Discours de François Bayrou : responsabiliser les usagers…sans leur en donner les moyens !

Le Premier ministre a présenté ce mardi 15 juillet ses mesures pour réduire les dépenses publiques en 2026. Pour la santé, l’objectif est de 5 milliards d’euros d’économies. Retour sur « un moment de vérité » à tout le moins subjectif.

À la suite du discours prononcé par François Bayrou, ce 15 juillet, France Assos Santé exprime sa vive inquiétude face à l’orientation politique défendue, qui fait peser sur les usagers du système de santé la responsabilité des dérives et des tensions actuelles. L’appel à « responsabiliser » les usagers du système de santé, présenté comme une solution, masque mal l’absence de réponses structurelles à l’augmentation des dépenses de santé et aux inégalités d’accès à la santé.

Une logique de « responsabilisation » inéquitable et contre-productive

Ce discours repose sur une vision simpliste, voire culpabilisante, de la consommation de soins. Or, les usagers ne demandent qu’à être acteurs de leur santé – à condition qu’on leur en donne les moyens effectifs :

  • accès à des professionnels de santé sur l’ensemble du territoire,
  • accès réel à la prévention et à l’éducation à la santé
  • accès aux soins sans barrières financières.

Le rôle de l’État est d’agir concrètement, par la régulation de l’offre de soins, la lutte contre les dépassements d’honoraires et la mise en oeuvre de mesures fiscales volontaristes en matière de santé publique (taxation des produits nocifs, réglementation de la publicité, étiquetage nutritionnel obligatoire…).

Doublement des franchises médicales : une mesure injuste et mal ciblée

Le Premier ministre évite soigneusement d’évoquer un point essentiel : les franchises ne s’appliquent que sur des soins prescrits. Pourquoi, dès lors, n’est-il pas question de la responsabilité des médecins ? Faire porter la charge sur les seuls patients est non seulement injuste, mais aussi inefficace. Les mesures de « responsabilisation » devraient être portées par une meilleure régulation des acteurs, notamment des médecins prescripteurs, principaux artisans de la particularité française de sur-prescription et de mésusage, sources de risques pour les personnes malades, de dépenses inutiles et d’impact environnemental. En outre, cette mesure viendra pénaliser les personnes malades qui ont réellement besoin de traitement, avec des risques de renoncement aux soins encore plus importants. Nous rappelons que les personnes en ALD sont déjà celles qui supportent le plus de restes à charge.

Affections de longue durée : et les patients dans tout ça ?

Le traitement des patients en ALD ne peut se résumer à une logique de restriction. Ces patients, qui n’ont pas choisi d’être malades, nécessitent un accompagnement attentionné, en matière d’éducation thérapeutique et de prévention des risques de complications qui entrainent des dépenses importantes (hospitalisations, traitements lourds…). Tout cela est totalement absent du discours du gouvernement. Le Premier ministre évoque l’exclusion des traitements hors ALD de la prise en charge à 100 % : c’est déjà le cas aujourd’hui avec l’ordonnance bi-zone. Si des dérives sont constatées, encore une fois c’est aux prescripteurs de respecter les règles en vigueur.

Quant aux médicaments à faible intérêt médical, certains traitements actuellement jugés « de confort » sont essentiels pour garantir l’adhésion aux traitements lourds (oncologie et hématologie), dans la gestion des effets secondaires liés aux traitements. Leur déremboursement conduira à un risque important de pertes de chance pour les personnes les plus défavorisées qui arrêteront les traitements au regard des effets indésirables, car ils ne pourront plus financer ces traitements qui ne seront plus pris en charge, ni dans le cadre de l’ALD, ni par les mutuelles.

Des mesures peuvent être envisagées concernant les ALD, les associations ont proposé d’y travailler avec les pouvoirs publics, notamment concernant la juste prescription de soins et le recentrage sur les protocoles de soins, en intégrant pleinement la prévention dans le parcours de soins. Une réforme des modalités de prises en charge doit aussi être pensée. Nous considérons qu’une prise en charge plus globale du patient, par une équipe pluriprofessionnelle, comprenant notamment des professionnels qui aujourd’hui ne sont pas reconnus dans le parcours de soins, avec une tarification globale, serait très clairement plus optimale et plus efficiente en termes de santé et d’économies.

Arrêts de travail : un non-sens

France Assos Santé est interloquée par l’abandon pur et simple des services de santé et de prévention au travail. Alors que l’heure est à l’allongement de la durée de vie active, ceux-ci méritent au contraire d’être renforcés. Des mesures de prévention des risques psychosociaux, d’amélioration des conditions de travail et d’accompagnement des personnes en arrêt de longue durée pour éviter la désinsertion professionnelle devraient être mises en oeuvre.

France Assos Santé appelle à un changement de cap. Il n’est plus acceptable de pointer du doigt la soi-disant responsabilité des usagers dans l’augmentation des dépenses de santé. Cette vision culpabilisante et infantilisante des patients n’est pas à la hauteur des enjeux budgétaires et des attentes de la population.

Ce n’est pas aux patients de compenser les renoncements de la puissance publique. L’exigence de responsabilité doit d’abord s’appliquer à l’État et aux acteurs qui façonnent l’offre de soins, et associer pleinement les usagers sur les mesures qui les concernent directement.

Logo Santé Info Droits

Partager sur

Copier le lien

Copier