Des journalistes ont récemment dévoilé une enquête appelée « implant files » publiée dans de nombreux pays, notamment européens. Les « implants files » tirent la sonnette d’alarme sur la situation des dispositifs médicaux, si peu contrôlés, depuis leur arrivée sur le marché jusqu’à la matériovigilance. Nos associations se rejoignent pour dénoncer les failles des autorités sanitaires dans le contrôle du commerce des dispositifs médicaux les plus à risques.
Tout porte à croire que pour certaines autorités, en France et en Europe, les dispositifs médicaux sont des objets de consommation comme les autres. Ainsi la Commission européenne a choisi de rattacher les dispositifs médicaux à sa Direction Générale Entreprises, alors que les médicaments relèvent de la Direction Générale Santé. En France, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) s’oppose à la publication de la liste des dispositifs médicaux qui ont reçu le marquage CE et ceux qui ne l’ont pas reçu, au nom du secret des affaires[1].
Certes, on ne s’attend pas à ce que de simples compresses ou des brosses à dents fassent l’objet de contrôles poussés. Mais on ne comprend pas pourquoi des médicaments doivent être munis d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), alors que l’on peut arrêter de les prendre immédiatement en cas de problème, tandis que les implants ne sont pas soumis à une telle AMM, alors qu’ils restent dans le corps pendant des années…
De nombreux acteurs, dont des signataires de ce présent texte, ont demandé en 2012 que les dispositifs médicaux les plus à risques (dont les implants) soient soumis à une AMM. La députée européenne rapporteure du projet de règlement, personnellement favorable à une telle autorisation préalable, a déclaré que le lobbying industriel avait employé des méthodes « répugnantes » pour faire échouer ce projet[2] [3].
Ce lobbying a été efficace puisque, en effet, le règlement européen qui entrera en vigueur en 2020 ne comporte pas une telle AMM.
Des responsables français de la santé ont expliqué que la situation telle que décrite par les « implant files » serait nettement améliorée avec le nouveau règlement. Or, non seulement ce règlement n’impose pas d’AMM, même pour les dispositifs médicaux les plus risqués, mais il continue de donner un rôle clé aux « organismes notifiés », malgré leurs défaillances, dans le contrôle des dispositifs médicaux, par la délivrance ou le refus du marquage CE.
En France, il existe un seul organisme notifié chargé du contrôle des dispositifs médicaux, le LNE/G-MED (et le SGS-ICS pour les logiciels d’aide à la prescription), un établissement public à caractère industriel et commercial. Dans le cadre des « implant files », le journal Le Monde a demandé au LNE/G-MED les listes des dispositifs médicaux auxquels il a délivré et refusé le marquage CE. Le LNE/G-MED a refusé de fournir ces listes. Et la CADA, sollicitée par Le Monde lui a donné raison au nom du secret des affaires[1].
En pratique, la situation décrite par les « implant files » est la conséquence de plusieurs décennies de laxisme, et de « contrôle passif » du marché, selon l’expression de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS)[4]. Rien ne permet de croire que la situation s’améliore suffisamment avec le nouveau règlement, au vu notamment du comportement opaque du LNE/G-MED.
Nous demandons donc avec la plus grande fermeté que les autorités sanitaires françaises mettent tout en œuvre pour davantage protéger les patients et leur permettre de faire des choix éclairés dans le domaine des dispositifs médicaux. Il s’agit notamment de faire preuve de la plus grande transparence concernant les critères et les résultats de la certification CE, de renforcer très fortement la matériovigilance et de garantir l’accès public aux incidents et accidents constatés avec les dispositifs médicaux.
Nous demandons que la France porte au niveau européen la mise en place d’une véritable AMM pour les dispositifs médicaux les plus à risques. Nous demandons également que le gouvernement convoque de nouvelles assises du médicament et du dispositif médical. Malgré les premières assises de 2011 à la suite du scandale Mediator, une grande partie des acteurs reste sous l’influence du puissant lobby des industriels. Le système d’évaluation et de contrôle des produits de santé est très laxiste, trop laxiste. Tous les éléments sont donc réunis pour de récurrentes catastrophes sanitaires majeures.
[1] « Implants : la Commission d’accès aux documents administratifs invoque le « secret des affaires » contre la transparence », Le Monde, 27 novembre 2018 [2] “How lobbying blocked European safety checks for dangerous medical implants”, The BMJ, 26 novembre 2018 [3] « Comment le lobby des implants médicaux a fait plier la Commission européenne », Le Monde, 27 novembre 2018 [4] « « Implant Files » : un rapport de l’IGAS souligne les incroyables lacunes de la surveillance de l’autorité sanitaire », Le Monde, 30 novembre 2018Contacts presse :
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