Dossier PIP – Dépassements d’honoraires : les promesses de modération tarifaire ont-elles été tenues ?

Combien coûte l’explantation ou le remplacement d’une prothèse PIP ? Début 2012, le ministère de la Santé mettait en place un dispositif de suivi afin notamment de répondre à cette question. Deux ans plus tard, on n’en sait malheureusement pas beaucoup plus.

« A tous les confrères concernés, le Conseil national de l’Ordre des médecins recommandait début 2012 à propos des femmes victimes des prothèses PIP, de bien vouloir pratiquer des honoraires en rapport avec les tarifs de l’Assurance Maladie, et cela compte tenu du caractère exceptionnel de la situation et quelle que soit la cause de la mise en place (reconstruction après cancer ou esthétique). »

Qu’en a-t-il été effectivement ? Le 26 janvier 2012, le ministère de la Santé adressait aux hôpitaux et cliniques, ceux notamment où des actes de chirurgie esthétique et réparatrice sont réalisés, des instructions visant à mettre en place un dispositif de suivi spécifique des femmes victimes des prothèses PIP (télécharger les directives en pdf sur le site du ministère).

Un dispositif de suivi mis en place dès 2012

Objectif : évaluer les conditions de prises en charge de ces patientes (les tarifs pratiqués notamment) et assurer la traçabilité des prothèses explantées à des fins épidémiologiques. En pratique, peut-on lire dans les instructions adressées par le ministère, « Un codage spécifique des explantations de prothèses PIP est mis en place en établissement de santé afin de permettre l’identification de cette activité dans les bases de données informationnelles hospitalières. »

Pourquoi s’intéresser aux tarifs, si l’Assurance maladie prend en charge l’extraction de la ou des prothèses défectueuses et éventuellement leur remplacement ? Parce que le remboursement de ces interventions est calculé sur la base de tarifs que les chirurgiens, pour la plupart, sont libres de dépasser.

En octobre dernier, l’Association de défense des porteuses de prothèses PIP (Association PPP), a mené une enquête auprès de ses adhérentes ayant subi une intervention afin, entre autres informations, d’évaluer les sommes qu’elles ont dû débourser de leur poche.

Des restes à charge parfois très élevés

Sur près de 300 patientes dont les implants ont été retirés après la pose d’une prothèse PIP, le reste à charge moyen (qui tient compte du remboursement complémentaire) oscille entre 500 et 1600 €. Quelques patientes rapportent des tarifs bien plus élevés qui peuvent grimper jusqu’à 6000 €. Parce qu’elles le valent bien ?

Le suivi demandé par le ministère de la Santé se veut plus exhaustif. 66 millions d’impatients a sollicité l’Agence technique de l’information hospitalière (ATIH), l’organisme public qui centralise ces informations, afin d’obtenir les résultats de ce suivi. Premier constat, à la lecture des données que l’ATIH nous a fait parvenir : un grand nombre d’établissements, dans le privé notamment, n’ont pas entendu (ou voulu entendre) les consignes du ministère.

En 2012, l’ATIH a enregistré 7559 séjours réalisés dans 300 cliniques privées pour une chirurgie d’explantation qu’elle soit préventive ou consécutive à des complications. Sur ce nombre, seulement 1257 séjours (une cinquantaine d’établissements) ont été attribués à des interventions sur des femmes porteuses de prothèses PIP.

Les cliniques privées discrètes sur leurs tarifs

Pour l’ATIH, on peut clairement affirmer qu’il y a dans le privé « une sous-identification des séjours en Lien avec des prothèses PIP ». Les chiffres publiés en décembre par l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) dans une mise à jour de ses données sur les prothèses PIP  attestent de cette sous-identification.

D’avril 2010 à décembre 2013, 17 411 femmes porteuses d’une prothèse PIP ont procédé à leur explantation (dont 12 822 à titre préventif) sur un total estimé à environ 30 000 femmes porteuses. Au cours de l’année 2010, près de 3400 actes* correspondant à une explantation ou un remplacement de prothèse mammaire ont été effectués dans les cliniques privées françaises.

L’année suivante, ce nombre est passé à 5400 pour bondir à plus de 12 500 en 2012 selon les données de l’ATIH. Si toutes ces interventions ne sont pas forcément attribuables à des prothèses PIP, il ne fait pas de doute que celles-ci participent pour grande part à cette augmentation et ont été l’objet de bien plus qu’à peine 1300 séjours identifiés dans le privé.

Dépassements modérés dans certains établissements

Dans ces cliniques qui ont dument identifié les soins effectués sur des femmes victimes de la société varoise, les dépassements sont environ 25 % moins élevés que dans l’ensemble des établissements. Comptez en moyenne 775 € au delà du tarif Sécu dans le premier cas contre 1000 € dans le second (voir notre tableau ci-dessous).

Quels dépassements dans le privé pour les femmes victimes d’implants PIP ?

Type de séjour Nombre de séjours Séjours avec dépassement % séjours avec dépassement Honoraires facturés Dont dépassements Dépassement moyen Dépassement max
Extraction ou remplacement (tout type de protheses) 7 151 3 120 44% 5 787 269 € 3 125 472 € 1 002 2600
Séjours attribués aux implants PIP 1 257 540 43% 856 199 € 418 385 € 775 2 000

Ces données sont malheureusement sans grande valeur : elles signifient seulement que les dépassements pratiqués dans les cliniques ayant accepté de se conformer au suivi demandé par le ministère de la Santé sont moindres qu’ailleurs. Mais on ne peut pas confirmer que les chirurgiens ont en effet dans leur ensemble modéré leurs tarifs, trop d’actes liés à des prothèses PIP ayant échappé à l’identification spécifique recommandée.

Sollicitée par 66 Millions d’Impatients, la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) n’a pas souhaité commenter ces observations. A noter que dans le public, selon l’ATIH, 2727 séjours d’explantation de prothèses à titre préventif ou pour cause de complications ont été enregistrés en 2012, dont 1446 ont été estampillés PIP.

Tarifs dans le public : l’Assurance maladie sollicitée

Les dépassements dans le public sont beaucoup moins fréquents mais peuvent exister. Quand c’est le cas, ils sont le fait des praticiens hospitaliers ayant l’autorisation d’une « activité privée au sein de l’hôpital public » et sont susceptibles dans certains cas d’être très élevés.Seul moyen donc d’être assuré de ne pas avoir à payer de dépassement d’honoraires : privilégier une prise en charge dans un service d’un hôpital public, sans passer par l’éventuelle activité privée des praticiens qui y exercent. Attention : le délai d’attente peut-être assez long avant d’obtenir une date de consultation puis d’explantation, surtout si votre cas est en Lien avec une intervention esthétique.

Extraction ou changement d’implant(s) : les tarifs dans le privé selon l’acte

Type d’acte Tarif Sécu. de l’acte Nombre d’actes total Nombre d’actes avec dépassement % d’actes avec dépassement Dépassement moyen Dépassement maximum
Remplacement d’implant de type 1 148 € 991 327 33 % 817 € 2 500 €
Remplacement d’implant de type 2 185 € 3 498 1 945 56 % 753 € 2 000 €
Ablation bilatérale de type 2 204 € 4 505 1 667 37 % 972 € 2 300 €
Ablation unilatérale de type 2 146 € 394 113 29 % 614 € 2 000 €
Ablation bilatérale de type 1 141 € 2 997 1 008 34 % 933 € 2 300 €
Ablation unilatérale de type 1 94 € 253 50 20 % 390 € 1 200 €

Source : site web de l’ATIH. Données applicables aux femmes qui en 2012 ont eu recours à une extraction ou à un remplacement d’implants commercialisés ou non par la société PIP. Les données sur les dépassements d’honoraires correspondent aux moyennes constatées sur les seuls actes pratiqués en établissements privés.

Type 1 : sans capsulectomie (ablation de la membrane de tissus entourant la prothèse)

Type 2 : avec capsulectomie (ablation de la membrane de tissus entourant la prothèse)

NB : la différence entre le nombre de séjours et le nombre total d’actes figurant sur les deux tableaux peut notamment être liée au fait qu’un séjour comporte éventuellement plusieurs actes.

En savoir plus (liens vers les autres articles de notre dossier) :

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