Nous, associations de patients et d’usagers du système de santé, appelons plus que jamais à l’adoption de mesures concrètes pour lutter contre d’intolérables pénuries de médicaments et de vaccins.
Le 27 mai, une proposition de loi visant à créer un pôle public du médicament a été vidée de sa substance lors des discussions en Commission des Affaires sociales à l’Assemblée nationale. Cette proposition prévoyait notamment d’assurer une production publique de médicaments et l’alimentation d’une réserve stratégique de médicaments essentiels.
À l’issue des débats, ces principales dispositions ont été remplacées par deux propositions de rapports. Cette proposition de loi, finalement retirée avant d’être discutée dans l’hémicycle, aurait pourtant mérité un débat approfondi et constructif alors que la crise sanitaire générée par le SARS-CoV-2 nous rappelle brutalement l’urgence de repenser notre modèle de production des produits de santé.
Les textes s’accumulent, les médicaments manquent toujours à l’appel
Les pénuries de médicaments et de vaccins font l’objet d’une augmentation exponentielle[1], les alertes des associations et des professionnels concernant les pertes de chances engendrées pour les patients s’accumulent, les propositions, engagements et textes de loi se multiplient (mission sénatoriale en 2018, feuille de route du Ministère de la santé en 2019, loi de financement de la Sécurité sociale de 2020).
Le rapport stratégique confié à Jacques Biot par Matignon en septembre 2019 et achevé en février ne sort, quant à lui, pas de l’ombre.
Le Parlement européen s’est également emparé du dossier à l’occasion de la crise du COVID-19 et s’apprête à adopter, lui aussi, un rapport sur le sujet. Le projet, actuellement en discussion au sein de la Commission environnement et santé publique (ENVI) du Parlement, propose notamment la création d’un ou plusieurs établissements pharmaceutiques européens à but non lucratif et la mise en place d’une réserve stratégique européenne de médicaments, en miroir aux propositions du projet de loi français mort-né. Il est temps d’agir.
Perte de chance, déstabilisation de l’hôpital, Ségur de la santé
Les pénuries de médicaments et de vaccins constituent une perte de chance pour les patients mais provoquent également de graves conséquences dans la gestion des services hospitaliers. Elles nécessitent la mise en œuvre d’importantes mesures de gestion, coûteuses financièrement et humainement[2], qui déstabilisent les services et la prise en charge des personnes malades. Tandis que les services d’achats doivent adapter leurs marchés, les services de soins n’ont pas d’autre choix que de procéder à une priorisation des indications des produits concernés ainsi qu’à des modifications de leurs prescriptions et des protocoles de prise en charge.
Il est maintenant temps de passer des paroles aux actes, des rapports à la mise en œuvre des textes de loi et à l’adoption de mesures concrètes. Nous demandons urgemment :
-la parution du décret prévu dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale imposant aux industriels la création de stocks de sécurité
-un soutien clair et franc aux propositions de création d’une production alternative et d’une réserve stratégique discutées prochainement au Parlement européen.
[1] Entre 2008 et 2018, le nombre de signalements de tensions d’approvisionnement de médicaments dits d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) a été multiplié par 20. En 2019, l’augmentation devait être de plus de 60% par rapport à 2018, soit plus de 1300 signalements (source : ANSM).
[2] En 2018, la gestion des situations de pénurie nécessite le concours de 16 équivalents temps plein (ETP) par semaine au sein de l’AP-HP (mission sénatoriale, 2018)