Certes, en matière de lutte contre le saturnisme, des progrès ont été faits grâce notamment à l’interdiction des peintures au plomb, à la mise en place du Constat de Risque d’Exposition au Plomb (CREP) lors de transactions immobilières, ou à l’abaissement du seuil d’intervention qui est passé de 400 microgrammes par litre de sang (µg/l) en 1976, à 100 µg/l aujourd’hui, ce qui est encore trop élevé.
Cependant le champ d’action doit être encore élargi, notamment pour mettre un maximum d’enfants à l’abri du saturnisme. Faisons le point avec Angèle Ngo Moussi, juriste à l’Association des Familles Victimes du Saturnisme (AFVS).
Quelles sont les typologies de familles qui vous contactent ?
A 90%, ce sont des familles qui vivent dans des logements insalubres. 10% des cas d’intoxication au plomb concernent les conditions de travail.
Quel est le champ d’intervention de l’Association ?
Bien sûr, nous travaillons en amont sur la prévention, l’information, autant envers les familles qu’envers les professionnels de santé.
Nous intervenons également sur le terrain pour soutenir les familles victimes dans leurs démarches. Nous nous rendons dans leur logement avec des testeurs de plomb, nous incitons les familles exposées à faire des prises de sang, le cas échéant nous prévenons l’Agence régionale de Santé (ARS) et nous agissons pour trouver des solutions de relogement s’il y a besoin.
Concrètement, il y a intervention si un mineur a une plombémie de plus de 100 µg/l ?
Exactement, mais encore faut-il le savoir. Si l’environnement d’un enfant nous paraît suspect, il faut qu’il fasse une prise de sang. En arriver là est déjà le résultat d’une bonne information auprès des familles. Mais le pire est que si un enfant a par exemple une plombémie de 99 µg/l, on ne peut pas intervenir et trouver une solution de relogement urgente.
L’AFVS considère que ce seuil d’intervention est trop faible ?
C’est certain. Pour information, en Allemagne, il est de 35 µg/l.
Et vous vérifiez également que les délais de relogement soient respectés si c’est nécessaire ?
Oui, si le seuil d’alerte est dépassé, l’ARS saisit le bailleur pour effectuer les travaux de réhabilitation. Ne pas le faire serait considéré comme non-assistance à personne en danger. A Paris, les choses sont un peu facilitées car si le bailleur ne remplit pas ses obligations à temps, la ville prend en charge le relogement dans le mois qui suit et se retourne ensuite contre le bailleur.
D’une ville à l’autre, il y a donc de grosses inégalités ?
Malheureusement oui. Déjà parce que en ce qui nous concerne, nous sommes en région parisienne. Du coup, nous intervenons sur le terrain en Ile-de-France mais pour la province, nous nous limitons à donner des conseils. C’est frustrant. Mais les inégalités, pour la seule région Ile-de-France, sont évidemment nombreuses. Par exemple, nous savons qu’à Aubervilliers, de multiples logements sont insalubres, mais peu de gens nous contactent, alors qu’à Clichy, dans les Hauts-de-Seine, les familles sont nombreuses à se mobiliser et le bouche-à-oreille fonctionne bien. Du coup nous intervenons davantage là-bas. Nous faisons notre maximum pour nous faire connaître partout, mais l’impulsion doit venir des familles, des professionnels de santé lorsqu’ils sont au courant des conditions de vie difficiles d’un enfant, et des centres de PMI (Protection Maternelle et Infantile). Nous travaillons souvent avec les centres du 18e et de Saint-Denis.
Le saturnisme ne touche que les familles défavorisées ?
Elles sont plus nombreuses mais les familles aisées sont également exposées. Même dans un immeuble haussmannien des beaux quartiers, il peut y avoir des peintures au plomb et si, par exemple, on fait des travaux, une intoxication est possible.
Les séquelles sont alors les mêmes ?
Le risque de séquelles est souvent proportionnel au temps d’exposition. Un enfant, exposé durant une courte période de travaux par exemple, peut déclencher une intoxication aigüe mais retrouvera a priori rapidement une plombémie normale à la fin des travaux et n’aura peut-être aucune séquelle. En revanche un enfant exposé à des poussières de peinture au plomb écaillée pendant des mois, voire des années, peut souffrir de troubles psychomoteurs irréversibles. Le pire : plus longtemps l’enfant est exposé, plus il est difficile de faire baisser sa plombémie.
Contacter l’Association des Familles Victimes du Saturnisme :
3, rue du Niger – 75012 Paris
09 53 27 25 45
afvs@free.fr
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