Plusieurs milliers de femmes victimes des implants frauduleux de la société PIP ont déjà obtenu d’être indemnisées. Le point sur les différentes procédures en cours et celles à venir…
Procédures à l’encontre de la société Poly Implant Prothèses (PIP) ou du certificateur allemand TÜV Rheinland, mise en cause de la responsabilité des chirurgiens ayant procédé à l’implantation et dans une bien moindre mesure, activation du dispositif public d’expertise et d’indemnisation… les victimes des prothèses défectueuses de la société PIP font feu de tout bois pour obtenir réparation des préjudices qu’elles ont subis.
Avec le recul, on sait un peu mieux aujourd’hui ce à quoi les femmes porteuses de prothèses PIP peuvent s’attendre. Rappelons que plusieurs milliers à ce jour n’ont encore entamé aucune démarche afin d’être indemnisées. De quoi donner encore quelques sueurs froides non seulement aux responsables du scandale ainsi qu’à leurs assureurs, mais aussi aux pouvoirs publics qui in fine pourraient compter parmi les principaux bailleurs de fonds de ce scandale.
« Tromperie aggravée » et « blessures involontaires » au pénal
Quatre ans de prison ferme, 75 000 euros d’amende, interdiction définitive d’exercer dans le domaine médical ou de gérer une entreprise… Nous sommes le 10 décembre 2013, Jean-Claude Mas, fondateur en 1991 de la société varoise Poly Implant Prothèse (PIP) vient d’être condamné dans le cadre d’une procédure pour tromperie aggravée jugée au tribunal correctionnel de Marseille.
Les magistrats accordent dans le même temps aux plaignantes (plus de 4000) une somme d’environ 40 millions d’euros visant à couvrir les frais d’interventions (retrait de la prothèse mammaire défectueuse puis implantation d’une nouvelle) ainsi que le préjudice moral et d’anxiété. Dans les faits, c’est la solidarité nationale qui se substituera à la responsabilité de Jean Claude Mas, déclaré insolvable.
En l’occurrence, c’est par la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction (Civi) ou par le Service d’aide au recouvrement des victimes d’infraction (Sarvi) que ces plaignantes pourront espérer être indemnisées. Ces fonds, garantis par la collectivité, prennent en effet le relais lorsque l’auteur d’une infraction n’est pas en mesure de régler la note des dégâts qu’il a occasionnés. Toutefois, le montant des indemnisations versées par la Civi ou le Sarvi sont, dans bien des cas, plafonnés à quelques milliers d’euros.
En avril 2013, parallèlement à cette procédure, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé recevable dans le cadre d’une information judiciaire pour « blessures involontaires », la demande d’indemnisation de cinq plaignantes ayant procédé au retrait préventif sans complications. Une décision, qui ouvre la voie à de nombreux autres recours.
Au civil, la responsabilité des médecins peu engagée
En 2012, la MACSF principal assureur en responsabilité civile des professionnels de santé (200 chirurgiens esthétiques couverts sur environ 900 en exercice) enregistrait 38 réclamations de la part de femmes porteuses de prothèses PIP (10 traitées à l’amiable et 28 devant les tribunaux civils), pour un montant total d’indemnités versées de 742 840 €.
C’est peu, compte tenu de l’ampleur du scandale. « A ce stade, il n’y a pas eu de condamnation basée sur le simple fait d’avoir implanté des prothèses défectueuses », déclarait début 2013 Nicolas Gombault, directeur du Sou Médical (groupe MACSF). De fait, ces condamnations concernent des erreurs que l’expertise médicale a permis de confirmer et d’attribuer aux chirurgiens (erreur technique par exemple lors de la mise en place de la prothèse) ainsi que plusieurs cas d’infections nosocomiales.
Celle de l’organisme certificateur récemment affirmée
Dans une autre procédure engagée au civil, le tribunal de commerce de Toulon a estimé en novembre dernier que la responsabilité de l’organisme certificateur allemand TÜV Rheinland était clairement engagée dans l’affaire PIP. Un jugement confirmé il y a quelques semaines par la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Environ 1 600 femmes porteuses des prothèses PIP réclament 16 000 € chacune à l’organisme certificateur. A cette somme, s’ajoutent 28 millions d’euros que demandent les distributeurs de prothèses dans 6 pays.
L’assureur s’en dédie, il est vite rattrapé
Avis, enfin, aux assureurs qui seraient tentés en catimini de quitter le navire (avant qu’il ne coule) : en juin 2012, le tribunal de grande instance de Lyon condamnait la société Allianz à indemniser une victime en dépit de ses tentatives d’obtenir l’annulation du contrat la liant à la société PIP. « Depuis la révélation de l’ampleur des dégâts des prothèses PIP, Allianz cherche à obtenir la nullité de cet encombrant contrat », analysait alors le quotidien Le Monde.
L’assureur a été condamné par le TGI de Lyon à verser le total de 19 650 euros demandé par la victime, pour l’ensemble de ses frais et préjudices, avec « exécution provisoire », c’est-à-dire effet immédiat, même en cas d’appel. Quelques mois plus tard, la cour d’appel de Nîmes condamnait l’assureur à verser la somme de 1 000 € à une autre plaignante. En janvier dernier, la cour rejetait le pourvoi en cassation de la société Allianz confirmant ainsi qu’elle ne pouvait se dédire de son rôle.
Quid des commissions de conciliation ?
Mises en place par la Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, les commissions de conciliation et d’indemnisation (CCI), dispositif public d’expertise et d’indemnisation des erreurs médicales, se prêtent assez mal au cas des victimes de prothèses PIP. Elles n’y ont d’ailleurs que très peu recours. D’abord, parce que les seuils de gravité ouvrant le droit à une expertise en CCI sont relativement élevés. Pour nombre de femmes victimes il est ainsi hasardeux de se diriger vers cette procédure.
Ensuite parce que l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), l’organisme chargé du versement des indemnités si l’expertise en CCI a conclu à un aléa thérapeutique (préjudice sans faute), refuse depuis toujours de tenir son rôle dans le cadre d’interventions à visée esthétique. Or c’est le cas de 80 % des victimes de la société PIP.
Un arrêt du 5 février 2014 de la Cour de cassation enjoint l’Oniam à revoir sa copie. Il Cette décision qui fait jurisprudence amènera probablement plus de victimes à se tourner vers une procédure en CCI, estime Erik Rance, directeur de l’Oniam. Il reste à voir selon lui dans quelle mesure les préjudices subis atteindront ou pas les seuils de gravité prévus dans cette procédure.
Les victimes demandent un fonds public d’indemnisation
C’est en ce moment même le cheval de bataille de l’Association de défense des porteuses de prothèses PIP (Association PPP) : tenter d’obtenir auprès des pouvoirs publics un fonds d’indemnisation pour les victimes n’ayant pas encore procédé à l’explantation pour des raisons financières notamment.
La tâche s’annonce ardue, expliquait il y a quelques semaines une porte-parole de l’association : « Le ministère de la Santé semble réticent. L’association va tâcher dans les prochaines semaines d’identifier les femmes qui pourraient être concernées et mettre la pression sur le gouvernement ».
Un recours pour discrimination dans le traitement indemnitaire des victimes du scandale PIP a été présenté par l’avocat de l’association PPP en janvier à l’encontre de Marisol Touraine, ministre de la santé. « Pour l’instant, il s’agit d’un recours gracieux », précisait le magistrat dans les colonnes du quotidien Var Matin. Il prévient toutefois qu’en cas d’absence de réponse, « il saisira le tribunal administratif ». Là encore, affaire à suivre…
En savoir plus (liens vers les autres articles de notre dossier) :
- Dossier PIP – Chronique d’une tromperie trop longtemps ignorée
- Dossier PIP – Quizz sur la prise en charge des victimes
- Dossier PIP – Dépassements d’honoraires : les promesses de modération tarifaire ont elles été tenues ?
- Prothèses PIP – Témoignage : « Atteinte d’un cancer du sein… Victime d’une prothèse PIP »