Médicaments anti-Alzheimer : un contexte difficile qui ne pourra pas se résoudre dans la polémique

 

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Médicaments anti-Alzheimer : un contexte difficile qui ne pourra pas se résoudre dans la polémique

Un avis de déremboursement non suivi par la ministre

Les questionnements sur l’efficacité des traitements disponibles contre la maladie d’Alzheimer (l’Aricept®, l’Ebixa®, l’Exelon® et le Reminyl®) ont resurgi dans un contexte immédiatement polémique après la médiatisation rapide de l’avis de déremboursement rendu par la Commission de la transparence (CT) de la Haute Autorité de Santé (HAS), avant même sa publication officielle.

Finalement, la décision de déremboursement total des 4 molécules prescrites dans le cadre de la maladie d’Alzheimer a été écartée dans l’immédiat par la Ministre de la Santé, dans une déclaration du 26 octobre.

Quelques chiffres

Aujourd’hui, la maladie d’Alzheimer est la plus fréquente des maladies neurodégénératives. En 2015, 900 000 personnes étaient atteintes par la maladie en France et chaque année 225 000 nouveaux cas sont recensés.

Si la maladie frappe le plus souvent des personnes âgées (près de 15% des plus de 80 ans), elle peut aussi survenir beaucoup plus tôt. On estime aujourd’hui en France à 33 000 le nombre de patients de moins de 60 ans atteints de la maladie d’Alzheimer.

Cette maladie touche celles et ceux qui ont atteints mais également les proches aidants sur qui repose bien souvent le lourd, voire très lourd, travail d’accompagnement.

Elle est la quatrième cause de mortalité en France.

Où en est la recherche ?

A ce jour, aucun traitement n’existe contre Alzheimer, même si une molécule, découverte en 2014, pourrait s’annoncer prometteuse dans les années à venir pour retarder la maladie.

Néanmoins, les recherches tendent cependant à prouver qu’il existe plusieurs manières de prévenir les maladies neurodégénératives, grâce notamment à une amélioration du niveau de vie et d’éducation, une réduction des risques cardiovasculaires mais aussi un travail régulier du cerveau.

A qui sont prescrits les médicaments anti-Alzheimer ? Quel coût pour la collectivité ?

Depuis 2011, avec l’avis de la CT évaluant un intérêt thérapeutique faible, les prescriptions se sont établies au rythme de 10% par an. Entre 30 000 à 40 000 patients reçoivent ainsi ces traitements pendant quelques mois. Ces prescriptions représentent une dépense pour la collectivité de 100 à 130 millions d’euros par an. C’est élevé, mais à relativiser par rapport à ce que coûte la prescription de soins inutiles, évaluée à près de 30% des dépenses de maladie (surprescriptions d’examens, d’actes médicaux et chirurgicaux inutiles…), soit environ 50 milliards d’euros perdus auxquels il convient d’ajouter les coûts des complications évitables.

Pourquoi est-il coupable de discréditer France Alzheimer qui lutte contre le déremboursement des médicaments anti-Alzheimer ?

Parce que France Alzheimer invoque de bonnes raisons de maintenir le remboursement…

– « les quatre molécules utilisées, présentent l’intérêt, même si c’est de façon limitée, d’apporter une amélioration au niveau du comportement et dans la vie quotidienne de certains patients » ;

– « mis sur le marché depuis plus d’une vingtaine années, les contre-indications et les précautions d’usage de ces médicaments sont bien connues des spécialistes qui évaluent au cas par cas leurs bénéfices et leurs risques » ;

– « en plus du déremboursement total des médicaments (même pour les personnes prises en charge à 100% par l’assurance maladie), la conséquence serait d’envoyer un signal désastreux pour les personnes malades et leurs proches ».

C’est là l’expression d’une association créée en 1985 à l’initiative de familles, de personnes malades et de professionnels du secteur sanitaire et social.

… et que la voix des personnes concernées est au moins aussi importante et recevable que celles des prescripteurs.

Prétendre que France Alzheimer serait confondue dans un conflit d’intérêt avec les laboratoires, c’est porter offense à la respectabilité des proches aidants qui subissent la maladie de plein fouet. Les subventions versées par les industriels à l’association sont transparentes, publiques et disponibles par tous sur le site de la HAS et ne permettent en aucun cas de démontrer l’absence d’indépendance de France Alzheimer. En doutant, à tort, de l’impartialité de France Alzheimer, on discrédite injustement le point de vue des patients et de leurs proches et on tue un débat qui nécessite le plus de sérénité possible pour être tranché. Cette technique de déstabilisation est à la fois diffamatoire et arrogante.

Le CISS soutient la décision ministérielle

Contre le déremboursement pur et simple, le CISS est favorable à l’amélioration des prises en charge sans perte de chance et sans augmentation du reste à charge.

L’autorisation de mise sur le marché de ces 4 médicaments n’est pas remise en cause par l’avis de la Commission de la Transparence et ceux-ci restent prescrits, sous réserve des recommandations de bonnes pratiques, dans les pays qui le commercialisent (comme le NHS anglais soit disant plus restrictif que les instances de régulation françaises).

Cette position reste en outre justifiée par le constat d’une efficacité, certes faible mais néanmoins reconnue, pour une partie des patients. Mais rappelons que pour de très nombreux malades, les prescripteurs, en désespoir de cause, se tournent volontiers vers des psychotropes (hypnotiques, anxiolytiques, neuroleptiques) pour soulager les douleurs psychiques. Quelle est l’efficacité en vie réelle de ces traitements ? Quels en sont les effets secondaires ?

L’orientation vers des prises en charge moins centrées sur la chimie et qui favoriseraient notamment l’accompagnement médico-social est essentielle. Sur ces techniques également, des mesures scientifiques d’efficacité doivent être réalisées et les besoins organisationnels et financiers nécessaires à ces types de prises en charge être clairement expertisés

En l’absence d’alternative médicamenteuse, un déremboursement aurait été vécu comme une rupture par les malades et leurs proches qui perçoivent le médicament comme un soutien et un élément important de la prise en charge. 

Une prescription au cas par cas et la définition de protocoles effectifs de prise en charge

Dans ce contexte, marqué par la très grande détresse des malades et de leurs proches et la lenteur des avancées pharmaceutiques pour le traitement d’une maladie redoutée de tous, socialement et individuellement dévastatrice, l’urgence ne nous semble pas devoir porter sur le déremboursement mais sur la redéfinition de protocoles de prise en charge plus aboutis, autorisant notamment une meilleure adaptation des prescriptions, dans un cadre multidisciplinaire associant généralistes, gériatres, neurologues et psychiatres. Il s’agit en l’occurrence d’obtenir un consensus afin d’éviter la lutte de territoires entre généralistes et spécialistes dans l’intérêt des patients.

Il nous semble nécessaire d’engager, à distance de toute polémique, un débat entre les différentes parties prenantes : agences sanitaires et autorités scientifiques indépendantes, pouvoirs publics, financeurs, représentants des personnes concernées et des professionnels intervenant auprès d’elles.

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