Si vous vous promenez dans le centre-ville de Perpignan, il y a de fortes chances que vous aperceviez une maison à la façade bleue, qui vit au rythme d’ateliers d’art plastique, de chant, de théâtre, de cours d’informatique, de séances de sport, de petits et grands événements conviviaux… On pourrait croire qu’il s’agit d’un club culturel et sportif ou d’une MJC… Mais La Maison Bleue, c’est bien plus que cela.
Cette association fondée il y a une dizaine d’années accueille surtout des usagers de la psychiatrie et est également gérée exclusivement par des usagers de la psychiatrie, sous la houlette de leur présidente de choc, Dominique Laurent.
L’origine de La Maison Bleue
L’idée de cette association est venue à l’esprit de Dominique car, elle-même atteinte de troubles bipolaires, elle ne trouvait pas d’organisation accueillante, motivante et structurante, où malgré sa maladie, elle puisse se sentir active, utile et entourée. Quelques amis se joignent alors à elle pour monter ce projet plein de promesses, fruit des idées de chacun. Les principes incontournables seront qu’il faut pouvoir accueillir les adhérents 7 jours sur 7, et éviter absolument de fermer les portes le week-end à des personnes déjà fortement isolées, qu’il faut également proposer des activités séduisantes, tous les jours et gratuitement, enfin qu’il n’y ait pas d’intervention médicale, afin d’oublier un peu la maladie, et de se réapproprier avant tout une vie sociale.
Une lutte au quotidien
L’isolement, la marginalisation voire la précarité, sont les plus grands ennemis des personnes atteintes de troubles psychiques. Que l’on soit bipolaire, schizophrène ou dépressif, doucement on glisse vers l’exclusion. Il est difficile de garder un emploi stable, un niveau de vie satisfaisant, parfois les amis et la famille s’éloignent, et malheureusement le cercle des addictions peut se mettre en place. Cigarettes, café, parfois alcool et drogues sont les maux contre lesquels Dominique doit lutter au quotidien pour faire en sorte que les adhérents tiennent le cap, et que ceux qui souffrent de troubles addictifs puissent trouver leur place et se sentir de mieux en mieux, sans perturber les autres.
« Je ne peux pas cautionner quand les adhérents viennent passer leur journée à La Maison Bleue, en fumant cigarette sur cigarette, en vidant une cafetière entière, sans même participer aux activités. Je ne force jamais personne évidemment, mais pour faire en sorte que le groupe reste soudé et positif, je fais comprendre que la philosophie de La Maison Bleue, c’est de participer ! », précise Dominique.
Les activités de La Maison Bleue
C’est ainsi que depuis 10 ans, elle accueille chaque année plusieurs dizaines d’adhérents. Cette année, ils sont environ 130 à participer aux différents ateliers culturels et sportifs. Une peintre dispense des cours d’art plastique, un entraîneur est responsable des activités sportives, mais il y a aussi des cours de théâtre proposés par une metteur en scène, de musique animés par un musicien, d’informatique sous le contrôle d’un informaticien, de pâtisserie, de ping-pong, de natation… gérés par les adhérents bénévoles de la Maison Bleue.
Le sport notamment est particulièrement mis en avant à La Maison Bleue. Comme nous l’avons vu, l’exclusion, dont souffrent les malades, annonce rapidement des problèmes de sédentarité. Ces derniers se cumulent souvent avec une prise de poids liée aux lourds traitements médicamenteux, entraînant des risques cardio-vasculaires. Le sport est alors autant un outil de lien social, qu’un outil de prévention dans le domaine de leur santé.
Une association non médicalisée
Cependant Dominique insiste sur le fait que La Maison Bleue n’est absolument pas médicalisée. Ici ni médecin, ni infirmière, ni assistante sociale. Dominique n’interdit pas que les adhérents parlent de leur traitement entre eux, mais elle fait en sorte que ces discussions ne soient pas trop longues… Jamais elle ne donnera de conseils sur tel ou tel traitement, et propose aux adhérents de parler plutôt à leur médecin, lorsqu’ils ont des doutes sur leur parcours de soins. Si certains stoppent leur traitement, les autres adhérents vont les soutenir pour que les personnes reprennent les soins. « Lorsque certains d’entre nous retournent faire un séjour à l’hôpital, ils sont toujours accueillis avec des applaudissements à leur retour ! », raconte Dominique. La bienveillance est l’un des grands mots d’ordre à La Maison Bleue, car chacun sait ce que c’est de traverser une mauvaise passe.
En fait, la seule vraie condition pour entrer à La Maison Bleue est de reconnaître que l’on souffre d’une pathologie psychique et d’être suivi par un médecin. Pourtant Dominique et les quelques membres du conseil qui reçoivent les nouveaux adhérents ne les questionnent jamais sur les détails de leur maladie. Cette partie de leur vie leur appartient.
Le fonctionnement de La Maison Bleue
L’association des Usagers de la Psychiatrie hébergée à La Maison Bleue a été reconnue Groupement d’Entraide Mutuelle, et bénéficie à ce titre d’une aide de l’état à hauteur de 75 000€ annuels. Cela permet de salarier 2 temps plein, de payer le loyer de la maison, et d’acheter du matériel pour les activités. Les adhérents doivent s’acquitter d’une cotisation annuelle de 25€ par an, leur permettant de participer autant qu’ils le veulent à toutes les activités proposées… Et La Maison Bleue tourne bien évidemment grâce à l’investissement de beaucoup des adhérents qui en sont également les premiers bénévoles… et forment, à eux tous, les membres d’une belle et grande famille.
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