Point sur les expérimentations de la Haute Autorité de Santé
Pour certains patients dont la prise en charge est complexe, se faire soigner en ville mobilise plusieurs professionnels. Améliorer la qualité et la sécurité de leurs soins nécessite d’analyser l’organisation de leurs parcours et les interfaces entre professionnels de santé.
Après avoir réalisé une expérimentation sur le terrain, la Haute Autorité de Santé (HAS) propose une approche nouvelle prenant en compte le point de vue du patient : la méthode du « patient-traceur » en ville. Elle consiste à analyser rétrospectivement le parcours de santé du patient à l’occasion d’une réunion en équipe pluriprofessionnelle. Le point de vue du patient sur sa prise en charge est aussi restitué à l’équipe afin de compléter l’analyse.
Selon la HAS, la méthode du « patient-traceur » aurait fait ses preuves en matière d’amélioration de la qualité en établissements de santé. Fallait-il encore s’assurer de son intérêt dans le cadre de la prise en charge en ville. Une expérimentation a donc été menée dans des organisations variées : maison, centre, pôles et réseaux de santé, méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie (Maia), service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), équipes de santé mentale, professionnels libéraux travaillant en équipe.
L’expérimentation menée par la HAS a permis de montrer sa faisabilité et son utilité.
Le guide « Le patient traceur : Démarche d’analyse en équipe du parcours du patient » précise la démarche par étapes et propose des outils pour les professionnels.
Le patient-traceur, c’est quoi ?
Le patient-traceur est une démarche d’analyse collective et a posteriori du parcours global d’un patient à condition qu’il ait donné son accord. Cette démarche prend en compte les perceptions du patient et les croise avec celles des professionnels pour évaluer notamment les organisations, les interfaces professionnelles, la coordination. Son objectif est l’amélioration de la qualité, de la sécurité des soins et de l’organisation spécifique des parcours. Les critères de choix du patient sont notamment la complexité de la prise en charge.
Une démarche fondée sur la complémentarité entre le vécu du patient et celui des professionnels
Cette démarche est adaptée à l’analyse en équipe des parcours de santé de patients dont la prise en charge est complexe (c’est-à-dire nécessitant l’intervention régulière de plusieurs professionnels par ex. : patients polypathologiques, patients en santé mentale, patients présentant une affection de longue durée).
L’intérêt de cette approche repose sur la prise en compte du point de vue du patient dans l’analyse de sa prise en charge. Son avis est croisé avec celui des professionnels impliqués dans le parcours. Ce croisement de regards est une approche nouvelle et complémentaire pour améliorer les soins et services apportés aux patients.
Une démarche qui développe ou renforce le travail en équipe
Cette démarche peut se mettre en œuvre dans des contextes organisationnels variés.
Elle favorise le travail en équipe pluriprofessionnelle et l’amélioration des pratiques professionnelles collectives. Elle permet une meilleure connaissance du rôle de chacun.
Elle permet l’identification d’actions d’amélioration, notamment en termes de communication d’informations entre professionnels, d’élaboration de protocoles locaux de prise en charge, d’organisation des soins, etc.
Une démarche faisable sous certaines conditions
Elle peut être initiée par des professionnels de ville déjà regroupés ou ayant une volonté de travail en équipe pluriprofessionnelle.
L’implication des médecins traitants en lien avec les médecins de second recours est fondamentale pour sa réussite.
La présence d’un coordonnateur/animateur facilite l’organisation de cette démarche. Sa mise en œuvre prend du temps (contacts multiples, reconstitution du parcours, organisation de réunions, animation, synthèse).
La démarche peut révéler des problématiques de santé locales ou territoriales, qu’il est nécessaire de confirmer avec le soutien d’acteurs locaux, territoriaux, ou régionaux (URPS, ARS, plateformes/structures d’appui, réseaux de santé, associations, autres).
* * *
« Le patient devrait pouvoir demander lui-même la mise en œuvre d’une démarche patient-traceur »
Consultée pour l’élaboration du guide par la HAS en tant que représentante des usagers du système de santé au sein d’établissement de santé, Martine Séné-Bourgeois juge la démarche « tout à fait intéressante ».
Selon son analyse, « en établissement, les équipes ont du mal à prendre en compte ce que dit le patient et qui devrait être transformé en actions d’amélioration ». Martine indique par ailleurs que, notamment en ville, « il serait utile pour le patient de récupérer, à la fin de la démarche, une synthèse de l’entretien réalisé avec lui et la liste des actions mises en œuvre grâce à ces échanges ». Plus intéressant encore : « Le patient devrait pouvoir demander lui-même la mise en œuvre d’une démarche patient-traceur ».
Autres pistes d’amélioration de la démarche : au cours de la visite de certification des établissements de santé, les experts de la HAS évaluent la qualité de la prise en charge des patients au travers de la démarche du « patient-traceur ». Pour cela, ils utilisent des informations trouvées dans le dossier et celles fournies par l’équipe de soins mais, « et c’est regrettable, ils ne rencontrent pas les patients dits « traceurs » au cours de leur visite, souligne Martine. Ainsi, la démarche de certification des établissements de santé occulte le ressenti des patients sur la qualité de leur parcours et de leur prise en charge, alors même que celui-ci est essentiel. »