes étant assez proches de la grippe (forte fièvre, maux de tête, frissons, vomissements…), ils peuvent ne pas être pris au sérieux. C’est vrai qu’il y a plusieurs façons d’être touché par la maladie. Il y a même des porteurs du parasite qui ne tombent pas malades. En revanche dans le cas d’un paludisme dit « sévère », lorsque celui-ci n’est pas traité, cela peut entraîner la mort, soit à la suite d’une anémie sévère, soit parce que les parasites « bouchent » les capillaires au niveau des poumons ou du cerveau, provoquant dans le premier cas des détresses respiratoires et dans le second des séquelles qui correspondent à un AVC (accident vasculaire cérébral).
Pourquoi fait-on parfois des rechutes ?
En fait il existe 4 types de parasites humains, dont certains effectivement sont sujets à rechutes. C’est le cas notamment du Pasmodium Vivax et du Pasmodium Ovale, car le traitement curatif pour ces paludismes élimine les parasites présents dans le sang, mais épargne une partie d’entre eux qui se logent dans le foie et ressortent en 5 ou 6 fois, provoquant alors de nouvelles crises (fièvre, vomissements…). Le Pasmodium Malariae provoque également des rechutes mais on ne sait pas exactement où se cachent les parasites résistants. On pense que c’est dans la moelle osseuse.
Il faut aussi noter que malheureusement, les traitements curatifs sont de moins en moins efficaces, car les parasites sont de plus en plus résistants. On estime au Cambodge, où les parasites sont particulièrement résistants, que le taux d’échec du traitement curatif est de 40%. Il serait d’ailleurs très préoccupant que ce type de parasite migre en Afrique, où le taux de transmission est beaucoup plus fort, car cela pourrait entraîner une propagation particulièrement grave, sur un continent qui ne possède pas les traitements adaptés.
Est-ce que les cas de paludisme déclarés sur le sol français (NDLR : 3560 cas en France en 2011, source InVS) pourraient être transmis par les moustiques ?
Il faut savoir que l’espèce de moustiques qui transmet le paludisme, appelé Anopheles, s’adapte mal aux conditions climatiques en France, mais ce n’est pas impossible ! Le paludisme existait en Europe et en France jusqu'au début du XXème siècle. On pense, par exemple, que Louis XIV a souffert de paludisme. Les derniers foyers français ont été éradiqués dans les années 1920, en asséchant les marais de Camargue, du golfe du Morbihan et de la Corse.
Pourquoi ne parvient-on pas à éradiquer le paludisme dans les autres pays ?
Malheureusement parce qu’il s’agit de pays en voie de développement, où il y a peu de moyens. Il y a des problèmes d’accès au diagnostic et aux traitements. En outre, ainsi que je l’ai évoqué tout à l’heure, la maladie est parfois asymptomatique, c’est-à-dire qu’il y a des porteurs sains, qui sont un réservoir invisible de parasites qui continuent d’être transmis par les fameux moustiques Anopheles.
Pour en savoir plus :
- Site de l’OMS
- Prix des traitements sur le site du CHU de Reims
- Fiche Paludisme de l’Institut Pasteur
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